La nation contre l’Europe, ou la tentation du grand contournement

Par Roger Martelli | 25 août 2015

La Grèce étranglée, l’UE en panne, le libéralisme à la manoeuvre et le mouvement social inerte : l’été a été merveilleux. Alors la tentation est grande de tout remettre à plat. Mais si le surplace est impossible, la fuite en avant est un leurre meurtrier.

Pour commencer, il ne sert à rien de découvrir la lune. L’Union européenne est dominée par le libéralisme, "ultra" ou "social" ? On le sait depuis longtemps.
Elle n’est pas un espace démocratique, mais le terrain par excellence de la gouvernance ? Belle découverte. Elle est par fondation structurée par le capital, elle est un enfant de la guerre froide et de l’hégémonie américaine ? Tiens donc ! Ses promoteurs ont toujours voulu en faire un instrument contre la transformation radicale des sociétés ? Il est temps de s’en rendre compte. Les leaders actuels de l’Union, c’est-à-dire les responsables des États nationaux, ont décidé d’aller au bout de leur logique concurrentielle, dérégulatrice, technocratique et sécuritaire ? Nous n’avions pas besoin de cet été pour le savoir, nous qui avons connu le référendum de 2005 et ses conséquences.

Que l’on cesse donc de répéter à satiété que ceux qui, depuis des années, se battent pour une autre Europe se bercent de l’illusion que le cadre européen actuel est réformable sans toucher à ses mécanismes fondamentaux. Ou alors il faut ajouter que tous ceux qui se battent à l’intérieur de toute institution, quelle qu’elle soit, partagent la conviction naïve que les sociétés d’exploitation et de domination dans lesquelles elles fonctionnent peuvent se transformer sans mettre en cause les logiques fondamentales qui les régissent. Or vouloir agir à l’intérieur d’un système n’est pas plier devant ses "contraintes".

Se sortir de la logique, pas de l’Europe
Quand on agit dans un espace, contre une logique sociale qui le corsète et qui le déstructure, on doit le faire à la fois pour obtenir toutes les améliorations partielles possibles et pour subvertir le mécanisme général qui structure le cadre de part en part. L’engagement pour une autre Europe, du côté en tout cas de la gauche d’alternative ou "radicale", n’a pas été pensé pour "améliorer" l’Union telle qu’elle est. Tout au contraire : dire que l’on veut une autre Europe implique, au sens propre, que celle qui est en place n’est pas acceptable sur le fond et qu’il faut donc sortir de la logique qui l’étouffe. Se sortir de la logique, pas de l’Europe…


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