Attac débats 2005 - ATTAC est-il "de gauche" ? par Christian Delarue

dimanche 21 août 2005, par Webmestre

ATTAC n’est pas "de gauche"...mais veut changer le monde !

ATTAC en tant que tel n’est pas "de gauche". Il y a des militants de divers partis de gauche en son sein, il y a aussi des écologistes, des humanistes, des féministes, des antiracistes, des syndicalistes. En fait ATTAC est tout à la fois antimondialiste car critique du libéralisme y compris dans sa verson socialibérale et antermondialiste c’est-à-dire tiré par une aspiration à changer le monde, à vouloir "un autre monde possible". Le mouvement altermondialiste est porteur d’une transcendance sociale et civilisationnelle qui le porte au delà du capitalisme et de l’impérialisme. ATTAC ne théorise pas ce postcapitalisme, il ne débat pas de "quel socialisme est pensable pour le XXI siècle ?". Pour autant il ne se contente pas de vouloir simplement améliorer le monde à ses marges et rester ainsi dans le cercle de la "fin de l’histoire" tel que la théorisé Fukuyama.

I - ATTAC veut-il seulement "améliorer" le monde ?

Le socialibéralisme écologiste ou keynésien que nous combattons déclare vouloir "améliorer le monde". L’idèe de départ est positive mais n’est pas développée ni traduite dans les faits . En fait le socialibéralisme reste dans le cadre du capitalisme. C’est la critique d’ATTAC.

A) Le socialibéralisme veut améliorer le monde...

Améliorer le monde serait le tout début de la "pensèe de gauche", celle dite progressiste. La droite conservatrice, celle fidèle a ses valeur ne veut rien améliorer . Cela ne signifie pas qu’elle n’intervient pas, qu’elle n’enclenche pas de réformes . En fait elle critique ce volontarisme sous le nom de "constructivisme" afin de laisser le pouvoir de régulation aux forces du marché. Il faudra y revenir.

Auparavant je laisse Jean-Claude GUILLEBAUD (1) expliciter la portèe de la volonté d’amélioration du monde, d’autant qu’il démarre sur une formule que nous aimons : "Un autre monde est possible" : lorsqu’ils inscrivent ce très beau slogan sur leur banderoles, les manifestants hostiles à la mondialisation néolibérale posent, peut-être sans s’en rendre compte, l’une des questions les plus importantes de ce début de siècle : celle du progrès humain . En effet, si l’on cesse de croire que le monde est améliorable, si l’on tourne le dos à cette conviction "progressiste", alors comment défendra-t-on les droits de l’homme, comment luttera-t-on pour la justice et l’égalité. Tout engagement implique cette croyance minimale : nous sommes tous responsables de l’achèvement du monde ou, pour dire les choses autrement, c’est à nous - et non pas au "destin" ou au hasard - qu’il appartient de construire l’avenir. C’est bien cela qui définit l’engagement démocratique dans ses fondements".

L’auteur développe ensuite l’émergence de l’idèe de progrès à la fois à partir de la vision chrétienne du salut qui sera laïcisée (Condorcet) et à partir d’une analyse comparée des visions du temps : il distingue de façon originale temps linéaire qui pousse à la croyance au progrès et au volontarisme et temps circulaire qui ne laisse aux humains que l’adaptation à l’ordre du monde.

B) ...et ce faisant rester le cadre borné du capitalisme ?

Reste à savoir si l’amélioration du monde tant dans son discours que dans ses faits, dans ses politiques concrètes accumulèes ne s’inscrit pas aussi dans une forme masquée d’adaptation aux logiques dominantes, à savoir financiarisation mais aussi appropriation privée et marchandisation avec tous les effets sociaux et environnementaux qui en découlent. Si l’amélioration n’est que la façon implicite ou franche de fondamantalement de conserver ce monde invivable pour la majorité tant au nord qu’au sud alors il faut dénoncer l’hypocrisie. Ce que fait ATTAC.

