Hong Kong N° 3 par Susan George

BULLETIN ATTAC N° 3
PAR SUSAN GEORGE, VICE PRÉSIDENTE D’ATTAC FRANCE,
14/12/05

Quelques lignes de force qui se degagent. Le propre des negociations OMC c’est de commencer lentement et de s’accelerer vers la fin. Pour le moment, les participants se tatent et se consultent, forment parfois des groupes supplementaires. Aujourd’hui, lors d’un briefing pour OWINFS, l’Ambassadeur bresilien a repondu quand on lui a pose une question sur les « negociations », « Je n’ai pas vu de negociations a l’OMC depuis longtemps. Tout ce qu’on fait, c’est d’enoncer des positions. ».

Une belle note d’espoir, pour moi la plus grande nouvelle de la journee : Ce matin tous les groupes du Sud se sont retrouves [plus de 600 personnes dans la salle limitee aux seules delegations officielles] et dans « un tres bon esprit » decident de se constituer dans une sorte de ’supergroupe’ et de travailler ensemble sur ce qui les unit [G-20, G-33, G-90, ACP, PMA, SIE ou Small Island Economies] et de coordonner leurs votes et leurs voix dans la mesure du possible. L’Ambassadeur en nous l’annoncant a dit qu’il ne se faisait pas d’illusion, que ce ne serait peut etre pas solide, mais il avait l’air d’etre content et d’esperer quand meme. Leur premier dossier sera le Duty Free Quota Free, ci-apres DFQF, pour les Moins Avances. C’est a dire un acces aux marches partout sans droits de douane et sans quotas. Ce regroupement est une bonne nouvelle ; elle aura cinq « facilitateurs » soit un de chaque groupe. .

Action symbolique aussi aujourd’hui : avec Jose Bove, Vandana Shiva et quelques autres, je participais a la remise de paquets de quantites de petitions aupres de la Commission europeenne sur les OGM et notre refus de les consommer et de les planter. Vous savez que le verdict dans le litige OGM actuellement devant l’Organe de reglement des differends sera prononce debut janvier. Il doit etre pret et normalement nous devons perdre si l’on peut juger d’apres le cas « boeuf aux hormones ». l’OMC choisit justement de ne pas l’annoncer avant HongKong pour ne pas nous donner du grain a moudre. Lamy devait venir ramasser nos petitions mais il a depeche un sous-Directeur a qui nous avons remis aussi un panier de fruits et legumes bio. C’etait l’aubaine pour les photographes car il n’ont pas grand chose a se mettre sous la dent a l’interieure du palais. Chacun de nous a dit quelques phrases, Jose sur notre volonte de vaincre et [notre] sa determination d’aller en prison s’il le fallait ; moi sur le fait que l’OMC ne devait pas pouvoir faire sa jurisprudence sans aucune reference aux droits de l’homme ou de l’environnement.

Quelques echauffourees encore aujourd’hui [« Les Coreens affirment que rien ne les arretera » d’apres de South China Moning Post]. On ne peut en avoir aucune idee derriere les murs de verre et de beton de la Conference Centre, une ville en soi. Disons en passant que les Chinois vont nous ecrabouiller, nous risquons de devenir un Disneyland pour tournistes Chinois dans 10 ans si nous ne prenons pas au serieux le message de ce pays et ne commencons pas a investir dans l’Europe de la recherche et du bien commun. Hong Kong, c’est le royaume du Commerce effrene, de la pub clinquante, du capital. Parfait pour ce genre de conference, tres police dans tous les sens du terme. A l’une des barrieres de filtrage, un jeune homme bien habille et tres poli fouille votre sac et ouvre votre bouteille d’eau. J’ai demande ce qu’il aurait fait si j’avais amene de la vodka. Reponse : Il l’aurait confisque parce que l’alcool est flammable ; ce serait pour « ma securite et celle des autres ». . .

Deux conferences de presse aujourd’hui-de Peter Mandelson et de nos ministres Christine Lagarde et Dominique Bussereau—donnaient la nette impression que l’Europe ne fera preuve d’aucune souplesse sur l’agriculture et que son offre sur le ’developpement’ est presque aussi creuse que celle des Etats-unis. La France ne bougera pas de sa position [l’offre du 28 octobre est « la limite de la limite de la limite » dixit Bussereau]. Quand a Mandelson, c’est un peu l’arrogance faite homme. Il fustige les « grands pays [du Sud] exportateurs agricoles [c’est un code pour dire « le Bresil »] qui ne font que faire monter les encheres et refusent de negocier. S’ils pensent arriver a quelquechose en agriculture en refusant de parler des autres sujets a l’ordre du jour, comme ils le font a present, ils se trompent lourdement. Jusqu’ici, Mandelson n’a vu que des « fanfaronnades » [« posturing »] mais pas de gens qui voulaient negocier serieusement. Il explique aux pays du Sud aussi qu’ils doivent baisser leurs tarifs avec une formule NAMA pour encourager le commerce Sud-Sud.

