Le mouvement BDS rebat les cartes du débat israélo-palestinien

De Nathan Thrall, directeur du projet sur le conflit arabo-israélien à International Crisis Group. Il est l’auteur de « Le seul langage qu’ils comprennent » publié en anglais (« The Only Language They Understand ».

Le 28 Novembre 2018

Le 19 novembre Airbnb Inc. a retiré de ses offres de location les logements situés dans les colonies de Cisjordanie « qui sont au cœur du conflit entre Israéliens et Palestiniens ». En réaction, le ministre israélien du tourisme Yariv Levin a demandé à son administration de réduire l’activité de Airbnb Inc. en Israël même. Cette décision, parmi d’autres, confirme l’importance prise par la campagne Boycott-désinvestissement-sanctions (BDS).

La campagne Boycott-désinvestissement-sanctions (BDS) est en train de rebattre les cartes du conflit israélo-palestinien. Depuis sa création il y a treize ans, elle s’est attiré des ennemis dans tous les camps. Elle a contrarié les efforts des États arabes qui cherchaient à renoncer à leur propre boycott vieux de plusieurs décennies en faveur d’une coopération avec Israël. Elle a discrédité le gouvernement de l’Autorité palestinienne (AP) à Ramallah en dénonçant sa collaboration sécuritaire et économique avec l’armée israélienne et l’administration militaire. Elle a indisposé l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) en empiétant sur son rôle de défenseur internationalement reconnu et de représentant des Palestiniens de l’étranger.

Empêcheurs de tourner en rond

BDS a excédé le gouvernement israélien par ses tentatives d’en faire un pestiféré auprès des libéraux et des progressistes, exaspérant ce qui restait du « camp de la paix » israélien en incitant les Palestiniens à passer d’une lutte contre l’occupation à un combat contre l’apartheid. Il a engendré dans les rangs du gouvernement israélien une telle contre-offensive antidémocratique qu’elle suscite parmi les libéraux israéliens les plus vives inquiétudes pour l’avenir de leur pays. Enfin, le mouvement représente un casse-tête pour les donateurs européens qui sont l’objet de pressions de la part d’Israël pour qu’ils ne travaillent pas avec les organisations pro-BDS dans les territoires palestiniens — requête impossible dans la mesure où la quasi-totalité des grands groupes de la société civile à Gaza et en Cisjordanie est favorable au mouvement.

À une époque de responsabilité sociale des entreprises, BDS a fait de la contre-publicité aux grands groupes économiques liés à l’occupation israélienne (Re/Max, Hewlett Packard) et a poussé d’autres entreprises importantes à quitter la Cisjordanie. BDS a perturbé des festivals de cinéma, des concerts et des expositions à travers le monde. Il a irrité des organisations universitaires et sportives en les politisant, exigeant d’elles qu’elles prennent position sur un conflit qui est source d’intenses divisions. Il a suscité la colère...