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Dis c’est quoi ma ville avec l’AGCS ?

Intervention de Jean-Michel Carbunar(Attac Kremlin-Bicêtre) Réunion AGCS du 5/11/04, Mairie du Kremlin-Bicêtre dans le cadre de la préparation des Etats Généraux des Collectivités Publiques Hors AGCS

mardi 9 novembre 2004

Intervention de Jean-Michel Carbunar(Attac Kremlin-Bicêtre)Réunion AGCS du 5/11/04, Mairie du Kremlin-Bicêtre dans le cadre de la préparation des Etats Généraux des Collectivités Publiques Hors AGCS

Tout d’abord, je dois dire que nous avions prévu de recentrer notre action pour cette année 2004-2005 autour des dangers de l’AGCS .

Nous nous félicitons de cette convergence imprévue avec la municipalité et de cette invitation à participer à cette soirée, 1ère étape, peut-être pour une mobilisation populaire locale contre la libéralisation généralisée de notre mode de vie, à travers l’attaque frontale de tous les services publics et avec eux, des valeurs de collectivité, solidarité et démocratie .

Je voudrais exprimer, concernant ce thème de l’AGCS , l’état de notre débat à l’intérieur du groupe local, débat qui va se poursuivre avec tous ceux qui voudront bien enrichir notre réflexion et trouver avec nous des thèmes d’action locale .

Avant l’intervention de Jacques Nikonoff, plus axée sur des éléments historiques et généraux, je voudrais évoquer l’arrière plan idéologique, à savoir la représentation du monde et la place de l’humain que véhicule l’AGCS .

Schématiquement, l’AGCS témoigne de l’affrontement de 2 modèles de société, de 2 modèles de civilisation : Un modèle européen héritier des lumières et de la révolution française dans lequel il existe des droits individuels et des droits collectifs, dans lequel il existe des services publics, des services non marchands, autour des notions essentielles de la redistribution et de la solidarité, et dans lequel il existe, au centre de la démocratie, des associations de citoyens à but non lucratif .

En face nous avons le modèle des Etats Unis, pour lequel "la Liberté" prime ; ce n’est pas le collectif, mais l’individu qui est en 1ère place, un modèle qui privilégie le "chacun pour soi" et l’action caritative pour corriger les excès de la liberté .

Toute discrimination est exclue, à l’exception du pouvoir de l’argent . La solidarité devient donc une exception, les droits sociaux une particularité .

La liberté, c’est celle d’entreprendre et d’exploiter, c’est celle de pouvoir réaliser sans entrave le maximum de profit dans la circulation la plus libre des marchandises et des capitaux .

Si tout est subordonné à la marchandise, alors les rapports humains deviennent eux-mêmes des marchandises, l’homme devient logiquement lui-même une marchandise !

Avec l’essor des neurosciences et de la biochimie génétique, l’homme devient une matière transparente, naturelle, démontable, séquençable, avec l’image d’un corps, assemblage machinique de neurones ou de molécules . Tout peut donc se vendre : solide, liquide, minéral, végétal, animal et humain pareillement, se vendre et s’acheter . Nous en avons les plus claires manifestations récentes dans le brevetage du génome humain.

Tout devient comptable, évaluable, et le travailleur dans l’entreprise n’est qu’un élément de ce que l’on appelle, aujourd’hui les ressources humaines .

Dans ce modèle, où la liberté de l’individu se confond avec celle de l’entreprise, l’individu doit lui aussi, pressé par l’urgence, s’épanouir dans la compétition, dans un mode de concurrence à l’autre généralisée . Alors, se réaliser c’est consommer, toujours plus, devenir toujours plus un super consommateur qui doit jouir le plus possible et le plus rapidement possible .

"Chacun pour soi" devient "tous pareils" . Cela implique la fin du particulier, du singulier, qu’il soit individuel ou collectif : même consommation, même culture, un seul et même standard . Les différences éthiques, sociales, environnementales, culturelles, ne sont plus donc qu’autant d’entraves au commerce.

Si vous adhérez idéologiquement à cette représentation, à ces arguments comme un dogme (dont nous voyons déjà les traces les plus manifestes, dont nous sentons les effluves les plus insistantes dans le message délivré par les media) : alors il n’y a plus à discuter, "Vive l’AGCS", réalisation logique de la liberté d’entreprendre et de profiter de la vie !

