1938, Munich – 2015, Berlin

Blog de Jean Marie Harribey dans Alternatives Économiques
14 Juillet 2015

Les accords de Munich en septembre 1938 sanctionnèrent la victoire politique de l’Allemagne sur la France et la Grande-Bretagne pour sceller la fin de l’indépendance de la Tchécoslovaquie, puis son démantèlement. On sait ce qui suivit cette démission de la France et de la Grande-Bretagne.

L’accord – ou dénommé tel – qui est intervenu le 13 juillet 2015 entre les membres de la zone euro risque de consacrer la mort économique, sociale et politique de la Grèce.
Et il faut avoir le culot, le cynisme ou la bêtise de Hollande pour marteler l’idée que cet « accord » sauve la Grèce, l’euro, l’Europe, la France, et aussi lui-même, croit-il. Au moins Daladier, Président du Conseil des ministres français, de retour de Munich, était conscient qu’il s’était fait berner. Hollande, lui, croit qu’il a remporté le match contre Merkel et Schäuble. Il est au contraire fort probable que le « couple » qui a bien fonctionné n’est pas le couple franco-allemand, mais le couple Schäuble-Merkel. Le premier parce qu’il a exprimé publiquement la position la plus dure : exclure temporairement la Grèce, ce qui était juridiquement un non-sens au regard des traités européens, donc un bluff et un leurre ; la seconde affichant une attitude plus mesurée, lui permettant de faire adopter la position en apparence de repli de son ministre : faire un hold-up magistral de 50 milliards d’euros sur le peu de biens publics grecs qui restent à privatiser. Un partage des tâches dans le couple inter-allemand parfaitement orchestré. Mais, dira-t-on, est-ce la bonne analyse de ce qui s’est déroulé ces derniers jours entre Bruxelles, Berlin et Athènes ? Pour le savoir, il n’est que de lire le texte de l’« accord ».

L’« accord » de Berlin

La « Déclaration du sommet de la zone euro » du 12 juillet 2015 commence ainsi (p. 1) : « Le sommet de la zone euro souligne la nécessité cruciale de rétablir la confiance avec les autorités grecques. » À l’évidence, il est entendu que ce sont ces dernières qui avaient rompu cette confiance.

L’engagement de légiférer rapidement a été pris « en accord total et préalable avec les institutions ». C’est-à-dire du plein gré de la Grèce.

Toute aide sollicitée auprès du Mécanisme européen de stabilité (MES) devra d’abord être demandée au FMI.

On commence à y voir clair : cet « accord » ne décide pas d’une aide, ni même du principe d’une aide. Il stipule (p. 2) : « Ce n’est qu’après – et immédiatement après – que les quatre premières mesures susmentionnées auront fait l’objet d’une mise en œuvre au plan juridique et que le Parlement grec aura approuvé tous les engagements figurant dans le présent document, avec vérification par les institutions et l’Eurogroupe, qu’une décision pourra être prise donnant mandat aux institutions de négocier un protocole d’accord. »

Quelles sont les quatre premières mesures à devoir être adoptées en deux jours (avant le 15 juillet) ?
Rationalisation du régime de la TVA ; viabilité du système des retraites ; indépendance de l’organisme statistique, respect du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG) de l’Union économique et monétaire.

Ah, qu’en termes euphémisés, ces choses-là sont dites ! Viennent ensuite le détail et le commentaire de texte (p. 3) : « ambitieuses réformes des retraites ; privatisation du réseau de distribution d’électricité ; modernisation du marché du travail ; programme de privatisation nettement plus étoffé ».

Arrive donc la ruse de Schäuble  : « des actifs grecs de valeur seront transférés dans un fonds indépendant qui monétisera les actifs par des privatisations et d’autres moyens. La monétisation des actifs constituera une source permettant le remboursement programmé du nouveau prêt du MES et générera sur la durée du nouveau prêt un montant total fixé à 50 milliards d’euros, dont 25 milliards d’euros serviront au remboursement de la recapitalisation des banques et d’autres actifs, et 50 % de chaque euro restant (c’est-à-dire 50 % de 25 milliards d’euros) serviront à diminuer le ratio d’endettement, les autres 50% étant utilisés pour des investissements. »

Autrement dit, en termes intelligibles : 25 milliards d’actifs publics seront directement versés aux créanciers ; 12,5 milliards seront la contrepartie d’une possible décote des créances ; 12,5 milliards resteront disponibles pour des investissements. Au total et au mieux, sur les 50 milliards de patrimoine public grec vendu à l’encan, les Grecs ne disposeront que d’un quart, les trois quarts iront dans la poche des créanciers, exactement comme lors des prétendus 240 milliards d’aide à la Grèce depuis 2012.

Afin que tout cela apparaisse et reste comme un choix technique, l’« accord » précise qu’il faut (p. 4) « mettre en place, sous l’égide de la Commission européenne, un programme de renforcement des capacités et de dépolitisation de l’administration publique grecque ».

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