Atelier services publics

Les services publics

samedi 20 janvier 2007, par Webmestre

Claude Hée Attac 72

1 - Historique :


1.1 - Sous l’ancien régime :
activités minimales de l’état nécessaires à la cohérence de la société ( Monarchie = services régaliens) : armée, justice, droit, monnaie et impôts, (Financement de ces fonctions et dépenses du Prince )

Les premiers services publics se sont mis en place sous l’impulsion de Sully et de Colbert :
- Ouvrages d’infrastructure : routes, ponts, canaux, assèchement des marais.
- Poste : acheminement du courrier, dépêches.
- Arsenaux, manufactures d’armes,
- Tabac, allumettes,
- L’enseignement et la Santé relèvent du Religieux.

1.2 - A partir du 12ième siècle : l’état prend le relais de l’église en ce qui concerne la santé pour des raisons de maintien de l’ordre (contrôle des " classes dangereuses ") d’où la création de l’Hôpital Général. Idem pour le domaine pénitentiaire.

1.3 - A partir de 1789 : la révolution bourgeoise entraîne la révolution industrielle, dans le but de développement économique. La puissance publique prend le relais des industriels privés dans :
- L’organisation des Ponts et Chaussées,
- La création des Chemins de Fer.

Il s’agit de " missions de service public " confiées par délégation au secteur Privé.

En 1879, les Télécommunications sont gérées en concessions puis nationalisées en 1889 dans un but économique, mais aussi dans celui de contrôle des communications de l’état. Cette conception s’étend par la suite au télégraphe et à la radio transmission jusqu’en 1982.

L’instruction publique :
C’est un " droit fondamental " qui est posé par la révolution de 1789.
A partir de cette date, la direction de l’enseignement passe sous la responsabilité de l’état. Le projet se heurte à la résistance de l’église.
Sous le premier empire, l’école primaire revient dans le giron des ecclésiastiques jusqu’aux lois de Jules Ferry en 1881-1882 et 1886.
Le réseau des écoles secondaires, collèges, lycées, universités, fut en revanche étatisé et centralisé très tôt ( Université impériale sous Napoléon). A signaler cependant un recul en 1850 avec la loi Falloux autorisant le retour des congrégations dans l’enseignement secondaire.

Dans tous ces domaines, on est loin du " service public ", mais dans une logique d’état qui n’a rien à voir avec la satisfaction des besoins sociaux :
- Etat autoritaire et puissant mais dont l’intervention dans la vie économique est proscrite au nom de la " libre entreprise " !!!

1.4 - Au début du 20ième siècle : la conception du " Service public " sous l’influence des courants républicains et socialistes se met en place suivant un nouveau courant de pensée et permet d’aboutir à la promulgation des premières lois sociales :
- L’état est extérieur au marché, il est là pour le piloter et redistribuer les richesses ( régulation des droits qui sont des droits fondamentaux des individus).
- Accès égal à tous les citoyens concernant la santé, l’éducation, qui ne peuvent être laissés au marché (Etat providence).

En parallèle, le grand Patronat avait mis en ouvre pour les familles ouvrières de la grande industrie un système achevé de prestations : logements, dispensaires (régions minières).

A la même époque les communes prennent le relais dans certains domaines (voierie, bains publics, restauration, voies ferrées, transports urbains, distribution des eaux, épuration des eaux usées, pompes funèbres...) : Socialisme municipal précurseur des services publics à la Français : L’état commence à organiser les systèmes de protection sociale :
- 1930, mise en place des assurances sociales,
- 1932, allocations familiales confiées à des mutuelles privées.

Mais la loi précisait que le développement des activités publiques ne devait pas empiéter sur le droit de propriété et l’initiative privée, n’intervenant que dans le cas de carence de cette dernière !!!
Malgré cela dans les années trente, l’état relance son intervention dans les domaines des transports et de l’énergie :
- 1936, première vague de nationalisations,
- 1937, nationalisation des chemins de fer ( création de la SNCF ).

