Davos : des aveugles sur le pont du Titanic

mercredi 20 janvier 2016, par Attac France

Cette année Manuel Valls et Emmanuel Macron représentent la France au Forum de l’oligarchie mondiale à Davos pour y vanter leur réalisme économique. Or, paradoxalement, le Forum fournit un outil remarquable qui démontre malgré lui à quel point nos élites sont aveugles au monde qu’elles dirigent : le « Rapport sur la perception des risques globaux » qui décrit depuis 2007 ces risques tels que perçus par les « global leaders ».

Cette année les membres du Forum se disent inquiets des migrations internationales, mais n’ont vu venir ni la récession chinoise ni la crise boursière et financière qui commence. À l’image des lois Macron sur le travail du dimanche et autres « plans d’urgence sociale » anecdotiques, jusqu’à quand la classe de Davos jouera-t-elle à changer de place à tâtons les fauteuils sur le pont du Titanic ?

Depuis 1971 le Forum économique mondial de Davos s’est donné pour mission d’« améliorer l’état du monde ».
Depuis 2007 il réalise une enquête, le « Global Risks Perception Survey », auprès de 750 « global leaders » - « experts, décideurs, universitaires », afin d’identifier les risques majeurs susceptibles d’affecter la planète dans la décennie à venir. L’analyse des perspectives – très peu réjouissantes - faite par le Rapport 2016 [1] montre la faillite de la « classe de Davos », et ce pour deux raisons : le monde s’enfonce dans le chaos à cause de leurs privilèges, mais ils ne veulent rien y changer.

Le rapport décrit « un monde où les risques deviennent plus pressants » : 2015 a connu l’année la plus chaude depuis qu’on mesure les températures, « le plus grand nombre de réfugiés depuis la 2e guerre mondiale », des « attaques terroristes au coût humain croissant », « des sécheresses en Californie et des inondations en Asie ». Quant à la « 4e révolution industrielle » que vont vanter les hauts dirigeants des multinationales présents à Davos lors de multiples séminaires, le président du Forum Klaus Schwab redoute qu’elle « ne provoque des millions de licenciements qui menacent l’existence de la classe moyenne, base de nos démocraties ».

Ils ont peur, mais ils ne voient rien venir. Ainsi en 2007, parmi les risques identifiés comme les plus probables pour les 10 ans à venir, la crise financière ne venait qu’en 5e position, loin derrière le risque d’effondrement d’Internet. Puis de 2008 à 2010, le « risque » de krach est venu au premier rang... au moment même où il était devenu réalité. Même chose de 2012 à 2014, au moment de la vague mondiale « Printemps arabe – Indignés – Occupy » : les inégalités de revenu sont érigées en risque principal pour le futur – alors que des millions de gens occupent déjà les places et les rues dans le monde entier pour cette raison. En 2016, nouvel accès de divination : les décideurs voient dans les « migrations à grande échelle » le risque no 1 des 10 prochaines années…


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