G7 : face à Trump, les trois erreurs d’Emmanuel Macron

vendredi 7 juin 2019, par Maxime Combes

Théâtre annoncé des divisions entre « puissances occidentales », le 45e G7 de Biarritz – le 7e que la France préside – masque mal l’impasse dans laquelle Macron, Trudeau et l’UE nous enferment : défendre le Monde tel qu’il est, celui du néolibéralisme qui a nourri Trump et le Brexit, plutôt qu’inventer le Monde de demain, celui qui pourrait résoudre les grands défis auxquels nous sommes confrontés.

Le spectacle est par contre garanti et va tenir les observateurs en haleine : les poignées de main entre Trump, Macron et consorts, seront-elles viriles et énergiques, ou bien courtoises et diplomatiques ? Les États-Unis signeront-ils le communiqué final ? Donald Trump sera-t-il sur la photo finale ? Quel rôle auront joué les « première dames » ? Suspense.

La formule pour résumer les enjeux a déjà été utilisée : le G7 va-t-il se transformer en G1+6, consacrant la puissance américaine face à l’impuissance européenne, ou en G6+1, indiquant l’isolation des États-Unis face à l’affirmation des six autres pays membres historiques du G7 (France, Canada, Royaume-Uni, Italie, Japon, Allemagne). Car là est le pitch du prochain G7 : les tensions affichées sur le commerce international, le dossier iranien ou encore le réchauffement climatique, vont-elles achever de « diviser le camp occidental » ?

Éditos et articles de presse salueront le front commun affiché par les six autour de Macron ! La défense d’un « multilatéralisme fort » sera saluée face à « l’isolationnisme » de Trump, l’idée d’être prêts à signer un communiqué commun de fin de G7 sans les États-Unis sera louée, tout comme la dénonciation des taxes américaines et la défense de la mondialisation des échanges, supposée préférable au protectionnisme des États-Unis.

Ce faisant, Macron, Merkel, Trudeau et consorts nous enferment dans une impasse, incapables de se saisir des enjeux du 21e siècle : face à l’isolationnisme protectionniste américain, ils défendent le cadre néolibéral multilatéral façonné depuis trente ans qui nourrit pourtant les replis nationaux et identitaires à l’origine, notamment, de l’élection de Donald Trump et du Brexit. Ils entretiennent ainsi le mal qu’ils prétendent combattre.

Erreur n°1 : défendre un multilatéralisme de façade plutôt que le réinventer

Erreur n°2 : s’engager dans la guerre commerciale plutôt que promouvoir une alternative

« Face à Trump, nous ne plierons pas sur nos principes » affirment à tour de rôle Macron, Trudeau ou Merkel. Quels sont ces principes ? La défense des règles qui organisent le commerce international et le droit des investisseurs que Donald Trump a décidé de ne pas respecter en introduisant des taxes sur l’acier et l’aluminium et en menaçant l’UE et le reste du monde de nouvelles taxes.

Là où Donald Trump envoie un message à son électorat en affirmant que ses mesures contribuent à un « commerce équitable » (Fair Trade ! tweete-t-il), Macron, Trudeau et l’UE défendent becs et ongles le cadre commercial international qui, de part ses impacts négatifs sur l’emploi, les économies locales et l’environnement, a nourri la vague de fond qui a permis à Trump de devenir le 45e Président des États-Unis.

Reprenant à leur compte et sans recul la belle histoire d’une « mondialisation heureuse », Macron, Trudeau et l’UE ne cessent d’agiter la crainte des « dangers du protectionnisme ». Que disent-ils ? Macron répète à l’envie, sans imprimer dans l’opinion publique, que les mesures prises « sont contre-productives, y compris pour son économie », Trudeau affirmant que « des emplois américains qui vont être perdus » alors que l’électorat de Trump est persuadé du contraire.

Force est de constater que ces promesses d’une mondialisation créatrice d’emplois et source du bonheur généralisé, sans cesse renouvelées – notamment par le G7/8 – et contredites par les faits et le ressenti des populations impactées, tournent à vide. Sauter comme un cabris avec un discours mille fois entendu ne fait pas une politique. De fait, Macron Trudeau et l’UE n’apportent aucune réponse tangible aux désastres sociaux et écologiques engendrés par la mondialisation.

Pire, ils se placent sur le même registre que Trump. « Nous serons aussi stupides » avait affirmé Jean-Claude Juncker, ne percevant sans doute pas qu’il disqualifiait ainsi la réponse que l’UE entend apporter à la décision de Trump. Trudeau ne dit rien d’autre en promettant « la loi du talion », tandis qu’Emmanuel Macron, se voulant plus subtil, se place également sur le plan de la guerre commerciale en affirmant que « le marché des six autres pays du G7 est plus grand que le marché américain ». Macron, Trudeau et Juncker, aussi stupides que Trump, construisent ce à quoi ils prétendent s’opposer : une guerre commerciale « stupide ».

Que devraient-ils faire ? Refuser d’entrer dans le jeu de Trump et de s’enferrer dans le piège qui nous est tendu entre « protectionnisme nationaliste » et « défense du néolibéralisme commercial ». Il est temps, non pas seulement de reconnaître les dégâts de la mondialisation en termes d’emplois et d’environnement, mais d’introduire des régulations qui permettent de résoudre ces grands défis du 21e siècle. Si l’économie du G6 est si forte qu’elle peut s’opposer aux États-Unis (et au reste du monde), alors cet espace économique est suffisant pour qu’il y soit introduit des régulations climatiques et sociales modernes et adaptées pour contenir le réchauffement climatique et juguler le chômage de masse.

Un exemple ? La sidérurgie européenne dit craindre, suite à la décision de Trump, l’arrivée massive d’acier et d’aluminium de « mauvaise qualité » et à « prix bradé » sur le marché européen, ne trouvant plus de débouchés sur le marché américain. La réponse stupide de l’UE est de répondre avec des taxes sur les Harley-Davidson, les jeans Levi’s, et le bourbon. Une réponse intelligente serait d’élever unilatéralement les standards de qualité, de respect de l’environnement et de normes sociales, dans l’importation d’acier et d’aluminium. Histoire que cette industrie, fortement émettrice de gaz à effet de serre, par exemple, réduise enfin son impact climatique.

Erreur n°3 : s’affirmer « pro-climat » à l’international et faire le contraire à domicile