L’AGCS programme la mort des services publics

mardi 29 avril 2003, par D.

Texte publié par Oncle Bernard (dans ?? Charlie Hebdo ??)

L’Europe va demander la privatisation totale des services postaux, de
larges pans des services environnementaux, de l’énergie, des
transports et de la recherche scientifique.

Le 31 mars, les offres de libérialisation des services des 145 Etats
membres de l’OMC doivent être déposées à Genève dans le cadre de
l’AGCS (Accord général sur le commerce des services, GATS en
anglais). L’AMI (Accord multilatéral sur l’investissement), 1998, vous
vous souvenez ? "Toutes les obligations aux Etats et aux collectivités
publiques, tous les droits aux entreprises" (un Etat pouvait être
condamné, par exemple, pour une grève d’un secteur public). L’AGCS,
c’est pire. Il doit faire entrer en vigueur le 1er janvier 2005 une
vague de libéralisation de tous les services : santé, vétérinaires,
éducation, eau, transports, culture, banque, poste, Télécom,
télévision, tourisme, comptable, sécurité, avocats, etc. 70% du PIB
des nations comme la France. Un marché potentiel de 1000 milliards de
dollars pour l’eau, 2000 milliards pour l’éducation, 3000 pour la
santé, etc.

L’AGCS programme, dans un engrenage de négociations permanentes, outre
la fin des services publics, la privatisation des biens communs de
l’humanité (eau, ressources naturelles, énergies). On y retrouve la
clause de la nation la plus favorisée (l’absence de discrimination des
pays dans le commerce). L’AGCS fournit un cadre et laisse les pays
libéraliser. Un cycle de négociation est prévu tous les cinq ans afin
de parvenir progressivement à un niveau plus élevé de
libéralisation. Jusqu’à la libéralisation finale. Lamy doit présenter
une liste à l’Union européenne, qui transmettra à l’OMC. Il exclut la
santé, l’éducation et l’audiovisuel. Il ouvre en revanche La Poste,
les transports aériens et maritimes, la maintenance des aéroports. Le
reste (Télécom, environnement, déchets, eaux usées...) est à examiner.

L’AGCS est une régression. Prenons l’éducation : l’accès à
l’éducation,la qualité et l’indépendance de la recherche seront
laminés par la privatisation. En France, le pari de la IIIeme
République sur l’alphabétisation n’a pas reposé sur aucune raison
commerciale, mais sur une volonté humaniste et politique (affirmation
d’une culture nationale). La notion de service public repose sur
l’idée que les conséquences d’une action (l’éducation encore) sont
multiples et non mesurables ; que certaines activités humaines
échappent au principe du marché, qui mesure le prix et repose sur le
principe : un objet, un propriétaire. Le marché ignore les synergies,
les effets positifs collectifs (comme la recherche ou la "confiance")
qui ne peuvent être imputés à des facteurs particuliers.

Au delà du contenu de l’accord, l’AGCS s’attaque à l’exercice même de
la démocratie : pourquoi une organisation commerciale et un tribunal
de commerce, l’OMC, dicteraient-ils leurs lois à la politique ?
Pourquoi le commerce impose-t-il sa loi à la morale, à la philosophie
 ? Si des règles supranationales s’appliquent en matière de subventions
ou de marchés publics, elles saperont les droits des gouvernements et
des collectivités à mener des politiques publiques. L’AGCS, comme
l’AMI en son temps, donnera le droit à toute entreprise d’intervenir
auprès de l’ORD (Organe de règlement des différends, tribunal de
l’OMC) pour faire sauter toute barrière menaçant la liberté du
commerce. Trois semaines avant la catastrophe du Prestige, le groupe
de travail de l’AGCS sur les transports s’était indigné des "normes de
sécurité environnementales un peu excessives dans le domaine des
transports maritimes(1)". Pas la peine d’en dire plus.

Oncle Bernard

(1) Suzan George, ATTAC, Courriel d’information numéro 403.

attaccourriel28

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