Révélations sur les réserves émises par la Commission Européenne concernant les OGM.

samedi 16 septembre 2006, par Webmestre

L’intégralité du rapport est disponible en version pdf, téléchargeable en bas de page.

Cette page en présente une synthèse :

Synthèse du Rapport - Commission Européenne et OGM : les doutes qu’on nous cache

Suite à un recours légal déposé par Les Amis de la Terre, la Commission européenne a publié de nouveaux documents où elle met en cause la sécurité des aliments qui contiennent des organismes génétiquement modifiés (OGM) et des cultures transgéniques. Ces documents constituent la base des arguments scientifiques avancés par les membres de l’Union européenne (UE) dans le contentieux commercial qui a opposé l’UE aux Etats-Unis principalement, au sein de l’Organisation mondiale du commerce (OMC).

Paradoxe ! Car pendant qu’elle rédigeait ces documents, la Commission mettait un terme au moratoire européen sur les nouvelles autorisations d’OGM, en vigueur depuis six ans, et faisait aussi voter deux fois les Etats membres sur des propositions les forçant à lever leurs embargos nationaux sur certains produits OGM. Et depuis septembre 2004, la Commission a commercialisé 31 variétés de maïs transgénique. A chaque fois, la Commission a informé les Etats membres et le public que les aliments ou cultures OGM étaient « absolument sans danger ».

Les documents présentés dans ce rapport éclairent les faits d’une lumière nouvelle. Incertitudes, données insuffisantes, jugements subjectifs sur la sûreté des aliments et cultures OGM... Pendant que la Commission tenait un discours pro-OGM à ses Etats membres et aux citoyens européens, elle affirmait au sein de l’OMC, pour se défendre dans le conflit qui l’opposait aux Etats-Unis, au Canada et à l’Argentine (les trois premiers pays producteurs d’OGM), que :

- de sérieux doutes scientifiques existent quant à la sûreté des aliments et cultures OGM ;
- de nouveaux risques complexes sont en train d’apparaître ;
- les risques sur la santé humaine et animale ne peuvent être exclus ;
- de graves inquiétudes subsistent quant à la sûreté environnementale dans le cadre de la culture d’OGM ;
- les risques environnementaux liés aux OGM varient en fonction de chaque région et de son environnement ;
- les entreprises biotechnologiques ont fourni des dossiers et des recherches de mauvaise qualité dans leurs dossiers de demande de commercialisation d’OGM ;
- la Commission est très réservée concernant les évaluations de risques effectuées par l’Agence européenne de sécurité des aliments (AESA), qui est chargée des évaluations indépendantes sur les risques liés aux aliments et cultures OGM dans le cadre de la procédure d’autorisation.

Dans ce rapport, chacun de ces points est illustré par des extraits des arguments que la Commission a présentés devant le panel de l’OMC. Selon ses propres termes, la Commission affirme clairement qu’elle « a pris très au sérieux la tâche consistant à apporter des commentaires fondés sur des recherches scientifiques, et s’est appuyée sur les données scientifiques disponibles les plus récentes. » Le rapport se penche particulièrement sur les questions de sûreté environnementale liée à l’utilisation de cultures tolérantes aux herbicides et résistantes aux insectes, qui sont les seules cultures OGM que l’industrie a mises sur le marché.

Les arguments émis par la Commission européenne dans le cadre de l’OMC pourraient bien inaugurer un virage capital dans le débat sur la sûreté des aliments et cultures OGM. Les incertitudes exprimées par la Commission soulèvent d’importantes questions relatives à la consommation d’OGM par le public, et aux autorisations de mise en culture d’OGM. Il apparaît clairement que leur impact sur la santé et l’environnement sur le long terme ne peut actuellement être garanti.

Les demandes des Amis de la Terre et de Greenpeace :

Nous avons établi une liste de recommandations, présentées ci-dessous, qui indiquent les changements urgents que la Commission doit effectuer dans sa manière de traiter les aliments et les cultures OGM. Au regard de la gravité de ces questions, nous demandons la suspension immédiate de toutes les procédures d’autorisation d’OGM en cours, ainsi que l’arrêt des ventes d’OGM pour l’alimentation humaine et animale et des cultures commerciales OGM jusqu’à ce que ces points soient réglés.

