Palestine : les conversations de Noam Chomsky et d’Ilan Pappé rapportées par Frank Barat

mardi 12 avril 2016 par Franck Barat

Dans "Palestine", Noam Chomsky et Ilan Pappé, deux ardents défenseurs de la cause palestinienne, mènent une longue conversation dirigée par Frank Barat, militant des droits de la personne. Nous avons rencontré ce dernier afin de renouveler nos clefs de compréhension sur la question palestinienne. Selon eux, il s’agirait depuis le début d’un cas évident de colonialisme et de dépossession. Entretien coup de poing.


De gauche à droite : Frank Barat, Ilan Pappé et Noam Chomsky

Comment est né le livre-conversation entre Noam Chomsky et Ilan Pappé que vous dirigez ?

« Palestine » est la suite de notre collaboration sur « Palestine, l’état de siège » née d’un premier entretien que nous avions fait en 2007, « Le champ du possible ». J’avais, à l’époque, sans grand espoir à vrai dire, contacté Noam Chomsky, pour lui demander s’il serait d’accord de participer à un entretien croisé avec l’historien Ilan Pappé. A ma grande surprise, Noam a répondu positivement très rapidement. Les premiers entretiens, y compris ceux pour « Palestine, l’état de siège » furent par email, mais pour « Palestine », je tenais vraiment à ce que cela soit interactif. Nous sommes donc partis à Boston avec Ilan Pappé pour y rencontrer le Professeur Chomsky et avons passé deux jours ensemble. Cela rend le livre meilleur à mon avis, plus intéressant. Cela nous a permis d’aller au fond des choses, de les decortiquer. Je suis vraiment satisfait de la qualité et pertinence des échanges dans « Palestine », les deux auteurs s’étant vraiment ouverts, sans tabou.

La situation en Palestine est analysée sous le prisme du colonialisme et de la dépossession semblable à l’apartheid sud-africain. Pourquoi est-ce selon vous pertinent ?

C’est pertinent car c’est la réalité du terrain. C’est aussi un fait historique qui a trop longtemps été mis de coté. La question palestinienne est une question coloniale. Ce n’est pas une question de religion ou de deux peuples se battant pour la même terre. Les palestiniens et les juifs vivaient relativement paisiblement avant l’avènement du mouvement politique sioniste et l’immigration massive des juifs vers la Palestine. Et cela date de bien avant la deuxième guerre mondiale et le génocide juif, qui n’a fait qu’accélérer un processus déjà en marche depuis la fin du XIX siècle. Ce colonialisme de peuplement, qui s’est passé grâce au nettoyage ethnique de 1947/1948, a commencé avant la guerre de 48, (guerre qui a servi d’excuse à Israël pour le justifier, mais cela ne tient donc pas la route, puisque dès décembre 47, les Palestiniens furent expulsés par des groupes tel que le Irgun, la Haganah et le Stern Gang), s’est ensuite transformé en occupation militaire, et maintenant, après plus de 60 ans, en régime d’apartheid. Il est donc important de le dire, et d’en parler. La création de l’état d’Israël ne tient en aucun cas d’un miracle. C’est une opération politique, militaire et de nettoyage ethnique qui a permis à Israël de « naître ».

Le conflit israélo-palestinien est le théâtre d’une véritable « guerre des mots » où deux récits très structurés s’affrontent. Quel impact cela a-t-il sur le traitement de la question palestinienne ?


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