O.M.C. Il ne s’est rien passé au Conseil général du commerce de l’OMC... vraiment rien ?

vendredi 25 novembre 2005, par Webmestre

Le Conseil général du commerce de l’OMC, réuni du 27 au 29 juillet 2005 à Genève, avait comme ambition de fixer les "premières approximations" en vue déboucher sur une "avancée" des trois dossiers clefs des négociations. Il s’agit de préparer la 6ème réunion ministérielle de l’OMC, censée clore le cycle de négociations dit du millénaire (ou de Doha) et qui se tiendra à Hong Kong à la fin de cette année.

5/08/2005

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Trois dossiers sont clefs dans cette négociation, et un quatrième pourrait surgir.

Il s’agit respectivement du dossier de l’agriculture, de celui sur les services et de celui sur l’accès aux marchés des produits non agricoles (NAMA en anglais), le quatrième étant l’ADPIC, l’accord sur les divers aspects de la protection intellectuelle qui touchent au commerce. Ce dernier dossier n’est techniquement pas à l’ordre du jour de la prochaine réunion ministérielle, mais on voit mal comment il sera possible de ne pas en parler, tant il a des implications fortes, notamment concernant la santé publique, par la production de médicaments génériques.

Un autre dossier est officiellement traité, celui concernant les "questions de développement", et qui regroupe largement la question des traitement spécifiques et différenciés des pays les moins développés.

Devant les réticences fortes des pays en voie de développement à se voir imposer un système d’échanges dont ils ne veulent pas, et qui avait abouti à la coalition de nombre de ces pays provoquant la clôture de la dernière réunion de Cancùn sans accord en 2003, la stratégie des pays développés, Etats-Unis et Union européenne en tête, consiste à tenter de les diviser. Une des tactiques visibles de division est d’installer un coin entre des pays qui, pour être en voie de développement, ne sont pas tous à égalité économique. L’Inde et le Brésil, autour desquels se sont coalisé à Cancùn les groupes dit G20 et G33 (20 pays et 33 coalisés pour refuser les accords proposés) sont courtisés par les pays développés qui, désormais tentent de les associer à leurs propositions de décisions. Ainsi, par exemple, a été créé récemment le FIP (Five insteresed parties dans le jargon OMC) composé des EU, de l’UE, de l’Australie, de l’Inde et du Brésil, officiellement pour associer ces deux derniers aux décisions concernant l’agriculture, en réalité pour les amener à se désolidarisé des autres pays sous-développés - d’autant plus que les intérêts entre tous ces pays ne sont pas convergeants, loin s’en faut. Les réunions mini-minstérielles, dont la dernière s’est tenue voici deux semaines à Dalian en Chine, et la précédente le 4 mai à Paris, procèdent du même esprit, ce lui de réunir des comités restreints pour que des décisions cruciales soient prises en dehors des processus de décisions normaux.

Dans ce contexte, le Conseil général du commerce, était censé faire avancer les négociations sur les 3 dossiers clefs, en tentant de fixer les "premières approximations" à partir desquels les Etats étaient censés travailler d’ici le mois d’octobre, date à la quelle un second conseil se réunira, avant Hong Kong.
L’UE, comme d’habitude très en pointe dans la conduite d’une diplomatie pro-active pour obtenir le maximum le libéralisations possibles, l’UE a proposé, quelques jours avant la réunion, un "non - document" (sic), dont il semble au passage qu’il n’ai pas été soumis à l’appréciation des Etats membres. Ce "non -document" vise de modifier les règles de processus de décisions, particulièrement sur l’AGCS. En vue d’accélérer les choses, l’UE propose une méthode dite de "benchmarking" (et que j’aurais tendance à traduire par "ouverture liée" de secteurs) qui pousse à augmenter les offres de secteurs à libéraliser, ainsi que leur "niveau de qualité". (voir mon article sur la position de l’UE, et sur le benchmarking, daté du 5 août 2005)

Sur NAMA, l’UE pousse à l’adoption de décisions très défavorables aux pays en voie de développement... au nom du développement (cf. article du 5août).
Toutefois, rien ne permettait de dire que des avancées spectaculaires pouvaient être faites, tant les positions des uns et des autres semblaient bloquées, et qu’une bonne diplomatie consiste, c’est un fait connu depuis que la diplomatie se pratique, à respceter la règle dite du Mikkado, selon laquelle le premier qui a bougé a perdu.
Et de fait, rien n’a bougé. Mais cette assertion globalement vraie, mérite une nuance.

En l’absence d’avancée des négociations, des annonces ont été faites, celles de la nomination des 4 nouveaux "députés Directeurs généraux", annonce faite par le nouveau Directeur général désigné, Pascal Lamy.

A la fin de la rencontre, la présidente du Conseil général, l’Ambassadrice Amina, a déclaré que si des progrès doivent être faits d’ici Hong Kong, ce sera aux prix de satisfaire trois conditions : réunir d’avantage de réunions ministérielles, renforcer la transparence et la participation des Etats membres, et que les Etats manifestent une réelle volonté politique.

De ce point de vue, le DG a indiqué qu’il fallait rechercher des progrès de façon volontariste, y compris en organisant rencontres et autres négations informelles, s’il le fallait tous les mois.
C’est sans doute pourquoi il a estime que quoique "décevante", la situation n’est pas "désastreuse".
Il est difficile de considérer si, sur ce dernier point, la recherche de convergence par un travail soutenu et informel annoncé relève ou non d’un voeu pieu. Quoiqu’il en soit, il faudra surveiller nettement ce qu’il va se passer.

LA situation est donc globalement la suivante :

L’Union européenne veut aboutir clairement sur les services et l’accès au marchés non-agricoles (elle la répétée publiquement le 19 juillet 2005 à Bruxelles). Elle ne veut pas bouger sur l’agriculture, considérant avoir fait tous les efforts possibles par le découplage des aides mis en place par la réforme de la PAC ;

Les Etats-Unis viennent de remporter un succès politique en obtenant que, à 2 voix près, la Chambre des représentant vote le CAFTA (accord de libre échange d’Amérique centrale - ALCA en espagnol) - ce succès peut aussi amener les Etats-Unis à renoncer plus facilement à la négociation multilatérale de l’OMC, puisqu’ils obtiennent des résultats en négociations multilatérales restreintes ;

Le Brésil et l’Inde, qui ont fédéré le G20 et G33 permettant l’échec de Cancùn n’ont pas encore vraiment tranché leur position. L’un est l’autre exigent des accès plus grands aux marchés du nord, mais ne parviennent pas à se mettre d’accord sur NAMA, ni sur les questions agricoles, exigeant la fin des subventions à l’exportations ;

Le nouveau DG Pascal Lamy va se montrer très actif, comme il l’a toujours été, pour tenter de trouver un accord global.
De ce point de vue l’annonce de la multiplication des rencontres informelles n’est pas une bonne nouvelle : elle ne peut que nous compliquer la tâche, tout en permettant une éventuelle évolution rapide et incontrôlable dans un sens qui pourrait n’être pas acceptable.
Toutefois, les divergences objectives entre les Etats demeurent considérables.
Le Conseil général du commerce d’octobre 2005 sera crucial. Il nous faut préparer cette mobilisation comme elle le mérite.

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