OGM et Union européenne : le ver est dans le fruit, par Rémi Daviau (févr. 2005) Extrait de la Lettre d’attac 45 n°29, février-mars 2005

En 1999, 12 pays dont la France, par l’intermédiaire du Conseil des ministres de l’Environnement, suspendaient sur leur sol culture et commercialisation libres d’OGM, et demandaient une réglementation stricte au niveau européen. Trois ans plus tard, la Commission européenne, arguant de la mise en place d’une traçabilité maximale et de l’obligation d’un étiquetage pour tout produit contenant 1% d’OGM (prière de noter ici que tout ce qui est inférieur à 1 est égal à zéro...) entamait la procédure de levée du blocage, qui aboutit finalement le 19 mai 2004, avec l’autorisation de commercialisation du maïs BT11, fabriqué par la compagnie suisse Syngenta et destiné à consommation humaine.

Un facteur est décisif pour comprendre cette volonté de normalisation de la part de la Commission européenne : son caractère idéologique profondément néolibéral. En effet, elle place systématiquement le "marché" au-dessus de toute chose (concurrence, déréglementation, privatisation ! ) et tend à condamner toute intervention publique dans le système économique et commercial. Son idéal, c’est le monde régi par la main invisible du marché, c’est-à-dire, soyons clairs, la main des puissances financières auxquelles est elle inextricablement liée et redevable. On comprend que la décision des Etats-Unis, en mai 2003, d’attaquer l’Union Européenne devant l’OMC pour faire lever le moratoire OGM l’ait mis mal à l’aise, tel le bon élève pris en faute... On imagine aussi le peu de cas qu’elle peut faire par exemple du protocole de Carthagène, élaboré en juin 2003, accord international prônant le principe de précaution, au-dessus des intérêts commerciaux.

Ceci dit, si la Commission dispose de pouvoirs exclusifs du point de vue de l’élaboration de lois communautaires, et si elle est constituée de commissaires qui n’ont jamais été élus par personne (bonjour la légitimité démocratique), la responsabilité revient ici pourtant au Conseil européen, composé des ministres des différents pays, qui aurait pu traiter le dossier, mais a préféré faire assumer leurs pulsions néolibérales à la Commission !

Un récent communiqué des Amis de la Terre-Europe vient par exemple de révéler (janvier 2005) qu’à chaque fois qu’une autorisation de mise sur le marché pour un nouvel OGM est demandée à l’Union européenne, les ministres concernés n’arrivent pas à se mettre d’accord, ce qui délègue donc la décision à la Commission européenne. Celle-ci demande son avis à l’Agence européenne de sécurité alimentaire (European food safety agency - Efsa), qui est systématiquement positif, et pour cause : plusieurs de ses experts ont des liens directs ou indirects avec l’industrie des biotechnologies... Mais une caution reste une caution, et celle-ci permet à la Commission européenne de mettre ses préceptes en application.

Pendant ce temps, dans notre beau pays, et alors que la résistance s’organise, qu’une majorité de personnes, de Régions et un nombre important de communes rejetaient les OGM, le gouvernement français (dont l’orientation idéologique ne laisse plus beaucoup de doute...) décide en juin 2004 d’autoriser des compagnies privées à effectuer de nouvelles expérimentations d’OGM. En 2004, il y a donc eu 66 parcelles hébergeant des cultures OGM sur le sol français. Plusieurs n’ont pas passé l’été, par la volonté de citoyens qui ont décidé d’agir par leurs propres moyens là où le pouvoir public a failli : le respect de l’intérêt commun et l’application de la volonté publique.

Rémi Daviau,
Attac 45