AGCS : Chronique d’une mort annoncée : L’école maternelle.

mardi 27 septembre 2005, par Webmestre

Pour info et diffusion ce travail trés intéressant sur l’AGCS et l’école
maternelle de Sabine Jauffret pour ceux qui chercheraient un éclairage
tangible et compréhensible par tous et permettant de lancer ou
d’éclairer un débat.

C’est un bon exemple de l’application locale de l’AGCS et d’une volonté
politique et qui est malheureusement déclinable :
la situation en Midi-Pyrénées ressemble comme deux gouttes d’eau à celle
qui se dessine en région parisienne depuis plusieurs années (notamment
au Kremlin Bicêtre et sur le 94 où les travaux et débats du FSL 2003 ont
montrés une situation déjà également en ce sens mais beaucoup moins
marqués) et cette situation n’a plus rien à voir avec ce que nous avons
pu vivre (mais là je ne suis peut etre pas un bon exemple pour un état
des lieux, ayant fait la majeure partie de ma scolarité à la Réunion
avec une démographie trés différente et à l’époque d’une pratique de
politique d’éducation élitiste et exclusive avec un taux de 10 % d’une
classe d’age au Bac, mais avec une faveur pour l’école maternelle,
centre de socialisation et d’apprentissage un peu trop forcée de La
Langue et de la culture à mon gout, trés révélateur de la politique
Education Nationale sur les langues et cultures régionales des années 70
rectifiée ensuite, mais je note toujours en pointe du progrés et zone
test avec l’offensive récente de Danone-l’éducateur diffusée et
combattue par le CL de la Réunion).

J’attends avec impatience le bouclage du dossier complet et suis
preneuse des travaux sur l’éclairage et le lien AGCS-local que d’autres
auraient pu faire.
Agnes Perrin
Attac 94 - CA

AGCS : Chronique d’une mort annoncée : L’école maternelle.

L’article 1-3-b déclare : que l’AG.C.S. concerne tous les services dans tous les secteurs, à l’exception des services fournis dans l’exercice du pouvoir gouvernemental.

L’article 1-3-c précise : qu’un service pour échapper aux règles de l’A.G.C.S. ne doit être fourni par le gouvernement, ni sur une base commerciale, ni en concurrence avec 1 ou plusieurs fournisseurs de services.

L’accord est ratifié par le parlement en décembre 1994.
Il est prévu une « protection » possible : les exemptions.
La France demande une protection entre autre pour l’éducation, la santé, la culture...
Cette protection ne peut excéder 10 ans.
Nous sommes en ... 2005.

Depuis le 1er janvier 2005 s’appliquent à ces services publics les articles 1-3-b et 1-3-c.

L’enseignement est donc concerné par l’AGCS.

Pour bien comprendre le mécanisme que je vais tenter de mettre à jour, il faut savoir que les mesures annoncées plus bas ne sont pas systématiques, ni dans le temps ni dans l’espace.
Elles sont mises en place de façon très parcellaire.

Sous couvert du problème (pédagogique) de la scolarisation des 2 ans, (qui est par ailleurs un réel problème dans les conditions où elle est organisée à ce jour, mais ce n’est pas l’objet de cet exposé), il est remis en cause l’accueil des 2 ans en écoles maternelles.
En quelques chiffres, sur le département du Tarn (81), il y a 10 ans l’école maternelle accueillait 80 % des enfants de 2/3 ans du département, elle n’en accueille plus que ..... 38 % ! Elle accueillait 56 % des enfants de 2 ans, elle n’en accueille plus que 36 %. (Sources FCPE départementale et inspection d’académie). L’inspecteur nous assure qu’il souhaite ... stabiliser ce chiffre !

Bon nombre d’écoles maternelles n’accueillent plus les enfants qu’à partir de 3 ans révolus.
Et quand elles les accueillent, les moins de 3 ans ne sont pas comptabilisés dans les effectifs et cela depuis plusieurs années.
C’est souvent la cause de classes de maternelles surchargées.

En même temps, la rentrée de janvier est supprimée de façon irrégulière. Ce qui implique que environ 1/3 des enfants scolarisables à 3 ans, ne rentrent effectivement à l’école maternelle qu’à la fin de leur 3ème année, voir à 4 ans.

Dans le même temps et ce depuis 4 ou 5 ans, le statut administratif de l’école maternelle est visé : quand un directeur (trice) part en retraite ou obtient une mutation, il est demandé, voir « imposé » au directeur (trice) du primaire de prendre la direction complète de l’école.
Il faut savoir que celui-ci n’est pas obligé de prendre cette fonction, l’inspection ne peut la lui imposer sans son assentiment. Pour exemple cette année 10 écoles étaient concernées par cet état de chose en Aveyron, 1 directeur sur 10 a refusé le poste.

Dans ces conditions là l’école maternelle garantie de moins en moins les impératifs de qualité voir de sécurité physique et morale que nécessitent l’accueil des enfants de cet âge.

