OMC : Mandelson fort du "soutien" de l’UE ; Paris affirme avoir "recadré" Bruxelles

LUXEMBOURG (AP) - Défiant la France, Peter Mandelson s’est targué mardi de bénéficier du "soutien massif" des Européens pour mener les négociations en cours à l’OMC. Paris, qui craignait que le commissaire européen ne fasse des concessions au dépens des agriculteurs, assurait néanmoins avoir réussi à "recadrer" le mandat de Bruxelles.

Réunis à Luxembourg, les ministres des Affaires étrangères des 25 ont débattu mardi de la position de l’Union européenne dans les négociations sur la libéralisation des échanges dans le cadre de l’Organisation mondiale du commerce (OMC).

Peter Mandelson a démenti que les pays membres de l’UE soient divisés sur son mandat et assuré que la réunion de Bruxelles avait permis de "dissiper toute question" sur sa stratégie. Et il a demandé aux Européens de ne pas céder à la panique au moindre "mouvement sérieux" dans les négociations : "sans aucun doute, ce serait la mauvaise réaction, et une terrible erreur pour l’UE, (...) de perdre confiance."

D’après le chef de la diplomatie britannique Jack Straw, qui présidait la réunion, la stratégie de Peter Mandelson bénéficie d’un large soutien et le restreindre "rendrait les négociations impossible". La France n’a pu trouver d’appui pour une telle option, assurait le ministre britannique.

Les ministres européens ont d’ailleurs exprimé dans un communiqué commun leur soutien aux efforts réalisés par la Commission pour "obtenir un résultat correspondant au mandat" délivré par les gouvernements des 25. Ils ont toutefois ajouté que l’exécutif européen avait accepté de "renforcer les mécanismes destinés à faire en sorte que le Conseil soit complètement informé, de façon régulière et systématique, des développements des négociations". Il s’agira notamment d’explications "confirmant que l’action de la Commission reste dans le cadre du mandat".

Mais Paris estimait avoir obtenu gain de cause : "nous avons obtenu un vote à l’unanimité de l’ensemble des ministres pour recadrer le mandat de la Commission", a annoncé le ministre de l’Agriculture Dominique Bussereau devant les députés. En particulier, la France a obtenu qu’il ne soit "pas question à aucun moment, par la négociation de l’OMC, de remettre en cause la PAC" (Politique agricole commune) renégociée en 2003.

Paris a obtenu la mise en place d’un "comité d’experts qui soit en permanence au côté de la Commission" européenne, a ajouté Dominique Bussereau. Selon le ministre de l’Economie Thierry Breton, qui s’exprimait quelques minutes plus tôt à l’Assemblée nationale, il s’agit d’une "commission mixte" entre la Commission européenne et des "experts indépendants". Elle aura pour mission de "suivre très précisément le mandat qui est donné au commissaire Mandelson et les engagements qui doivent être les siens par rapport aux Etats-membres".

La réunion de Luxembourg s’est tenue à la demande de la France, qui s’inquiétait que l’Union puisse proposer de réduire les aides agricoles au-delà de ce que les gouvernements avaient déjà convenu en 2003.

La semaine passée, le commissaire européen au Commerce avait en effet semé le trouble en déclarant que l’UE était prête à réduire de 70% les aides agricoles "faussant la concurrence" à condition que d’autres partenaires commerciaux prennent des mesures similaires. Il a ensuite précisé dans "Le Monde" que la dernière proposition en date de l’UE était une "offre exploratoire" destinée à "tester nos partenaires".

A Luxembourg, Peter Mandelson a souligné que les négociations entamées à Doha ne reposaient pas seulement sur le volet agricole, mais aussi sur les biens industriels et les services. Pour lui, prendre à la lettre les demandes de Paris et analyser les effets de toute nouvelle offre sur le volet agricole reviendrait à bloquer les négociations. Or le temps presse, les négociateurs étant censés aboutir à un accord-cadre pour la réunion de Hong Kong en décembre.

Le patron de l’OMC Pascal Lamy estimait mardi à Strasbourg que l’UE et les Etats-Unis devaient faire preuve de plus de souplesse. Pour lui, les Européens doivent être prêts à ouvrir davantage leurs marchés aux importations agricoles et les Etats-Unis doivent réduire les subventions aux agriculteurs.

Les pays en voie de développement demandent que les Etats-Unis et l’UE réduisent substantiellement l’aide publique à leurs agriculteurs respectifs, estimant que les subventions des pays riches maintiennent artificiellement les prix bas. AP