L’Agence européenne de sécurité des aliments (AESA)

La dissimulation des incertitudes scientifiques devient flagrante quand on compare les opinions émises par l’AESA et celles basées sur l’approche de précaution que la Commission a été obligée d’adopter dans le conflit à l’OMC. Les opinions de l’AESA ne tiennent pas compte des incertitudes, des problèmes méthodologiques ou des lacunes dans les données. Or, la présentation radicalement différente des questions par la Commission et sa critique explicite de l’AESA démontrent bien l’urgente nécessité de changements dans le fonctionnement de l’Agence. L’AESA devrait être contrainte de présenter différemment les données dont elle dispose lorsqu’elle évalue les risques liés aux OGM. Plutôt que de se contenter de présenter la décision finale concernant un OGM, elle devrait signaler les incertitudes, les lacunes des connaissances et les postulats utilisés dans le raisonnement de conclusion. Toutes les évaluations précédentes, y compris celles réalisées par le Comité scientifique des plantes et qui sont toujours pertinentes, devraient être révisées et présentées avec ces informations.

Le principe de précaution

La réglementation sur les OGM en Europe exige l’application du principe de précaution. Dans les situations où de sérieux dommages pourraient être causés, et même si l’on manque de preuves que ces dommages surviennent ou non, il faut agir en amont, pour empêcher qu’ils se produisent. Comme le montrent les arguments utilisés par la Commission dans le conflit à l’OMC, l’utilisation d’OGM pourrait causer des dommages à la fois graves et irréversibles. Or, quand elle suit les avis de l’AESA, la Commission cache l’ampleur de ces risques aux Etats membres et aux citoyens européens. Dans le doute, elle donne l’avantage aux industries biotechnologiques plutôt qu’à l’environnement, et échoue ainsi à appliquer le principe de précaution. La Commission doit reconnaître qu’interdire ou limiter des cultures d’OGM est légitime dans le cadre du respect du principe de précaution. Elle doit aussi privilégier la protection de l’environnement, plutôt que les intérêts de l’industrie des biotechnologiques dans son analyse des implications des incertitudes et des lacunes dans les connaissances.

L’évaluation des OGM par les Etats membres

La Commission a clairement détaillé les priorités dans la protection de l’environnement et les difficultés de l’évaluation des risques liés aux OGM selon les milieux environnementaux où ils sont plantés, particulièrement en ce qui concerne les risques des cultures de maïs Bt pour les espèces non ciblées et la difficulté de contenir le colza et la betterave à sucre transgéniques. Par exemple, les informations sur la sensibilité des espèces européennes non-ciblées au Bt sont, pour la plupart des espèces, au mieux limitées et au pire inexistantes. Les pays d’Europe devraient interdire l’utilisation des cultures Bt jusqu’à ce qu’on obtienne des données établissant clairement que les espèces non-ciblées concernées n’encourent pas de risque. Dans la mise en œuvre de la directive sur la responsabilité, les Etats membres doivent garantir que toutes les espèces et tous les habitats sont pris en compte et que les évaluations médiocres des risques ne servent plus à justifier les autorisations d’OGM et ne puissent pas être utilisées par les firmes pour leur défense en cas de dommage.

La « coexistence » entre cultures OGM et non-OGM

Selon la Commission, la coexistence est une question particulièrement complexe et tout à fait cruciale de protection de l’environnement, autant qu’un problème économique. Elle doit donc retirer sa recommandation aux Etats membres, dans laquelle elle affirme que la coexistence est un simple problème économique. A la place, la Commission devrait entamer une procédure pour que des mesures soient adoptées à l’échelle européenne pour prévenir les contaminations par des OGM, prévoir des règles économiques strictes de responsabilité pour faire appliquer ces mesures, et permettre aux Etats membres et aux régions d’interdire les OGM s’ils présentent des risques inacceptables pour leur environnement.

La confiance des citoyens dans la Commission européenne

La publication de ce rapport sur les réserves - jusqu’à présent tenues secrètes - qu’a pu émettre la Commission concernant les OGM, représente un tournant en Europe. Le contraste entre les points de vue exprimés publiquement (au sein de l’UE) et ceux exprimés en privé (à l’OMC) sur les risques liés aux OGM est frappant. Ces contradictions risquent de sérieusement entamer la confiance que le public et les Etats membres ont dans la capacité de la Commission à agir de manière impartiale. Tous ces éléments révèlent que la politique pratiquée par la Commission favorise les intérêts des industries biotechnologiques plutôt que la protection de l’environnement et de la santé publique. La Commission doit changer fondamentalement de politique en matière d’OGM. Elle doit placer la protection de l’environnement et la santé publique au cœur des processus décisionnaires concernant les OGM, comme l’exige le principe de précaution, et abandonner tout parti pris en faveur de l’industrie des biotechnologies. La Commission doit s’assurer que l’AESA change ses pratiques en matière d’évaluation des risques, soutenir les Etats membres qui désirent interdire ou imposer des limites aux OGM, et suspendre les autorisations d’OGM lorsque les Etats membres sont en désaccord.

Révélations sur les réserves émises par la Commission Européenne concernant les OGM.

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