Grèce (et autres pays très endettés) : mais qui peut décider de « sortir de l’euro » contre l’immense majorité ?

Jean Gadrey 20 Juillet

Cela fait des années que je lis des analyses - essentiellement produites par des économistes, ce qui n’est déjà pas fait pour me rassurer - souvent de bonne qualité logique et capables de convaincre, sur le papier, qu’on ne sortira pas de la crise européenne actuelle sans en revenir aux monnaies nationales, quitte pour certains de ces analystes à préconiser une « monnaie commune » réservée aux échanges extérieurs de l’actuelle zone euro.

J’ai déjà exprimé de sérieux doutes sur la « culpabilité » de l’euro dans la crise actuelle (voir ces deux billets de 2014 : « L’euro n’est pas coupable de la divergence économique des pays européens »), bien que je n’aie pas la moindre doute sur la « culpabilité » des institutions actuelles de l’UE et de la zone euro, et sur leur capacité à utiliser aussi bien les règles ACTUELLES de fonctionnement de la monnaie unique que les dettes publiques de certains pays (largement et illégitimement gonflées par ces règles actuelles, plus ou moins dictées par la finance de marché) comme instruments de domination voire de mise sous tutelle.

Mais je vois une autre limite aux arguments des avocats de la sortie de l’euro (désormais, il faut mettre des « exit » partout pour être à la mode) et cette limite est politique et démocratique : que font tous ces analystes, pour certains des amis ou proches, presque tous de gauche (je me garderai bien de mettre les porte-parole du FN dans les « analystes » vu qu’ils se contentent de slogans nationalistes et xénophobes), que font-ils des positions et des dispositions non seulement de l’immense majorité du peuple, mais même de l’immense majorité des citoyens de gauche, y compris la bien mal nommée « gauche de la gauche » ?

Je n’ai rien vu passer sur cette question de la part de ces « exiteurs » de talent, et je suppose donc que leur opinion implicite est 1) qu’ils ont raison, 2) que les faits finiront bien par prouver le bien-fondé de leurs analyses, et 3) qu’alors la majorité des citoyens, ou au moins la majorité du « peuple de gauche », les rejoindra pour exiger la sortie de l’euro, à la faveur d’une crise d’une extrême gravité. C’est en effet possible, cela se tient, l’histoire est parfois faite de tels retournements où une minorité d’idées devient majoritaire dans une crise, et dans bien des domaines je ne peux que souhaiter de tels basculements, entre reprise en main de la finance et politiques climatiques. J’y travaille modestement à ma façon comme militant associatif.

Mais une autre hypothèse ne peut pas être écartée : et si, cette fois, la majorité populaire et la majorité à gauche avaient raison contre ces brillants analystes ? Je n’ai pas de réponse assurée, mais le cas grec invite à y réfléchir. Car pour ce qui est d’une « crise d’une extrême gravité », les Grecs y sont depuis plusieurs années.


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