Altermondialisme et altermondialisation

jeudi 1er février 2007, par Webmestre

ATTAC a étendu sa sphère d’intervention originaire mais n’embrasse pas pour autant l’ensemble des questions qui se pose au citoyen dans la société contemporaine...

ALTERMONDIALISME et ALTERMONDIALISATION.

ATTAC a étendu sa sphère d’intervention originaire mais n’embrasse pas pour autant l’ensemble des questions qui se pose au citoyen dans la société contemporaine. La tendance semble à discuter de tout sans tabou dans ATTAC, de tout sauf de l’action de tel ou tel parti politique, objet associatif oblige (1). En fait ATTAC comme mouvement d’éducation populaire tourné vers l’action se rattache à la lignée des mouvements d’émancipation mais sur des bases nouvelles exigées par la crise relative du mouvement ouvrier tant dans sa composante politique que dans sa composante syndicale.

I. - ATTAC une association de masse pour l’émancipation citoyenne

Attac "de masse" signifie simplement qu’elle est ouverte à tous ceux et toutes celles qui veulent combattre la "dictature des marchés financiers" (1) et non réservée à une élite spécialisée dans l’économie ou le droit international comme je l’ai déjà entendu. Elle est un outil et un lieu de débat pour se libérer des contraintes du néolibéralisme par "l’aide au citoyen" (cf sigle d’ ATTAC). Mais si cette démarche d’émancipation citoyenne rattache l’association à une "culture de mouvement" il faut reconnaitre qu’une certaine "culture de gouvernement" n’y est pas absente, du moins s’agit-il alors plus d’une culture d’alternative que d’une culture d’alternance.

- ATTAC entre altermondialisation et altermondialisme. L’altermondialisation fait référence au processus, à la construction du mouvement réel. L’altermondialisme fait plus référence au but au projet, à la perspective d’un autre monde. L’altermondialisation concerne les pratiques sociales alors que l’altermondialisme porte sur les conceptions du monde , celles portée par le mouvement tant en contre qu’ en pour. L’altermondialisme, qui ne se nomme plus antimondialisme, a néanmoins maintenu sa nécessaire composante de résistance à la mondialisation marchande, financière et d’appropriation privée. Le mouvement s’est dans son évolution doté d’une perspective positive matérialisée par une série dee tryptiques : une autre France, une autre Europe, un autre monde. On peut aussi dire un alterdéveloppement, une alterépublique, une alterdémocratie. On peut enfin y ajouter les luttes transversalles contre les dominations et oppressions sexistes, racistes et intégristes religieuses. L’exigence d’égalité serait alors fédératrice : Gus MASSIAH évoque souvent l’égalité d’accès aux droits essentiels comme alternative au néolibéralisme. L’égalité hommes/femmes est toujours d’actualité. Mouloud AOUNIT appelle avec d’autres de ses voeux la constitution d’un mouvement civique fondé sur "l’égalité d’abord" une égalité "une et indivisible", ce qui vient rattacher plus fortement l’exigence d’antiracisme nécessaire à un ’altermondialisme conséquent.

- Une aporie : ATTAC contre le "mouvementisme" sans être avant-gardiste L’enjeu est bien que l’altermondialisation ne sombre pas dans le mouvementisme, c’est à dire dans un mouvement qui "bouge" en ayant oublié ses buts tant en résistance "anti" qu’en perspective "alter". Un tel mouvement s’inscrirait alors plus dans la perspective infra-altermondialiste de la"fin de l’histoire". Elle se contenterait alors d’accompagner la dynamique du capital par des mesures sociales et écologiques qui préserve ce dernier dans ce qui le constitue radicalement. Pour autant l’atermondialisme ne précise qu’assez peu son "autre monde", son après-capitalisme dominant pour certains, son après-développement pour d’autres. ATTAC ne découpe pas en son sein des tendances pour les marginaliser voire les exclure. La vérité de vient pas d’en-haut mais du débat interne, parfois dur, car l’avant-gardisme (2) ne fait pas parti de son corpus théorique et pratique.

II. - Radicalité et élargissement : reprendre la problématique.

- Radicalité et élargissement Le terme de radicalité prête parfois à confusion. Il s’agit de proposer au mouvement social revendicatif des mesures qui s’attaquent "à la racine des choses", des mesures d’alternative en rupture franche avec le néolibéralisme, des mesures à la hauteurs des attaques portées par les acteurs du capitalisme contemporain. C’est un des enjeux du Manifeste d’ ATTAC qui contient plusieurs niveaux de mesures. Le débat doit se poursuivre sur ce plan . Mais l’existence d’un texte satisfaisant n’épuise pas le sujet . En effet ces mesures doivent être partagée et portée par une dynamique sociale . Une dynamique large . Cette radicalité ne doit pas faire obstacle à l’élargissement du mouvement. L’élargissement du mouvement est à la fois la condition de son succès mais aussi le risque du dévoiement de sa perspective d’un "autre monde". L’enjeu est de tenir les deux bouts entre radicalité et élargissement.

- Une question lancinante La question n’est pas nouvelle , elle avait déjà été posée dans l’ouvrage collectif "Où va le mouvement altermondialisation ?" écrit dans la foulée de la manifestation anti-guerre du 15 février 2003. La question ressemble assez à celle posée dans le mouvement syndicale entre revendication et unité ou revendications et rassemblement. Mais au sein du mouvement altermondialiste, il n’y a pas fondamentalement de classe de travailleurs à défendre et à unir sur des revendications. Les salariés ne sont qu’une composante, certes massive du mouvement. Et encore que dans la réalité de ce dernier toutes les couches du salariat ne sont pas présentes et actives . Outre les salariés le mouvement "alter" mobilise des travailleurs indépendants, des artisants et des paysans . La confédération paysanne participe de cette mobilisation avec les syndicats de salariés . En théorie, le mouvement altermondialiste notamment celui français s’appuit sur l’idée de citoyenneté des individus, une citoyenneté inscrite dans la nation (3) pour les uns et dans une dimension continentale (européenne) et même mondiale pour les autres. Dans d’autres pays il s’appuit plus sur le sentiment d’appartenance des citoyens au peuple, cette communauté plus large que le salariat qui s’oppose aux élites, aux gouvernements en place de droite ou de gauche, aux dirigeants privés (le MEDEF) ou public (la Haute Administration).

La réponse semble tenir dans le souci de diversité et pluralisme des adhérents des comités locaux ainsi que des thèmes abordés par eux. La nature d’ ATTAC entre aussi en jeu, notamment sa gouvernance particulière qui fait cohabiter dans un ensemble sous tension un Conseil scientifique, un collège des "fondateurs" et un Conseil d’ Administration qui est ouvert à la fois aux élus des adhérents "personne physique" et aux élus des adhérents "personne morale".

Christian DELARUE Membre du CA d’ATTAC France Secrétaire national du MRAP

Notes :

1 Je me suis essayé à un exercice "limite" sous le titre "ATTAC et Unitaire 2007" publié sur krismondial.blogg et sur Bellaciao

2 A propos d’avant garde, j’ai publié sur Bellaciao un extrait excellent d’Alain BHIR

3 avec une extension à la citoyenneté de résidence pour les ressortissants extra-communautaires durablement installés en France

4 "Egalité d’abord" , l’appel a circulé sur les listes d’ attac . Il est en cours de constitution

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