La tendresse des peuples et l’acharnement des puissants dans la vallée de la Roya

Mercredi dernier, vallée de la Roya, à l’aube.

Il est 6 heures, 7 brigades de gendarmes sont mobilisées par routes et chemins de ces si belles montagnes pour aller cueillir simultanément 7 personnes.
Celles-ci et leur familles sont réveillées brutalement et embarquées manu militari parfois sous les yeux effrayés de leurs très jeunes enfants.
S’agit-il d’un coup de filet minutieusement préparé et coordonné contre une bande de malfaiteurs, de trafiquants, de terroristes ?

Pas du tout ! Ces personnes sont agriculteur, professeur, fonctionnaire, retraité, des gens appréciés dans leurs villages comme des personnes paisibles et pacifistes, qui participent à la vie citoyenne, artistique et économique.
Ils animent avec bien d’autres la défense du train, de la poste, des écoles et ouvrent leur porte « naturellement », comme ils disent, aux personnes migrantes qui passent par la vallée. Ils soignent leurs bobos, les nourrissent le temps qu’il faut pour se retaper et reprendre leur parcours souvent cauchemardesque. Ils prodiguent ce réconfort comme des centaines de milliers de gens le font en France et dans le monde.
« La solidarité c’est la tendresse des peuples » disait le philosophe Thomas Borges.

Plus de 30 heures de garde à vue et plus de 10 heures d’interrogatoire serré pour chacun.e des 7 de la Roya. L’enquête a été ouverte sur Nice pour aide à l’entrée irrégulière, en bande organisée, selon la presse local. Ils seraient soupçonnés, paraît-il ,d’avoir aider une famille irakienne, oui UNE famille irakienne ! La ministre des affaires européennes a assuré que la France accueillait bien et régulariserait la situation de centaines de milliers de britanniques fuyant le Brexit, qu’ils étaient une richesse et que le gouvernement ferait en sorte de ne punir personne.
Bravo et Welcome !
Mais accueillir une famille Irakienne fuyant la guerre et le terrorisme : quelle horreur !

Au terme de ces interrogatoires, toutes les personnes sont ressorties libres et sans poursuite. Un flop retentissant !

Alors, pourquoi un tel acharnement ?

Alors que le Conseil constitutionnel a validé le principe de fraternité, pourquoi s’acharne-t-on aujourd’hui contre Charlie, Catherine, Suzel, Alain, Jean-Claude, Julien et René comme on s’est acharné contre les sauveteurs de SOS Méditerranéenne, Cédric Herrou ou ceux de Briançon ?
Des vents mauvais soufflent en Europe. Il y a ceux qui les attisent mais il y a aussi ceux qui avec un discours hypocrite se posent en rempart humaniste contre l’extrême droite tout en lui donnant des gages en actes et en durcissant la loi.

Que cherche-t-on ? Qui cherche à instiller la peur d’aider, la crainte d’exprimer sa solidarité ? Qui cherche à assimiler la fraternité à une prise de risques ?

Doit-on cesser d’apprendre à nos enfants, dans les écoles et lycées, l’entraide, les gestes du secourisme, la bienveillance et la tolérance ?
Veut-on inculquer que la clef de la réussite c’est la loi du plus fort, du plus riche, du plus puissant et que la seule règle de conduite qui vaille c’est écraser l’autre ?

Au travers des gardes à vue de ces personnes qui consacrent beaucoup à la solidarité avec les plus faibles, il y a non seulement une question de Droit de l’Homme qui est posée mais aussi une question d’éthique.
Personne ne devrait oublier et surtout pas un juge, que l’humanité ne s’est jamais construite autrement que par les passages et les migrations et que nous sommes toutes et tous des descendant.e.s de migrants.
Les 7 de la Roya, à leur sortie de garde à vue, choqué.e.s mais serein.e.s, ont dit que l’Histoire leur donnerait raison.
C’est vrai, comme elle a donné raison aux justes de la 2nd guerre mondiale, à Rosa Parks, à Nelson Mandela…

Mais le plus vite sera le mieux car notre société et le monde sont minés par les intolérances, les peurs et les haines.
Il est urgent de valoriser la bienveillance et l’hospitalité !

Jacques Perreux
Président de Les Ami.e.s de la Roya