Portugal : un redressement économique et social qui prend Bruxelles à contre-pied

Le Portugal n’a presque plus de déficit budgétaire, bénéficie d’une des meilleures croissances de la zone euro, a fait baisser son chômage et attire les investisseurs. Le petit miracle économique et social portugais s’est réalisé en moins de 2 ans avec une politique pourtant opposée aux demandes de la Commission européenne. Doit-on parler désormais du modèle portugais plutôt que du modèle allemand ou suédois ?

11 SEP 2017 Mise à jour 13.09.2017 à 13:57 parPascal Hérard

Il y a un an, en juillet 2016, la Commission européenne entamait une procédure pour "déficit excessif" contre le gouvernement de Lisbonne. Le Portugal risquait une amende, selon Bruxelles, puisque il était censé ramener son déficit à 2,5 % de son PIB en 2015 au lieu des 4,4 % annoncés. La procédure a été abandonnée un mois plus tard. Etonnement, la France n’était pas soumise à la même pression, alors qu’elle n’avait pas — elle non plus — tenu ses engagements : 3,4% de déficit au lieu des 3% requis. Depuis, le phénomène s’est radicalement inversé : le Portugal a réduit son déficit à 2,1% en 2016 et devrait le ramener à 1,5% cette année. La France, elle, a abaissé péniblement son déficit à 3,3% en 2016 et table sur 3,2% cette année quand elle s’est engagée à atteindre... 2,8%. L’Espagne est encore à 4,5%.

Mais l’économie portugaise n’a pas réussi à réduire ses déficits par la baisse des dépenses publiques, des réformes structurelles du travail visant à "assouplir" les droits des salariés, ou en abaissant les protections sociales, comme le préconise la Commission européenne. C’est même l’inverse qui a été pratiquée au Portugal depuis un an et demi. Un choix qui explique certainement l’irritation très nettement affichée par Bruxelles au printemps 2016, lors des annonces de Lisbonne.

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Mesures socio-économiques
Depuis novembre 2015, c’est un gouvernement socialiste qui est au pouvoir au Portugal, soutenu et poussé par une union des gauches, composée du Parti communiste portugais, des écologistes, et du "Bloco de esquerda", le bloc de gauche (gauche radicale).

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Les choix économiques et sociaux de ce gouvernement se sont portés sur une politique clairement anti-austéritaire et antinomique avec celle pratiquée par le gouvernement précédent, de droite, qui avait gelé le salaire minimum et les pensions de retraites, augmenté les impôts, et réduit les aides publiques. Ce qui n’avait pas permis de réduire le déficit budgétaire ni le chômage significativement, mais avait fait exploser la précarité et la pauvreté dans le pays.

Le gouvernement du nouveau premier ministre, António Costa, depuis 2 ans, a donc appliqué des réformes qui avaient été déclarées dans son programme de coalition, en parfaite opposition avec la politique précédemment menée, comme le souligne cet extrait : "La politique d’austérité suivie ces dernières années a eu pour conséquence une augmentation sans précédent du chômage avec des effets sociaux dévastateurs sur les jeunes et les citoyens les moins qualifiés, ainsi que les familles et les milliers de Portugais au chômage. Elle a été aussi associée à une dévalorisation de la dignité du travail et des droits des travailleurs."

Le salaire minimum a été augmenté en 2016 puis de nouveau en 2017, en échange de baisses de cotisations pour les employeurs, de 23% à 22%. Ces deux augmentations du SMIC portugais ont passé le salaire minimum de 505€ à 557 €. Puis des mesures économiques à vocation sociale — mais aussi de relance du pouvoir d’achat — ont été prises : augmentation des retraites et des allocations familiales, renforcements du droit du travail, baisses des impôts pour les salariés les plus modestes, arrêt des privatisations de services et d’infrastructures publics, programme de lutte contre la précarité. Il est aussi prévu de supprimer les coupes dans les revenus des fonctionnaires et de ramener leur temps de travail à 35 heures par semaine. Sur le plan purement économique, la stratégie portugaise n’a pas été non plus en accord avec les demandes de la Commission, et se sont pourtant avérées payantes.
Politique anti-austéritaire de relance par la demande


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