Super Profiteurs, le petit livre noir du CAC 40 - 2

2ème partie - Que nous apportent-ils vraiment ?

V Fiscalité :une contribution toujours plus négligeable

Les entreprises ne contribuent pas en proportion des profits qu’elles réalisent (cadeaux fiscaux, optimisation, dimension internationale) ; contrairement à des PME, petites entreprises ou entrepreneurs et commerçants individuels, qui ont une localisation nationale de leur activité et donc une fiscalité rattachée à leur lieu d’activité.

  • Une politique fiscale accommodante : cadeaux fiscaux et "optimisation".

Partout dans le monde, le taux d’imposition sur les sociétés (IS) a tendance à baisser. 
Entre 1980 et 2020 - le cycle néolibéral - le taux moyen d’IS dans le monde est passé de 40% à 24%.
Un double mouvement : l’explosion du commerce international et des délocalisations de production, et le chantage aux implantations industrielles, de sièges ou de centres administratifs. ex : l’automobile (production occidentale)
En France, l’assiette de cet impôt a, de plus, été réduite du fait des niches fiscales et des mesures dérogatoires (CIR, niche Coppé, régime mère-fille). Ainsi, la contribution des grandes entreprises est stable alors que leurs revenus augmentent.
Depuis 2020 s’opère une baisse des impôts de "production" (ensemble de taxes diverses sur le foncier ou la valeur ajoutée) qui profite essentiellement (66%) aux grandes entreprises. Elles bénéficient également d’exonérations sociales à hauteur de 84,6 Milliards d’euros en 2023.
Addition de tous les leviers en faveur des grandes entreprises : taux et assiette de l’IS, niches fiscales, baisses ou exonération des "impôts de production", niches sociales et baisse ou exonération de cotisations sociales.
Un renversement de la logique : je n’investis que si j’ai des exonérations suffisantes qui font partie du calcul de rentabilité financière de chaque investissement.. La fiscalité est devenue un élément de la rentabilité globale des multinationales, càd un transfert massif des biens communs (financement des services publics, de la solidarité, de l’éducation, de la santé...) vers les actionnaires.

Cette politique fiscale est d’une grande injustice puisque les grandes entreprises ont un taux d’imposition inférieur à celui des PME. De plus, ce taux est basé sur les seuls profits déclarés en France, à l’exclusion de ceux judicieusement logés à l’étranger. On peut également le comparer avec la TVA supportée par tous les consommateurs.

  • L’évasion fiscale, sport favori des multinationales françaises ?

Les grands groupes français ont une activité internationale et seule une partie de leurs bénéfices est déclarée en France.
En 2019, 37% à 40% des revenus des multinationales sont déclarés dans des paradis fiscaux, contre 2% en 1970. Pour la France les profits non déclarés représenteraient 36 Milliards d’euros en 2015 .
76% des filiales des entreprises du CAC 40 sont implantées aux Pays-Bas, en Belgique, au Luxembourg.

TotalEnergies fait remonter ses bénéfices dans ses nombreuses filiales aux Bermudes et a réussi à ne payer aucun IS entre 2012 et 2015 et 2020 et 2021. Pendant 10 ans, l’entreprise aurait reçu plus d’aides publiques qu’elle n’a payé d’IS.
LVMH détient 24 filiales au Luxembourg. Les banques Françaises, BNP Paribas en tête, déclaraient en 2015 5,5 Milliards d’euros dans les paradis fiscaux.
En 2017 Oxfam a montré que les grandes banques européennes déclaraient dans les paradis fiscaux 26% de leurs bénéfices, 12% de leur chiffre d’affaires et 7% de leurs employés, preuve de la déconnexion avec leur activité réelle. Pour 100 euros de chiffre d’affaire, elles déclaraient 42 euros de bénéfices dans les paradis et 19 euros en moyenne ailleurs.

