Attac débats 2005 - ATTAC et l’éducation du peuple par Christian Delarue

lundi 22 août 2005, par Webmestre

ATTAC et l’éducation du peuple

D’emblée prévenons que l’auteur n’est pas expert en la matière mais en perpétuel apprentissage. Ce texte mérite donc bien la critique et l’approfondissement.

ATTAC se veut une association d’éducation populaire tournée vers l’action. Cela suppose des individus actifs des militants locaux de terrain, capables de déployer théorie et pratique pour réunir, concevoir, et enfin diffuser des éléments de réflexion critique (en plus de lancer ou conforter des initiatives variables selon les publics).

Une première partie aborde les bases matérielles nécessaires mais - pour l’instant - insuffisantes de la diffusion de ce savoir critique. Une seconde propose quelques éléments subjectifs nécessaires à toute entreprise pédagogique.

I - Les bases matérielles objectives de la diffusion du savoir critique

A ) Disposer d’une information critique.

a) Définition minimale indicative : L’information critique est celle accumulée par celles et ceux qui se sont spécialisés dans la recherche engagée sur les ressorts du monde contemporain. Il s’agit d’aller sous la surface apparente des phénomènes pour y découvrir les déterminants cachés des processus à l’oeuvre .

b) Organisation de la ressource : ATTAC dispose d’un outil spécifique pour ce faire . Son Conseil scientifique offre la matière première pour le travail pédagogique des cadres locaux . A l’heure d’internet le site constitue une riche bibliothèque . Mais les ressources ne proviennent pas exclusivement du CS . Les revues des membres fondateurs et les autres ressources critiques servent aussi de nourriture idéologique aux militants.

B) Un appareil complexe de diffusion.

ATTAC est un gros outil de diffusion, disons un appareil d’éducation populaire de masse.

a) Un appareil au service d’un but social émancipateur.
Cette diffusion d’un travail critique a en effet un but : elle participe de l’instruction populaire en vue de faire reculer la conception fataliste du monde, de générer et conforter l’idée d’un changement possible, d’un progrès réalisable . Elle ne s’arrête pas à une tache aussi réduite . De façon plus poussée, il s’agira de dépasser la pensée unique , de casser l’obstacle épistémologique et pédagogique de la "fin de l’histoire" (cf.Fukuyama : le libéralisme est indépassable, la démocratie se combine avec le marché et l’Occident, etc... le Sud ne peut que copier , il n’y a pas d’autre voies possibles) .
L’objectif ultime de cette éducation critique tant en théorie qu’en pratique est de diminuer et même abolir les rapports de domination, d’oppression et d’exploitation. En ce sens ATTAC est certes bien un mouvement d’émancipation, mais un mouvement de masse, à vocation large, nécessairement pluriel où l’orthodoxie est réduite .

b) Le débat ou les vertus de l’échange : quand instruction devient éducation réciproque.
Un lien aller/retour entre les différents niveaux d’attac tout comme entre les équipes locales et les adhérents ou les personnes ponctuellement intéressées permet d’assurer plus efficacement la tache de diffusion des connaissances. Le débat est le plus souvent le meilleur vecteur de cet aller/retour.

Cette conception instruction/éducation populaire ouvre sur les aspects subjectifs de l’engagement militant dans ATTAC. Sans eux pas de réussite .

II - Les éléments subjectifs d’une bonne diffusion : l’effort pédagogique.

A ) La tache d’assimilation du savoir critique par les militants

Les militants de terrains - appelés de façon méprisante par un chroniqueur de France culture "des demi-intellectuels" - doivent assimiler à longueur d’années les données critiques et se montrer en capacité de les diffuser de façon à être compris de leurs auditeurs/lecteurs. Il s’agit d’une démarche opérée le plus souvent en autodidacte et qui ne relève pas ou assez peu d’une formation de la part d’ ATTAC. Cependant l’Université d’été d’ATTAC donne lieu à des formations appréciées .

Abordons maintenant la question du contenu de l’échange et la méthode employée.

B) La tâche pédagogique effectuée par les militants

La transmission du savoir critique requiert un double effort personnel de la part des militants.

- Le travail sur soi : penser relation, penser au récepteur.
L’ aller-retour dans la diffusion du contenu critique n’est pas simplement une question d’organisation ou de technique mais un effort relationnel, effort à la fois individuel et collectif . Il n’y a pas qu’un "professeur" instruisant des élèves. L’éducateur s’instruit aussi en retour de la base, grâce aux informations et initiatives venues de la base et ce à tous les niveaux.
Les militants qui introduisent le plus pédagogiquement possible une question se rendent compte dans le débat de l’insuffisance de leur approche, et ce quel que soit leur niveau . Et c’est d’ailleurs bon qu’il ne disent pas tout et laissent des affirmations à discuter, des hypothèses en débat.
On aborde là le point du contenu transmis.

- Le travail sur le contenu comme intermédiaire entre soi et l’autre.
. La forme est importante : Il est bon de présenter l’introduction à un débat en donnant le plan de son intervention ; ce qui suppose d’avoir un développement structuré (ex : le texte ci-dessous).
. Le matériel doit être accessible au public concerné. Les ressources du CS ou les longs développements des "intellectuels organiques" d’ATTAC doivent être repris, réduits. Les contributions ou introductions trop longues ne sont ni lues ou ni écoutées. Il revient aux cadres intermédiaires de se rendre compte de cela.
. Concernant la dimension vulgarisation ici évoquée , je suis partisan de conserver autant que faire se peut les concepts ou les termes techniques . Ils doivent évidemment être explicités. Ce qui peut entrer en contradiction avec la nécessité d’être bref, concis.

Christian Delarue - Rennes

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