Et si vous voulez un peu de spiritualité, vous pouvez rajouter que Dieu l’a voulu, que le paradis existe, le paradis de la libre entreprise, cela se passe de l’autre côté de l’Atlantique, où siège un nouveau "peuple élu", pour apporter le plus grand bonheur dans la plus grande certitude, aux peuples les plus reculés de la planète .

C’est déjà aujourd’hui, c’est encore plus sûr demain, sauf à arriver à y faire obstacle .

Je voudrais maintenant, essayer d’apporter quelques rapides éléments sur comment imaginer l’AGCS s’installant demain parmi nous, bouleversant peu à peu tous les repères de notre vie quotidienne .

Nous avons déjà les privatisations rampantes, les services publics en déconfiture, faute d’investissement de l’état, en attendant le privé meilleur (plus sûr et moins cher comme nous savons et l’avons vu à l’œuvre, exemple : les rails britanniques).

Essayons de nous représenter ce que serait, demain, une structure accueillant un public, comme une crèche, un service hospitalier, un centre médico-éducatif ou une maison de retraite et pourquoi pas un établissement d’enseignement, toutes structures existant au Kremlin Bicêtre .

Ne regardez pas l’ensemble, la totalité, la finalité sociale, le but éthique auquel répond ce lieu, non, constatez juste les différentes fonctions techniques qu’on peut y découper :

- l’accueil
- la restauration
- l’entretien des bâtiments
- le nettoyage
- l’animation ou l’enseignement
- le soutien psychologique
- ...

Si vous livrez ce lieu à l’AGCS, sur la base d’appel d’offres, vous pourrez aboutir à toute une série d’interventions, en sous-traitance, de techniciens limités à leur tache spécifique, réalisée dans l’urgence et la flexibilité, basée sur des choix purement technicistes et économistes, là où vous aviez une équipe, un collectif qui essayait de s’articuler de manière cohérente autour d’un objet commun, humainement considéré : des enfants, des patients, des personnes âgées, des élèves .

Avec l’AGCS, si vous voulez conserver une cantine scolaire municipale, il faudra déjà pouvoir prouver lors de l’appel d’offre, la rentabilité de votre prestation et si vous voulez introduire dans votre cahier des charges, la traçabilité des aliments, par exemple, connaître l’origine des viandes, ou interdire l’emploi d’aliments OGM, vous serez passibles de poursuites judiciaires pour la raison que ces clauses constituent autant d’obstacles non nécessaires au commerce .

Parlons de la vie associative et culturelle, elle est concernée aussi par l’interdiction, au cœur de l’AGCS de toute subvention .

Imaginons qu’un état, une région, une ville, subventionne un établissement d’enseignement sur la base des critères républicains, et bien il lui faudra subventionner (construction, équipement, salaires...) toute autre université privée, ne répondant pas à ces critères, venue de n’importe quel pays du monde qui souhaitera s’implanter localement .

Cela signe la fin de toute intervention politique et collective dans les domaines économiques et sociaux .

Cela signe donc aussi la fin de la démocratie, car l’exercice par les élus de leur pouvoir est extrêmement limité par l’accord .

Alors que faire pour s’opposer à l’AGCS et défendre la démocratie ?

Je voudrais donner l’exemple de ce qui s’est fait à Nanterre : à savoir la réalisation d’une enquête, basée sur un questionnaire mis au point, de façon collective, par la municipalité et des associations locales, auprès d’un échantillon représentatif de la population de la ville, pour recueillir leur conception et leurs préoccupations en matière de services publics. Cela constituait un exercice de sensibilisation des habitants aux services publics et à leur pérennité, une tentative pour trouver des préoccupations communes aux citoyens, aux associations et aux élus locaux pour s’opposer à la dégénérescence et à la privatisation progressive des services publics. A mon sens une démarche très intéressante .

Quels exemples pouvons nous trouver dans notre ville de services publics en péril (la poste, l’hôpital...) pour contre-carrer l’avancée des privatisations, par une action collective .

Il faudrait y réfléchir ensemble, ce serait l’occasion de mener en commun, à notre tour, des expériences de démocratie participative, pour tisser des solidarités plus riches, pas seulement à partir d’une décision des élus, mais avec la mobilisation la plus large .

Nous n’avons pas nous autres associations la même vision, car nous ne sommes pas à la même place, mais nos convergences dans la réflexion et l’action sont des plus souhaitables, garantes d’une dynamique plus forte, permettant une véritable mobilisation populaire .

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