Roger Waters dit franchement ce qu’il pense : je hais l’apartheid, pas Israël

6 août | Roger Waters and Gideon Levy pour Haaretz |Traduction J.Ch. pour l’AURDIP Tribunes

Gideon Levy a passé 24 heures avec l’ancien chanteur des Pink Floyd, qui est devenu l’une des figures phares du mouvement BDS. Une conversation autour des positions politiques, d’une tragique histoire familiale – et quand la rock star­virée­militant sera heureuse de jouer à nouveau en Israël.

Les pneus du taxi crissent doucement le long de l’allée gravillonnée qui mène à la maison. Le bâtiment gris, caché à la vue de la rue comme toutes les maisons ici, n’est pas très vaste pour Southampton, ce très riche faubourg de Long Island, New York. Une toute petite plaque de numéro, sur le côté de l’entrée de l’allée, est le seul moyen de savoir que vous avez atteint votre destination. Le chauffeur de taxi qui m’avait pris à la gare routière locale me dit que Paris Hilton a une maison dans le coin. Il ne sait pas qui vit dans la maison grise.

Je sonne à l’entrée à l’heure prévue, et j’entends un chien aboyer. Roger Waters ouvre la porte, pieds nus, en short et polo fané. Ses joues sont couvertes d’une fine barbe blanche, ses yeux bleu-gris semblent un peu fatigués et ses cheveux gris sont ébouriffés. Il traîne un peu le pas en marchant, mais son corps a l’air jeune et son sourire chaleureux. Des heures d’hésitation entre saluer cette idole de ma jeunesse avec une poignée de mains ou avec une étreinte sont balayées instantanément. Il me prend dans ses bras. Nous ne nous sommes jamais rencontrés auparavant.

Je le suis dans la maison à deux étages. Un intérieur américain avec des peintures sur les murs et de grands tapis sur le sol, un piano à queue dans le séjour. Dehors, il y a une piscine chauffée dont l’eau est maintenue étonnamment tiède, même de bonne heure par un matin frisquet. A côté de la piscine, il y a une petite salle de gym. Il y a un bon nombre de chambres, certaines réservées aux visiteurs. Et, bien sûr, un studio d’enregistrement.

Le jardin est parfaitement tenu, et on trouve des vases de fleurs bleues fraîchement coupées partout dans la maison. Toutes les fenêtres ouvrent sur une vue magnifique, une grande pièce d’eau suivie de marais verts et, au-delà, l’océan, dont on peut entendre clairement les vagues. La maison la plus proche est à une bonne distance de là et le court de tennis du voisin suédois les sépare. Dans le trajet de deux heures en bus depuis Manhattan, les gens parlaient du nouveau service d’hélicoptères vers la ville : juste 400$ par trajet, une véritable affaire.

Laurie Durning, quatrième femme de Waters, m’accueille avec une amicale poignée de mains et nous nous asseyons sur la terrasse, leur chien blanc de 11 ans nous rejoignant aussi. Laurie est très au fait de ce qui se passe au Moyen Orient, et elle a accompagné Roger pour son inoubliable concert en Israël durant l’été 2006. Elle dit qu’elle pouvait ressentir l’amour du public, peut-être même mieux que son mari.

Une quantité de pois chiches a poussé depuis dans les champs de Neve Shalom où le concert avait eu lieu devant une foule de 54.000 Israéliens. Waters dit qu’il se souvient de la quantité de friandises que le producteur Shuki Weiss avait pu stocker en coulisses. Je me souviens de cette nuit incroyable, magique, mais c’est difficile de le dire à Waters – il n’aime pas entendre les fans se répandre en flatteries « Comme vous avez changé ma vie, bla,bla, bla. »

Pour lui, les Pink Floyd – le groupe responsable de la mystérieuse bande-son légendaire de notre jeunesse, le plus grand groupe de tous les temps à mon avis – est avant tout un travail qu’il a abandonné 30 ans auparavant. Ses 20 ans avec le groupe, spécialement les dernières années, étaient devenues un cauchemar pour lui, surtout à cause de ses relations haineuses avec le guitariste David Gilmour.

Le chef d’oeuvre « Shine on You Crazy Diamond » (Brille sur toi Diamant fou), sur le premier chanteur vedette Syd Barrett, est une histoire navrante de maladie mentale et des drogues qui l’ont précipitée. Waters dit que si Barrett n’était pas tombé malade et n’avait pas cessé d’écrire, il n’aurait peut-être jamais commencé lui même à écrire des chansons. La retraite prématurée de Barrett poussa Roger à écrire ce qui est devenu l’essentiel de l’oeuvre des Pink Floyd.

Un Anglais à New York.....


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