Les familles qui le peuvent se rabattent sur les structures d’accueil associatives, le plus longtemps possible (jusqu’à 4 ans) soit par choix, soit par obligation (pas de places, entrée janvier supprimée ...).
Ces structures (crèches, haltes, CLSH mater ...) fournissent un service ... payant.
Même si les familles peuvent bénéficier d’aides parfois conséquentes (Prestation Sociale Unifiée) de la CAF, il n’en reste pas moins vrai que nous sommes ici dans le cadre d’un service, fournis sous forme de prestations payantes, concernant les enfants de 3 voir 4 ans, dont l’accueil est normalement prévu dans le cadre du service public d’enseignement.
Nous sommes donc ici dans le cadre ou l’école maternelle est un service fourni par le gouvernement ... en concurrence avec un ou plusieurs fournisseurs de services.

Autre chose. Nous voyons fleurir depuis 2000 (à mettre en lien avec le décret 2000 Ségolène Royal !) des projets que l’on nomme « passerelles ».
Il existe des classes P, des temps P, des lieux P, des structures P .....
L’idée de classe passerelle pouvait être intéressante (cf. le passage entre la maison, la crèche ou la nounou et l’école, permettant ainsi un passage en douceur pour les enfants de 2 à 3 ans),
Mais cette flopée de projets passerelles pose un réel problème :
il y a très peu de réelles classes passerelles en France (partenariat EN et milieu assoc.)
fleurissent une foultitude de projet classés « projets innovants » sous cette appellation.
La spécificité des « passerelles » (à part les classes) c’est que ces projets pour le moment sont greffés sur des structures existantes, et sont donc soumis à la législation de celles-ci. MAIS il n’existe aucune législation concernant ces types de projet (pas d’exigences en matière de qualification ni d’encadrement ...) ex. Le pont de l’Arn près de Mazamet (conventions multiples avec structures existantes pour pouvoir fonctionner).
Cf. responsable PMI du Tarn qui applique la législation des crèches parce qu’elle le souhaite mais aucune contrainte.
Une grande première en France !

Ces projets ont une amplitude d’accueil de 0 à 6 ans.
Les agrément PMI prévus à l’origine pour les 2-3 ans s’étendent maintenant aux 4 ans (cf manque de place et rentrée janvier supprimée).
Jusqu’à 4 ans - un jour la CAF verse une aide (Prestation Sociale Unifiée), à partir de 4 ans le coût est à la charge totale des familles.
Les familles commencent à se familiariser avec le fait que jusqu’à 4 ans elles sont susceptibles de ne plus pouvoir bénéficier du service public.

Par ailleurs.
Le rapport Thélot nous annonce un changement crucial : l’obligation scolaire à partir de 5 ans.
En effet depuis presque 10 ans les acquis de base ont été transférés en Grande Section maternelle.
(cf. p.13 et 14, p.51 et 56 ...du rapport Thélot)

Maintenant je vous fais la synthèse :
les 2,3 voir 4 ans sont en structures associatives.
Les 5 ans sont en primaires.
Le statut des écoles maternelles disparaît ...

Va-t-on garder un service public d’enseignement de la petite enfance pour les 3,5 /4 ans ?

Je suis prête à relever le défi.

Mais le problème est plus complexe.

N’importe quelle entreprise de service privé peut s’installer maintenant sur ce marché que devient la garde (anciennement « accueil ») de la petite enfance.
Les fournisseurs de services existent. L’associatif est de droit privé, financé encore par des fonds publics.

Le mode de calcul de l’aide PSU (CAF), obligatoire depuis cette année dans les structures Multi-Accueil (encore ce foutu décret 2000 de Ségolène Royal !), est extrêmement précis sur les tranches de calcul des revenus des familles.

Outre l’aide accordée, c’est un merveilleux outil statistique !
Il sera possible dès la fin de cette année de repérer très précisément à l’échelle du pays les lieux ou il est rentable de s’installer pour le secteur privé (cette aide étant versée aux structures).
Cette aide est, de l’avis des professionnels de la petite enfance rencontrés sur le terrain, plus équitable qu’auparavant (plusieurs barèmes, qui prennent en compte plus justement le revenu des familles, là ou il n’y en avait que 3 auparavant).

Mais les contreparties sont plutôt rigides : toute heure commencée est due, signature de contrats de présence par les familles (toute heure prévue est due). Priorité aux parents qui travaillent, laissant ceux en recherche d’emploi, ou une femme seule avec plusieurs enfants, qui ne travaille pas dans l’embarras, par exemple.

Accueil des enfants à l’heure, ce qui répond plus à la flexibilité des horaires des parents qu’aux besoins des enfants et à un projet pédagogique de qualité.
Certains parents nous disent avoir vu leur facture augmenter de 20 à 40% pour le même temps d’accueil (impossibilité d’être à 18h pile tous les soirs et payer systématiquement une heure sup. pour 10 minutes de retard, obligation de payer les heures de garde prévue par contrat, sur des temps de RTT ou récupération, modifiés au dernier moment par l’employeur ...).

