DISCOURS PRONONCÉ PAR A. TSIPRAS LORS DU COLLOQUE ORGANISÉ PAR THE ECONOMIST

Publié le mai 19, 2015 par VangelisGoulas

Vision pour une Europe en mutation « 100 jours de gouvernance : bilan et perspectives pour la Grèce »

15.05.2015

Amies et amis,

Mesdames et Messieurs,

Je remercie les organisateurs du colloque pour leur aimable invitation. C’est, en effet, la quatrième fois que j’ai l’occasion de parler de cette tribune, mais la première fois en qualité de Premier ministre.
Je suis heureux de participer à cette institution financière annuelle, dans ce forum économique, qui chaque année donne l’occasion d’entendre et de discuter les différents concepts politiques et économiques qui définissent les grandes lignes du débat public, tant au niveau international qu’au niveau européen.

Nous parlons de concepts politiques et économiques qui ne trouvent pas leurs sources aux exercices menés par les économistes dans des conditions de laboratoire, mais qui sont définis par les oppositions sociales inhérentes à toutes les sociétés occidentales modernes. Et en effet ces concepts politiques et économiques sont liés à des hypothèses idéologiques qui sont par définition divergentes.

Il appartient donc aux gouvernants politiques et étatiques de résoudre chaque fois cette antinomie de la façon la plus efficace possible. Parce qu’en fin de compte, c’est la politique qui déterminera à chaque instant ce qui est juste et ce qui est injuste, ce qui est légitime et ce qui est illégitime, ce qui est possible et ce qui est impossible. Pendant cinq ans, en Grèce, le pouvoir politique des vieux partis a complètement échoué à sortir le pays de la crise. Il n’a pas réussi à harmoniser et synthétiser les attentes différentes de chaque partie de la société grecque, à créer une idée inaltérable de la justice sociale et à définir des principes durables pour les perspectives d’avenir du pays. Il a en revanche choisi de se rallier aux idées les plus extrêmes et partiales, aux forces les plus extrêmes et partiales au niveau mondial et européen et de mettre en œuvre une politique d’austérité extrêmement rigoureuse au détriment de la très grande majorité de la société grecque .

A l’intérieur de cette élite politique a dominé l’idée – avec naturellement l’aide et le soutien des économiquement puissants – que la crise en Grèce a été provoquée par les droits sociaux des travailleurs et des retraités, que la crise en Grèce a été provoquée par l’ampleur excessive du secteur public, et par la persistance des politiques protectrices.

Et sur cette base faussée a été érigé tout le mécanisme de la restructuration de l’économie et de la société grecque qui a duré plus de quatre ans et a été nommé Mémorandum.

Mesdames et Messieurs,
Le mémorandum n’était pas une simple erreur économique, un mauvais programme, une inattention. Le mémorandum était le choix délibéré de charger le fardeau de la crise économique provoquée par les déséquilibres du système financier et aggravée par les pathologies inhérentes à l’état grec et à son économie, sur le dos du travail salarié, sur le dos des retraités, des travailleurs indépendants de la classe moyenne et des petits entrepreneurs.

En fait, le mémorandum n’était rien d’autre que la tentative de surmonter la crise par une sidérante liquidation des droits et par la liquidation tout aussi sidérante d’un très grand nombre d’entreprises qui devaient servir de base pour une nouvelle accumulation du capital accompagnée de l’acceptation de conditions bien pires pour la majorité sociale. Il était naturellement clair et attendu que cette politique conduirait tôt ou tard, à une longue récession qui était, cependant, au début désirée par les initiateurs du Mémorandum.

Ils savaient très bien ce qu’ils faisaient et pourtant ils l’ont fait. C’est le signe d’un cynisme absolu, le leur. Au temps donc du Mémorandum, les inégalités sociales en Grèce ont grimpé – la Grèce figure aux premières places du classement de l’indicateur de l’injustice sociale – le chômage a triplé, les salaires ont chuté, les pensions ont subi des coupures dramatiques, alors que l’État-providence a été quasiment anéanti.


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