Mécanismes d’évasion fiscale : plusieurs : la facturation intragroupe de biens et services, la localisation de la propriété intellectuelle, les flux de dividende, le montage des financements capital / dette.
 -"Prix de transfert" : les transactions entre entités d’un même groupe dont l’une est établie dans un paradis fiscal sont autorisées à condition que le prix soit celui du marché, ce qui n’est souvent pas le cas. Ainsi TotalEnergies ne localise en France que les activités de raffinage et distribution mais non les revenus de la vente de brut, racheté par les sociétés françaises à d’autres filiales du groupe.
 propriété intellectuelle : les franchises établies en France paient une redevance à l’entité détenant la marque ou le savoir-faire basée dans un paradis.
40 à 60% du commerce international est concerné par des prix de transfert. En une quarantaine d’années - le cycle néolibéral - les chaînes commerciales classiques fournisseur / marché final ont été rompues pour localiser de la valeur dans des pays à faible taux d’imposition ou des paradis fiscaux. 

Commentaires sur la dépénalisation des infractions financières (amendes, plaider-coupable, ex délits routiers...), le lobbying et les "revolving doors", l’inventivité des conseils fiscaux et banques spécialisées.
Rôle des "Leaks" et mise en oeuvre du reporting pays par pays (BEPS) de l’OCDE.

VI Emploi : quand les champions nationaux tournent le dos à leurs travailleurs et travailleuses

 Suppressions massives d’emploi dans des entreprises par ailleurs florissantes comme Sanofi, Danone, Michelin, Stellantis (fusion de Peugeot et Fiat), Carrefour. Idem dans le secteur bancaire par le biais de la numérisation.
Lors de la privatisation de France-Telecom (2005), suppression de milliers d’emplois et harcèlement des travailleurs (reconnu et condamné).
 Fermeture des sous-traitants (particulièrement fonderies) des grandes entreprises qui préfèrent s’approvisionner à l’étranger.
 Délocalisations : Capgemini et Téléperformance : créent de nombreux emplois... mais en Inde. Capgemini n’a que 12,43%de ses effectifs en France.
Téléperformance (418 K employés) et CapGémini (324 K employés) sont les deux plus gros employeurs du CAC 40 : 
À noter que les aides de l’état sont souvent suivies de suppressions d’emplois (Renault et Safran en 2020)

entre 2000 et 2020, effectifs des travailleurs de CAC 40 en France +12% 
(moins 12% c’est bien +12 mais à confronter aux +26)
effectifs mondiaux +26%
Profits + 76%
Dividendes +265% 

Après la pandémie et malgré les aides de l’état : suppression de 30000 emplois. 

VII Utilité sociale : des champions au service de qui et de quoi ?

Quel avantage pour le consommateur ? 
Le but de ces "champions" est de faire des profits sur les besoins essentiels et de créer artificiellement de nouveaux besoins.

  • Un modèle de développement de plus en plus contesté

Les grands projets inutiles et imposés se multiplient : ex. NotreDame des Landes ; projets conçus par et pour de grands groupes au détriment de l’environnement et sans utilité réelle. Aéroports, centres de loisirs, centres commerciaux (europacity), projets autoroutiers.
Le "Grand Paris Express" en est un autre exemple avec ses chantiers lourds et coûteux dont les objectifs auraient pu être atteints avec des aménagements plus légers et moins destructeurs de l’environnement (cf.ligne 18 aboutissant au bétonnage du plateau de Saclay)

  • Le salut par la technologie

 Il s’agit de tout résoudre par la technologie sans s’interroger sur la pertinence des choix. C’est de façon emblématique le cas du nucléaire.

Le plan France "2030" de Macron vise plus à glorifier les entrepreneurs qu’à satisfaire les besoins communs.
Au niveau de l’eau (Veolia) et des déchets (Suez), se retrouve le même solutionnisme technologique au détriment de la prévention (réduction de la pollution à la source avec partenariats locaux), de la réutilisation et réparation.

  • Clientèles captives

Dans le secteur bancaire, du fait de la non séparation des activités, ce sont les dépôts des épargnants qui alimentent les opérations de marché.
Les consommateurs constituent également la clientèle captive de Veolia pour l’eau, Orange et Engie pour les télécom. et l’énergie, Sanofi pour les médicaments, entreprises qui au lieu de servir le bien public travaillent avant tout à augmenter leur rentabilité.

  • Au bonheur des 1%

Les plus importantes des entreprises du CAC40 opèrent dans le secteur du luxe et se dédient à une clientèle d’ultra-riches.