Par le « jeu » de la décentralisation en cours, ces structures, quand il s’agit d’associations, sont et resteront à la charge des collectivités locales (mairies, communautés de communes, conseils généraux et/ou régionaux), ce qui génèrera comme c’est déjà le cas, une augmentation de la fiscalité locale.
Par ailleurs en se désengageant du service public d’éducation :
Le gouvernement renvoi la population à des solutions individuelles privées sur des questions publiques de politiques sociales et d’éducation.
Il anéanti le principe de péréquation, chaque collectivité locale ne pourra faire qu’avec ses moyens et/ou les intentions de ses élus.
C’est aussi un savant transfert de fonds, qui revient à financer avec de l’argent public des structures de droit privé (et bientôt des entreprises), dans le même temps ou il en manque pour le maintien d’un bien commun qui nous appartient à tous : l’école publique.

L’AGCS nous dit qu’un fournisseur de service privé lorsqu’il s’installe en face d’un service subventionné, peut, au nom de la concurrence déloyale demander :
- soit l’attribution d’une subvention équivalente à celle existante pour le même service.
- soit demander la suppression de cette subvention pour le service subventionné.

Les structures associatives qui pour le moment suppléent au manque de places en service public, vont bientôt devoir continuer à le faire sans subvention ou en « concurrence » avec des entreprises privées, financées entre autre par les collectivités publiques.

Deux ENTREPRISES DE CRECHE à but lucratif, sont en train de s’installer sur Toulouse. L’une dans le quartier Passo-Cambo (Zone des avionneurs), l’autre dans la Z.I de Montaudran (Pôle informatique). Ces entreprises seront financées par les entreprises environnantes (côte part en fonction de l’utilisation de leurs salarié(e) s, et (à confirmer) au moins pour les investissements, en partie par la CAF du département.
L’accueil des enfants est prévu à l’heure, l’objectif est de palier à la flexibilité des horaires des parents, le personnel sera également évalué à l’heure, n’anticipons pas sur le type de contrats de travail !!!!
(Nous sommes en train d’affiner la recherche des informations sur ce sujet tout neuf, l’information vient juste d’être diffusée en réunion de responsables de crèches et de la PMI sur Toulouse.)

Outre le problème de privatisation du secteur « accueil de la petite enfance », se posent toutes les questions environnantes :
quelle mixité sociale dès la petite enfance ?
quel est le rôle politique des techniciens de la CAF et de la PMI ?
Peuvent ils continuer à argumenter que leur mission est d’améliorer l’accueil des 2/3 ans dans ces conditions ?
Après l’école à 2 vitesses... la crèche, puis la maternité, puis le bocal d’insémination à 2 vitesses ?
Tous les Psychologues l’ont dit, et les instigateurs de l’AGCS l’ont bien compris : en matière d’éducation, tout se joue avant 3 ans !!!!
- Les femmes sont les premières touchées par le travail précaire, partiel, non choisit ...
La suppression des écoles maternelles va toucher de plein fouet les femmes des classes sociales les plus modestes, les ramenant ainsi souvent à la maison ....

Si le financement de notre cinéma est notre exception culturelle française.
Si la sécu et les retraites étaient nos exceptions en matière de protection sociale française.
L’école maternelle était notre exception éducative française, qui concourrait à garantir l’égalité des chances devant une scolarité laïque, gratuite, pour tous.
Encore un espace politique de solidarité mis à mal.

Bon nombre de pays européens n’ont pas d’écoles maternelles.
Ils n’en auront pas, et la notre est en train de disparaître sous nos yeux !
Il parait que les Américains nous l’envi(ai)ent !!!!

Voilà en quoi concrètement, la concurrence libre et non faussée du Traité Constitutionnel Européen a à voire avec l’AGCS, dans notre quotidien.

L’OMC se fout de nos maternelles, comme de l’esprit des lois !
L’offensive en matière de services est donnée par l’Union Européenne, avec la France de Pascal Lamy en tête.
Allons nous attendre que le Paraguay ou les pays Africains prennent seuls le risque de ne pas entériner l’AGCS, sous les menaces de la banque Mondiale ? Ou allons nous prendre un jour nos responsabilités de bons Européens pour que cela cesse ?

Pour l’observatoire de la globalisation,
Groupe de travail de la coordination régionale Attac Midi Pyrénées.
Sabine Jauffret

Ceci n’est qu’une synthèse du dossier que nous sommes en train de monter.
Elle est rédigée rapidement pour alerter les différents acteurs concernés (parents, enseignants, syndicats, comités locaux ...)
Le dossier final comprend des chiffres précis sur notre région, les différents textes de loi, les détails des contacts pris.

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