Il fait aussi grand cas de son offre sur le developpement des PMA et critique ceux qui comme les USA ne veulent pas du DFQF. Meme si les PMA augmentaient leurs exportations vers les USA de 50%, ca ne representerait que trois jours de leurs importations totales. C’est vrai que l’offre des USA dans ce domaine est minable et ne raporterait que un penny par jour par personne aux PMA tout en leur confisquant $62 milliards en revenus tarifaires perdus d’apres les camarades amercains. Pour eux il s’agit de changer de sujet et de masquer la faillite des negociations et de maintenir la presences de pays pauvres a la table. De toute maniere, les USA ne peuvent promettre le DFQF aux PMA car il faudrait que le Congres l’approuve et le Congres a deja manifeste son hostilite. Vue la crise budgetaire a Wahsington, la « promesse » de Rob Portman a HongKong revient a dire "je reposerai la question au Congres ».

Bref, qu’il s’agisse des Europeens ou des Americains, l’on detourne l’attention des vrais sujets, l’agriculture, le NAMA et les Services. Nous estimons que le paquet « developpement » est vide et on va justement offrir un paquet vide a Mandelson quand il emergera de sa conference de presse demain....

La Commissaire FISCHER BOEL a rejoint pour parler des dossiers bananes et coton. « Ces deux produits sont etroitement lies au package du developpement. Notre position sur le coton est claire, nous ne subventionnons pas le coton et nos producteurs dans quelques Etats membres ne representent qu’environ 2% de la production mondiale. Nous voulons donner l’acces a nos marches aux PMA. Sur la banane : « Depuis un an nous avons fait de grands efforts et nous allons introduire un « tarif only system » pour maintenir l’acces pour les pays ACP au tarif de $176/tonne a partir du 1er janvier 2006. A la fin de 2006 nous aurons une evaluation et s’il y a desequilibre entre exports Latino-Americains et ACP on pourra reequilibrer. »

Ces propos de Mme Fischer-Boel ne tiennent pas la route. La Banane ne fait pas partie du Package « developpement ». Nous avons eu par la suite une autre rencontre avec l’Ambassadeur d’une petite ile qui ne produit guere que des bananes, ce qui nous a permis d’approfondir cette question. Ce dossier va ruiner des economies des iles des Caraibes comme la Jamaique. otes sur ses propos concernant la banane.

L’AMBASSADEUR Charles Savarin [Commonwealth of Dominica] : La dimension sociale de la fourniture des services ne peut etre negligee et les ACP ont de graves soucis quant a leur prix. Sur la question des bananes : la dispute qui se poursuit depuis bientot 20 ans [GATT et OMC] a eu pour resultat de donner acces aux tres grands producteurs entreprises transnationales qui ont deja 100% des marches US et Canada ; les ACP ne peuvent concurrencer ces producteurs. Si les Caraibes ne peuvent plus exporter vers l’Europe c’est la catastrophe.

[Historique donne par un officiel de la Commission pour ceux qui veulent connaitre le detail : Un Panel [qui juge les litiges] devant l’ORD ; l’UE perd, elle va a Doha, les Latinos-americains propose un delai mais l’UE doit annoncer le 1/1/2005 qu’elle changera de systeme sur la banane qui deviendra un regime ’tarifs seulement’ qui doit etre applique le 1/1/2006. Le niveau de tarif initialement annonce n’est pas accepte par l’arbitre ; l’UE a continue a baisser jusqu’a $176/tonne. Les Latinos veulent utiliser HK pour obtenir des concessions supplementaires ; ce sera sur la table cette semaine. Mais le vrai probleme, c’est qu’avant, l’ACP avait le droit a 775.000 tonnes d’exportations a zero tarif.]

Nous sommes devant une menace contre la survie des Caraibes car la vraie menace n’est pas les Latino-americains mais les transnationales qui paient de salaires de misere en Amerique latine. Le premier effet sera la chute des prix pour tous car il y aura plus de concurrence, ce qui entrainera la baisse des salaires et des conditions de travail.. Ces mini-pays ont deja souffert a cause du sucre dont le prix que l’Europe leur paie baissera d’un tiers. .

Sur l’AGCS. Comme je regrette que la francophonie nous oblige a dire AGCS alors que GATS sonne presque aussi mechamment que Bolkestein. Il est clair que nous sommes devant une tentative de changement fondamental dans la methode de negociation. Le nouveau texte des services [dit Annexe C] a ete entierement mis entre crochets, c’est a dire qu’il n’y a pas d’accord. L’EU/USA veulent faire passer cette methode [« modalite »] de bas-en-haut et volontaire au haut-en-bas et obligatoire. Autrement dit, un pays ne pourra plus choisir les domaines dans lesquels il se sent pret a liberaliser et seulement ceux la. Une note au paragraphe deux se refere a un autre texte qui contient, lui, les secteurs de services que les pays riches veulent voir s’ouvrir. [Voir liste dans Bulletin No.1]. Il s’y trouvent beaucoup de services publics et de domaines sensibles.

