Quelle "relocalisation de l’économie" ? par Christian Delarue

mercredi 28 septembre 2005, par Webmestre

La suppression de la mondialisation du capital sous ses trois formes marchande, productive et financière n’est pas à l’ordre du jour. Mais qu’est-il possible de faire pour la faire reculer de façon importante ? Précisons d’emblée que nous ne sommes pas contre toute mondialisation. Une autre économie mondiale non fondée sur le profit mériterait d’être renforcée. Ce n’est pas du côté du commerce équitable qu’il faut regarder mais vers la promotion des services publics . Cela pose la question : Quelle combinaison transitoire entre service public et "capitalisme local" - coopérativiste et solidaire ?
Combattre les logiques marchandes dominantes ne signifie pas volonté d’établir une société ou le marché serait totalement absent . Au plan des principes, il s’agirait donc de tenir les deux bouts : rétablir les services publics en enclanchant une dynamique d’appropriation publique d’un côté et réhabilitation des "circuits courts" de l’économie locale coopérativiste et solidaire .

Mais en pratique il faut tenir compte de la situation . Les services publics étant en démantèlement et l’appropriation privée en extension la seule défense de l’économie locale sous différentes formes peut laisser croire que l’on accepte le maintien du système capitaliste sous une forme duale c’est à dire constitué d’une part du secteur du capitalisme mondialisé et d’autre part de l’économie locale sociale et solidaire. Ce qui n’est ni viable ni souhaitable.

I - Les firmes et les dégâts de la mondialisation capitaliste à l’origine des propositions alternatives

Le capitalisme s’étend et accroit ses exigences de rentabilité. Pour augmenter les profits il exploite toujours plus le salariat et l’environnement. Ce qui est palpable c’est bien au plan des conséquences l’accroissement des dégâts sociaux et environnementaux. Au plan des causes des auteurs ( cf. Odile CASTEL) évoquent la crise de rentabilité du capital.

Versus crise de rentabilité, je renvoie à Odile CASTEL et à mon texte "pour un statut du travail salarié résident". Le capital étant un rapport social, l’augmentation des FMN est à l’origine de l’augmentation de l’exploitation du travail salarié à des degrés variables dans le monde.

Versus extention , le déploiement du capital en l’espace de 20 ans est particulièrement remarquable . Il passe par la surmultiplication des FMN (firmes multinationales), donc par l’expansion du capital productif, en fusion avec le capital financier qui est aujourd’hui le plus globalisé et le plus liquide.

Evoquer cette montée en puissance des STN (sociétés transnationales) aboutit au constat d’un double mouvement :

- celui qui va des campagnes vers les villes, et souvent la périphérie des villes qui dans le Sud se nomme bidonvilles.

- celui qui transforme le paysan appauvri en salarié pauvre .

Mais ces mutations n’ont pas que des répercutions géo-sociales, l’exploitation des ressources naturelles est également affectée.

Le rôle d’institutions comme le FMI, la BM ou l’OMC ou la politique des USA appuyer la stratégie des FMN, moteur de la mondialisation capitaliste.

II - Propositions alternatives : promouvoir ensemble service public et économie de marché locale

La répartition entre les deux secteurs peut s’opérer en fonction de la dimension des biens et services à produire : les petits pour l’économie locale, les grands et les essentiels pour les services publics. L’alterdéveloppement suppose de généraliser les services publics tant au nord qu’au sud, tant nationalement que mondialement .

a) Pour la généralisation de véritables services publics

Cette généralisation pose la question de la propriété, de la nature de l’Etat et de la démocratisation de la société ; ce qui met en cause non seulement la mise en concurrence par le marché mais aussi le non subventionnement .

Rappelons que de vrais services publics sont :

- pourvoyeurs de valeurs d’usage et non de valeur marchande.

- fonctionnant selon des tarifs et non des prix, la gratuité étant possible

- satisfaisant des besoins sociaux non sélectionnés et manipulés par le marché et non une demande solvable devant satisfaire un profit.

- fondé politiquement et démocratiquement et non en fonction de la "main invisible" du marché

- repoussant la triple logique actuelle : logique financière, marchande et d’appropriation privée de la production...

Promouvoir les service publics et l’appropriation publique ne signifie pas absence totale de place pour la propriété privée et le marché. Il ne s’agit pas de promouvoir une économie administrée. Il faut créer des services publics nationaux de l’eau, du logement etc... en les démocratisant . Parallèlement, les sociétés coopératives porteuses d’un autre mode de fonctionnement doivent être renforcées face aux sociétés anonymes faisant appel à l’épargne.

b) Les conditions de la promotion relative du petit "capitalisme local" :

L’économie de marché locale dite solidaire comporte quelques vertus moyennant adoption de mesures de régulation. Elle concerne

1 - d’une part les sociétés ne faisant pas appel public à l’épargne et plus précisément les sociétés à fonctionnement coopérativiste .

2 - d’autre part l’ organisation des "circuits courts" que ne connaissent pas les firmes multinationales (FMN) et les échanges internationaux. Le "capitalisme local" de petites entreprises peut etre un vecteur contre le gaspillage et la surexploitation de la nature . Pour limiter l’exploitation de la force de travail, les syndicats doivent y être présents et un statut du travail salarié doit s’y appliquer.

3 - enfin ce genre d’économie localisé ne se conçoit bien que pour des productions nécessairement locales. Les biens essentiels pouvant relever de l’espace régional et national. Et donc des services publics mieux à meme d’assurer l’égalité sur le territoire avec les mécanismes politiques de compensation et de péréquation le cas échéant.

Il ne s’agit pas de laisser entendre un retour mythique à une totale production artisanale mais à un rééquilibrage des productions face à l’industrialisation de toute production . En fait le "local" peut prendre soit une dimension trés restreinte - ville, pays ou métropole - mais aussi plus largement comme la région. Plus le champ d’intervention est important (région, nation continent) et plus le service public doit prendre la place.

Christian DELARUE

Cet autre monde nécessaire et possible n’est pas celui-ci amélioré aux marge en moins injuste mais toujours forts de ses rapports sociaux de domination, d’oppression et d’exploitation . Je le qualifierais personnellement d’écosocialiste mais par par défaut et souci de pluralité de postcapitaliste (afin de laisser entier le débat à mener sur ce qui est possible de promouvoir)

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