Ceci répondait plus aux besoins de l’organisation économique suit à la faillite des opérateurs privés ( crise de 1929 ), qu’aux demandes des ouvriers.

L’énergie est l’affaire du local et du privé. Le développement de l’électricité et les besoins industriels nécessitent une concentration des compagnies et une intégration des réseaux, ( production, transport, distribution ).

Cela s’effectue dans le cadre d’un régime de concessions jusqu’à la nationalisation en 1946 ( Marcel Paul ministre de l’industrie ), et aboutit à la naissance de EDF-GDF.

Cette nationalisation et la création de la Sécurité Sociale forment le véritable acte de naissance du " Secteur Public Français " décidé par le CNR ( Conseil National de la Résistance ) à l’unanimité le 15 mars 1944 juste avant la libération.


1.5 - Nationalisations totales ou partielles effectuées par le 1er gouvernement de la France Libre :

- Mines de charbon et houillères,
- Electricité et Gaz,
- Transports maritimes et aériens,
- Construction mécanique ( Renault ),
- Banques et assurances

L’extension du champ du secteur public se réalise sous le coup des nécessités économiques (besoin d’une reconstruction rapide après la guerre), mais aussi à cause :
- du sous investissement chronique d’avant guerre,
- du problème des trusts (électricité, industrie aéronautique avec la formation de la SNECMA ),
- de la collaboration ( Renault ),

- mais surtout dans l’esprit d’un ordre social nouveau (rapport de force en faveur de la gauche ), plus juste par l’instauration d’une véritable démocratie économique et sociale impliquant l’éviction des grandes féodalités économique et financières de la direction de l’économie au profit de la participation des travailleurs à la direction de l’économie ( voir programme du C.N.R ).

1.6 - Depuis trente ans : sous la pression du néo-libéralisme le projet politique est minoré et nous assistons à une destruction des services publics et des secteurs publics industriels.

L’idée de " justice sociale " (meilleure répartition des richesses, création des services publics) ) fondement même de la démocratie, est sacrifiée au nom de la rentabilité, de l’efficacité et de la flexibilité :
- C’est l’Etat qui permet de faire fonctionner le marché en intervenant sur le plan juridique et qui définit les règles et les mécanismes pour que la concurrence joue à fond.
- L’ Etat n’a plus le monopole de l’intérêt général,
- L’Etat partage avec le Privé les fonctions ( remise en cause de la séparation Public/Privé, l’espace public tend à se privatiser.

1.6.1 - Libéralisation des services :

- 1969, réseaux autoroutiers,
- 1987-88 transports aériens,
- 1993-99 : maritimes,
- 2000 : fluviaux,
- 1997, séparation organique de la SNCF : Réseau Ferré de France, SNCF : simple exploitant ferroviaire,
- depuis 2002 éclatement ferroviaire de l’entreprise avec la régionalisation (conventions région/SNCF pour le TER,
- Mars 2003, ouverture du fret à la concurrence,
- 1996, France-Télécom devient une société anonyme,
- 1998, libéralisation de l’essentiel du secteur Télécommunications,
- 2003, l’Etat n’est plus majoritaire, les missions de service public sont retirées ( mise en concurrence par appel à candidatures, Service Universel comprenant téléphone de base, cabines et annuaires ).

- Energie : quatre décennies d’expansion énergétique depuis la nationalisation de 1946 remises en cause avec l’Acte Unique Européen de1986 et le traité de Mastricht de 1992,
- 1996, première directive européenne ( libéralisation progressive du marché de l’électricité,
- 1998, idem pour le gaz,
- 2000, première directive concernant les gros consommateurs industriels (30% de la consommation ) qui ont la possibilité de choisir leur fournisseur d’énergie,
- 2003, deuxième directive ouvrant le marché à la concurrence pour les professionnels, PME-PMI et collectivités territoriales à partir de 2004,
- 2007 prévision d’ouverture totale du marché pour l’ensemble des usagers ! La commissaire Européenne à l’énergie vient de demander à EDF et à ses concurrents de séparer la production de la distribution.