Gilles MARTINET écrit qu’il a recherché "une troisième voie (ni totalitarisme stalinien, ni opportunisme social-démocrate) qui a fait son chemin . Il s’agissait d’associer construction la du socialisme au développement de la démocatie pluraliste". Voilà bien une première proposition interressante.

Mais il poursuit en disant que la gauche a "réalisé des réformes positives (les 35 heures, la CSG, le RMI...)" . Un premier doute apparait. Ce doute se confirme par une vision que partagerait volontier Fukuyama et les partisants de la "fin de l’histoire".

Selon Gilles Martinet, suite à la chute du mur de Berlin... "trois grandes leçon s’imposaient : 1 . Une société différente du capitalisme peut effectivement exister. 2 . Elle ne peut s’établir qu’au prix d’un affrontement armé et débouche rapidement sur l’Etat totalitaire. 3 . Après des succès initiaux dans la première phase de l’industrialisation, le système se révèle inefficace et doit à son tour faire appel au marché"

A ce discours fataliste typique des annèes 90, le mouvement altermondialiste et ATTAC a revendiqué un changement radical du monde.

II - Oui, ATTAC veut participer à "changer le monde" !

C’est là semble-t-il une assertion toute idéologique mais ne doutons pas de sa force mobilisatrice. Il veut transcender l’ordre du monde. Ce faisant elle est aussi très politique.

A) Une question de principe largement partagée.

Qu’il faille résolument changer le monde voilà bien l’exigence principiel nouvelle radicale et formidable apportèe par le mouvement dit altermondialiste . Au sortir de la nuit de la fin des annèes 90 le soleil altermondialiste montre sous la formule "un autre monde est possible" une forte perspective mobilisatrice et ce dans plusieurs pays.

A propos de la formule au pluriel, je renvoi au lien ci-après [FSLPR] D’autres mondes sont possibles mais un seul radicalement autre est nécessaire :
http://www.local.attac.org/35/ml-attac35-archive/msg03630.html

L’autre monde postcapitaliste que nous voulons n’est pas qu’une utopie, une philosophie mais aussi et surtout un axe politique . Surtout si l’on pense - sans y croire - comme Althusser que "la philosophie est un chemin qui ne mène nulle part".

B) Une question de l’adéquation des moyens aux fins.

Cela posé n’empêche nullement de s’interroger politiquement sur les moyens pour atteindre la fin. La politique n’est-elle pas ce lieu qui travaille aux passages, aux transitions, aux stratégies tout autant qu’aux tactiques.

Au plan théorique deux questions méritent approfondissement : l’appropriation publique et sociale et l’intervention démocratique comme mécanisme régulateur face au marché et ce tant dans l’entreprise que dehors notamment à une échelle territoriale ou la planification puisse avoir une réalité plausible pour contrer les forces des FMN. L’intermédiaire stratégique en serait la défense et amélioration des services publics contre son recouvrement par la logique marchande (3).

Mais l’autre monde se réalise aussi au plan syndical et au niveau de l’entreprise lorsqu’il s’agit de revendiquer encore et toujours emplois et salaires ; lorsque se combine la fameuse double tâche : l’une immédiate et quotidienne - à chaque fois que s’exerce les pressions ordinaires de l’exploitation managériale - et l’autre stratégique d’abolition du salariat et ce via la constante contestation du pouvoir patronal. La revendication d’un statut du travail salarié ou d’une sécurité sociale du travail pourrait participer en fonction de son contenu réel de cet intermédiaire stratégique .

Christian Delarue ATTAC Rennes et MRAP (invité au CA sans droit de vote)

(1) L’homme est-il en voie de disparition ? in Les grandes conférences

(2) dans un article intitulé "Une expérience de 70 ans d’histoire de la gauche" Crit co n° 176

(3) Contre la logique marchande, la logique de service publique : 9 distinctions -Christian Delarue

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