Commentaires d’EUCD.INFO sur les projets d’amendements gouvernementaux au projet de loi DADVSI en date du 7 février

samedi 11 février 2006, par Webmestre

Commentaires d’EUCD.INFO sur les projets d’amendements gouvernementaux au projet de loi DADVSI en date du 7 février

L’initiative EUCD.INFO a pris connaissance des amendements de travail du ministère de la Culture. [1]

Apparemment, le ministère n’a toujours pas compris la problématique que poserait la mise en place d’une protection par le secret sur "les mesures techniques réputées efficaces", en terme d’atteinte à la liberté d’expression, au droit à la copie privée, au droit au respect de la vie privée, à la sécurité informatique, à la libre concurrence, au logiciel libre et à la souveraineté de l’État. [2]

Le ministère semble aussi persister à vouloir créer une juridiction d’exception (le « collège des médiateurs »). Rendre impossible l’exercice du droit d’accès à un juge indépendant et impartial par tout un chacun semble être l’obsession des lobbyistes et des fonctionnaires qui entourent le ministre de la Culture.

De plus, on assisterait - ce qui serait peu surprenant vu la pression apparemment exercée par Vivendi Universal jusqu’au plus haut-sommet de l’État [3] - au retour de l’amendement « VU » qui a « mis le feu au Net » en décembre dernier. [4]

Cet amendement rend pénalement répréhensible (jusqu’à 3 ans/300 000 euros d’amende) le fait de concevoir et distribuer des logiciels « manifestement destinés » à la mise à disposition d’oeuvres sans autorisation. Il vise soit tous les logiciels permettant d’échanger des données numériques, soit tous les logiciels permettant d’échanger des données numériques et n’intègrant pas des DRM, soit aucun logiciel. Dans les deux premiers cas il porte clairement atteinte au principe de neutralité de la technique, à la liberté de communication et est inapplicable. Dans le dernier cas, il est tout simplement inutile.

Le ministre Donnedieu De Vabres n’aura tiré aucun enseignement des débats du 20/21/22 décembre dernier s’il revient avec de telles propositions. [5] D’autant plus qu’il surenchérirait. Sous couvert de baisse de peines, il aggraverait la répression.

L’un des amendements inclut explicitement le simple téléchargement dans le dispositif de riposte graduée alors que le téléchargement simple est actuellement parfaitement légal. [6] Cela signifie que le nouveau projet de loi transformerait quelques millions d’e-lecteurs de plus que le précédent en délinquants sans pour autant apporter une solution à la rémunération des artistes et au financement de la diversité culturelle. Bien au contraire. La prohibition du téléchargement couperait en effet définitivement les artistes d’une source de revenus et signerait la mort de nombreux festivals et évènements culturels.

Si le téléchargement devient illégal, la redevance copie privée s’écroulera mécaniquement mais encore plus rapidement que si les DRM sont déployés, puisque les CD vierges et les baladeurs MP3 sont massivement utilisés pour stocker et écouter de la musique téléchargée sur Internet. Ni les artistes, ni les communes et régions ne pourront toucher l’argent de la redevance copie privée. Si toucher de l’argent d’une copie privée, cela s’appelle une redevance, toucher de l’argent d’un acte illégal, cela s’appellerait du recel.

Enfin, l’initiative EUCD.INFO relève une nouvelle fois que les amendements ayant fuités ne permettent pas de savoir qui détectera et comment seront détectés les téléchargements devenus subitement illégaux. Il est vrai qu’il faut pour cela intercepter des communications privées, et donc l’intervention d’un juge. Il faudrait aussi interdire le Wifi et la cryptologie. Mais peut-être aura-t-on droit de nouveau à un amendement de dernière minute de 7 pages privatisant des missions régaliennes de l’État ? [7]

Tout comme la légalisation du contrôle de copie et les DRM obligatoires, la riposte graduée contre les téléchargeurs, c’est donc Maginot ou Orwell, au service des rapetous, et pas de la préservation de l’équilibre du droit d’auteur et de la rémunération des artistes.

L’initiative EUCD.INFO demande dès lors au Premier Ministre de reprendre rapidement la main sur ce projet de loi. Il est de sa responsabilité de chef du gouvernement que le Ministre de la Culture ne revienne pas avec un tel texte dans « l’amphithéâtre de la démocratie ». [8]

I - Références

[1] Amendements de travail du ministère

http://www.odebi.org/new/theme/accu...

[2] Dossier eucd.info sur le projet de loi DADVSI

http://eucd.info/153.shtml

[3] Amendement VU : le retour de l’amendement qui a mis le feu au Net

http://chungos.free.fr/article.php3...

[4] Pressions sur le gouvernement pour faire interdire le logiciel libre

http://www.fsffrance.org/news/artic...

[5] Téléchargement d’erreurs pour le ministre

http://www.liberation.fr/page.php?A...

[6] Quelques jurisprudences assimilant le téléchargement à de la copie privée

http://eucd.info/index.php?Citations

[7] Chronologie du dossier e-milices

http://eucd.info/index.php?2005/10/...

[8] « Dans l’amphithéâtre de la démocratie », Villepin lâche son 49-3...

http://www.liberation.fr/page.php?A...

II- À propos d’EUCD.INFO

EUCD.info (http://eucd.info) est une initiative créée par la FSF France (chapitre français de la Free Software Foundation) dont la mission est d’informer sur les conséquences sociales et économiques de la directive européenne du 22 mai 2001 relative au droit d’auteur et aux droits voisins dans la société de l’information(surnommée EUCD), et de contribuer à l’évolution de l’acquis communautaire relatif au droit d’auteur.

http://www.eucd.info/index.php

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