1.6.2 - Conséquences concrètes de ces libéralisations :

Les entreprises privées se limitent aux parties les plus rentables. Il en découle :
- un appauvrissement des " opérateurs historiques " qui réagissent notamment en réduisant la qualité de leur service et la couverture du territoire et en faisant sous-traiter certaines fonctions (ménage, blanchisserie, gardiennage...). Les gouvernements constatent alors que les services publics ne sont pas rentables et les privatisent.
- hausses des prix ( eau, téléphone, électricité...). A signaler que pour cette raison, les grosses entreprises qui avaient choisi d’autres fournisseurs envisagent de revenir à EDF !!!
- pannes catastrophiques électriques (en Californie, en Italie et dernièrement en Allemagne et en France ), pannes des chemins de Fer en Angleterre,
- arrêts des investissements,
- discriminations en défaveur des plus modestes,
- suppressions massives d’emplois et licenciements ( 300.000 en Europe sur les 800.000 existants au début des années quatre vingt dix ,
- destruction des droits sociaux.

2 - Les Services Publics c’est quoi ?

2.1 - Les trois grandes catégories :

- les services marchands de réseau (eau énergie, télécommunications, transports ) qui sont offerts sur la base d’une tarification publique,
- les services non marchands ( santé, protection civile, éducation ) qui sont offerts sur la base d’une gratuité totale ou partielle,
- par extension, les services de sécurité sociale qui assurent une protection contre les risques de maladie, de chômage ou de retraite.

2.2 - Les trois principes de base :

- égalité, c’est-à-dire la fourniture des services à l’ensemble des usagers
- continuité , c’est-à-dire l’obligation de fournir en tous temps le service et de le restaurer au plus vite en cas de force majeure ( ex : intervention rapide d’EDF suite à la grande tempête de 1999 à comparer à l’attitude des sociétés privées Californiennes dans une circonstance comparable,
- adaptabilité, c’est-à-dire l’obligation d’adaptation permanente aux évolutions technologiques et aux besoins dans le cadre du service public ( certaines régions rurales ne sont pas desservies correctement par les réseaux de téléphonie mobile ),

Au-delà des différences existant entre les trois grandes catégories ci-dessus définies, la satisfaction des besoins sociaux assurée dans le cadre des services publics peut se définir à partir d’une double déconnexion :
- d’une part de la rentabilité immédiate de l’activité qui consiste à répondre à ces besoins sociaux, c’est-à-dire que l’on va satisfaire un certain nombre de besoins même si ce n’est pas rentable, pour d’autres raisons que la rentabilité,
- d’autre part, on va répondre à des besoins indépendamment du pouvoir d’achat individuel des gens à qui ces services sont destinés.

Ce que l’on va recevoir et ce que l’on va payer est en grande partie déconnecté.

Le principe du service public comprend l’idée de tarification et de péréquation, c’est-à-dire que le service est payant, mais on s’est donné des règles qui déconnectent ce paiement de la réalité du coût.

Toute privatisation a pour effet de rétablir ce lien.


3 - La libéralisation des services publics.

3.1 - Logique à l’oeuvre

Remise en cause de l’existence de secteurs économiques échappant à la loi du marché et à la libre concurrence, dans lesquels un service public exerce un monopole, dans le but d’une privatisation partielle ou totale, d’où une triple offensive :
- par une détérioration des services publics ( voir plus haut ) et une orientation de la gestion de ceux-ci selon les critères des firmes multi nationales ( Loi Organique relative aux Lois de Finances ),
- des privatisations décidées au niveau National, sous le prétexte des recommandations Européennes !
- une libéralisation menée au niveau mondial dan le cadre de négociations au sein de l’OMC (AGCS) et relayéee au niveau européen (directive services dite BOLKEINSTEIN).


3.2 - Quelle tactique est utilisée :

- La segmentation comme moyen de privatiser,

- La décentralisation comme moyen d’éclater.

C’est le principe de " l’état nation " comme force de régulation sociale qui est remis en cause.

Claude Hée Attac 72 (MAJ :200107)

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