On veut aussi privilegier les negociations plurilaterales, c’est a dire par groupes. Deja des groupes de pays se forment qui vont demander la liberalisation dans tel ou tel domaine : ces groupes se nomment les « Amis du Transport » ou les « Amis de l’Energie », etc. La Nouvelle Zelande a deja etabli un groupe « d’Amis » de l’education. Bref, l’approche plurilaterale est aussi dangereuse que l’approche numerique de benchmarking. Comme le paragraphe 7 actuel dit aussi que les pays « SHALL ENTER INTO NEGOCIATIONS » « vont [ou doivent] commencer les negociations » quand ils recevront des demandes des « Amis », ils seront coinces. Pour cette raison, les ACP et sans doute d’ici a demain la totalite du G-90 proposera formellement une redaction ou tout cela saute. C’est pire que l’ecriture des motions d’Attac et il faut une attention et une precision de Sioux. La presse et les gouvernements parlent tres peu des services et s’il est vrai que les cibles numeriques [ouvrir par exemple 93 sous-secteurs sur 163 pour les PED et 139 pour les riches] ne se trouvent plus dans le texte, le plurilaterale et le sectoriel demeurent. Un autre paragraphe represente l’effort de l’UE de reintroduire le sujet des marches publics, evacue a Cancun.

Caroline Lucas, la MEP verte, membre du comite parlementaire qui s’occupe du Commerce confirme que l’EU va etre tres agressif sur ce dossier, et va garder soit les cibles chiffrees soit quelquechose d’approchant. Quand je lui ai demande s’il etait vrai que cette Commission etait pire que la precedente, elle a abonde dans ce sens ; elle en est preque a « regretter Lamy », c’est dire !

Voila la partie des negociations qu’il s’agira de regarder de tres pres pour notre campagne AGCS. On parle deja ici de HongKong 2 a Geneve dans 3-4 mois sur les Services. Si les membres acceptent le langage sur les negociations sectorielles et plurilaterales ils seront obliges de commencer dans plusieurs domaines dont Energie, transport, environnement, sante, distribution, audio-visuel ... Les negociations financieres vont continuer a partir de leur point d’arret en 1997, ce qui impliquera encore plus de liberalisation.

[ Un sujet que je n’ai pas assez creuse : la decision de l’ORD sur les Jeux qui stipule que vous pouvez interdire certaines activites a vos fournisseurs de services nationaux mais pas ces memes activites de la part de de fournisseurs etrangers. Le Traitement national ne veut pas dire que vous traitez les etrangers comme les fournisseurs nationaux, vous pouvez et devez traiter les etrangers mieux. Scott Sinclair du Canada craint des accords sectoriels sans negociations du tout. Les pays ne pourraient que mettre des limites, ils ne pourraient pas refuser -nous sommes dans une situation tres dangereuse. Les parlements ne comprennent pas ce qui se passe. L’acces aux marches [article XVI] veut dire que vous ne pouvez pas limiter le nombre de fournisseurs ou refuser qu’ils aient des activites telles que bruler les dechets par municipalites, interdire la pub dans certains endroits, etc. voir www.policyalternatives.ca lire Alan Gold sur le cas Jeux.

Un camarade mexicain nous donne l’exemple de l’ALENA qui a liberalise le secteur bancaire de la meme maniere : a present, 92% du systeme bancaire est entre des mains etrangeres, pas de credit pour les affaires locales, les paysans. 52% de la distribution est sous le controle de Wal-MART et c’est tres difficile d’introduire des regulations.

BRIEFING AVEC LA COMMISSION avec un officiel qui traite du commerce des services]. Ce briefing au ras des paquerettes a rendu certains d’entre nous fou furieux. Il nous parlait comme a des enfants-alors que certains dans la salle sont des vrais pros de l’AGCS [pas moi, il y en a de beaucoup plus cale]. En gros, l’UE demande, comme le fait le texte de l’AGCS, la liberalisation progressive. La seule chose eventuellement utile : etait son insistance sur le fait que la liberalisation peut etre obtenue a travers tous les types de negociation [bilaterale, plurilaterale, multilaterale] meme si la methode principale serait celle des demandes et offres que nous avons connue jusqu’ici.

Un dernier briefing avec les quatre Messieurs de l’OMC qui rendent compte de la journee aux ONG : Pas la peine, je n’y retournerai plus, nous en savons plus qu’eux.