Les nouveaux maîtres du monde

jeudi 16 mars 2000, par Webmestre

Les nouveaux maîtres du monde

Cent groupes multinationaux, emmenés par les américains General Electric, Ford, Shell ... sont en train de devenir les nouveaux maîtres du monde : "Naviguant d’un territoire à l’autre, ils imposent leurs vues et redessinent le globe". Selon le rapport 1998 sur les investissements mondiaux, publié le 27/09/1999, par la Conférence des Nations-Unies sur le commerce et le développement (Cnuced), ce sont les "moteurs du système de production mondial intégré".

Pour la Cnuced, ces grands groupes (issus pour la plupart des Etats-Unis et de l’Europe) détiennent, ensemble, 1 800 milliards de dollars (1 730 milliards d’euros) d’actifs à l’étranger, emploient plus de six millions de personnes dans le monde, et réalisent un chiffre d’affaires de 2 100 milliards de dollars. Soit une fois et demi le produit intérieur brut (PIB) de la France, plus de six fois celui du Mexique. Engagés dans un mouvement de mondialisation sans frein, ils imposent un rythme de plus en plus rapide à l’économie mondiale.

En plus de ces grands groupes, la Cnuced a identifié 60 000 sociétés transnationales, s’appuyant sur plus de 500 000 filiales étrangères. « Elles représentent 25% de la production mondiale. A elles seules, en 1998, les filiales étrangères ont réalisé un chiffre d’affaires total de 11 000 milliards de dollars (10 600 milliards d’euros), à comparer aux 7 000 milliards de dollars d’exportations mondiales », indique le rapport.

En 1998, les investissements directs à l’étranger, outils de la mondialisation de la production, ont atteint 644 milliards de dollars, en hausse de 39% par rapport à l’année précédente. Crise en Asie, récession au Japon, effondrement de la Russie, rien n’a arrêté les grands groupes dans leur quête effrénée d’internationalisation. Ils se sont juste adaptés aux circonstances : alors que les pays en développement recueillaient, en 1997, 37% des investissements internationaux, ils n’en ont obtenu l’an dernier que 25%. L’essentiel des flux de capitaux étrangers ont été échangés entre l’Europe et les Etats-Unis. Près de deux tiers des capitaux investis aux Etats-Unis l’an dernier provenaient d’Europe, tandis que 55% des investissements américains ont été dirigés vers l’Union européenne.

(d’après Le Monde du 28/09/1999)

MARIAGES DE GÉANTS

C’est l’impressionnant mouvement de fusions-acquisitions transfrontalières, qui est à l’origine de cette hausse spectaculaire : le total des rachats mondiaux a atteint 411 milliards de dollars en 1998, en augmentation de 74% par rapport à 1997, année qui avait déjà enregistré une progression de 45%. La Cnuced souligne que les transactions du premier semestre de 1999 équivalent déjà au total des fusions de 1998.

Privatisation du secteur public, libéralisation des marchés autrefois protégés, renforcement de la concurrence expliquent cette vaste réorganisation de la production. Des rapprochements, comme ceux entre DaimlerBenz et Chrysler ou BP et Amoco, créent des géants jamais vus jusqu’alors. La Cnuced s’interroge sur ces concentrations qui pourraient donner naissance à d’imposants oligopoles. Les études l’ont prouvé jusqu’à maintenant : « Les outils traditionnels utilisés pour analyser l’émergence de structures oligopolistiques ne prennent pas en compte les alliances et les partenariats. (...) Un regard plus attentif dans le secteur de l’automobile ou des industries de l’information illustreraient ce point », indique le rapport. Les grands groupes se développent dans les pays occidentaux, mais délaissent les pays en développement.

Entre les pays riches et pauvres, le fossé ne cesse de se creuser. Certaines régions paraissent même totalement exclues, comme le continent africain qui n’a capté l’an dernier qu’à peine 1,3% des investissements mondiaux. L’Asie, auparavant destination privilégiée des grands groupes, a vu, en raison de la crise économique qui a sévi dans la région, les investissements diminuer de 11%. Seule la Chine a maintenu un flux constant de capitaux. Celui-ci s’est élevé à 45 milliards de dollars l’an dernier, soit la moitié des investissements dans la région.

En Europe centrale, la réduction des capitaux étrangers s’est limitée officiellement à 4%. Mais cette faible baisse masque en fait un véritable effondrement. Après la chute du rouble, les firmes internationales ont fui la Russie. Les capitaux étrangers ont représenté à peine 2 milliards de dollars en 1998, en chute de 60% par rapport à l’année précédente.

Seules, l’Amérique centrale et l’Amérique du Sud ont échappé à ce rationnement financier. En dépit de la crise monétaire au Brésil, du ralentissement dans la région, les investissements internationaux ont progressé de 5%.

La volonté d’intégrer le sous-continent à l’économie américaine a joué d’un grand poids dans ce maintien des flux. La grande majorité des capitaux investis proviennent de firmes américaines.

CITOYENNETÉ GLOBALE

Pour la Cnuced, les politiques de « laissez-faire » mises en oeuvre dans un certain nombre de pays pour attirer les grands groupes paraissent avoir été plus destructrices que profitables. De même, les stratégies fondées sur un bas coût de main-d’oeuvre trouvent rapidement leurs limites : si « Le travail bon marché reste une source d’avantages compétitifs dans les pays ... il ne fournit pas un soutien pour une croissance durable », écrit la Cnuced, qui souligne désormais l’importance prise par la formation, la qualité de la main d’oeuvre, des services et des infrastructures, les réseaux de fournisseurs et de distribution.

« Dans un contexte de libéralisation et de mondialisation, il reste très peu de marge de manoeuvre aux pays pour influencer la conduite des groupes étrangers et nationaux », reconnaît Rubens Ricupero, secrétaire général de la Cnuced.

Libérées de toute entrave administrative, se sachant incontournables, les firmes transnationales ne sont plus soumises qu’à leur bon vouloir pour prendre en compte les intérêts des pays où elles sont implantées.

"transnationalité" des groupes mondiaux

La Cnuced définit un index de " transnationalité " des groupes mondiaux, en pourcentage, à partir de la valeur des actifs détenus par ces groupes à l’étranger, de leur chiffre d’affaires hors de leurs frontières et du nombre de leurs salariés à ’étranger. Ce classement diffère de celui des grands groupes mondiaux, établi uniquement à partir de leur chiffre d’affaires total.

Dans le monde En France
1. Seagram (Canada), boissons : 97,6%. 1. Air liquide : 78 1 %, au 15e rang mondial
2. ABB (Suède-Suisse), équipements électriques : 95,7%. 2. Total : 73,2 %, 20e mondial.
3. Thomson Corp. (Canada), édition, imprimerie : 95,1 %. 3. Lafarge : 71,3 %, 23e mondial.
4. Nestlé (Suisse), agroalimentaire : 93,2 %. 4. Rhône-Poulenc : 65,7 %, 30e mondial.
5. Unilever (Pays-Bas, Grande-Bretagne), agroalimentaire et produits d’hygiène : 92,4 %. 5. Alcatel : 64,8 %, 31e mondial.
6. Solvay (Belgique), chimie : 92,3 %. 6. LVMH : 62,1 %, 35e mondial.
7. Electrolux (Suède), électroménager : 89,4 %. 7. Michelin : 59 %, 43e mondial.
8. Philips (Pays-Bas), électronique : 86,4 %. 8. Saint-Gobain : 58,7 %, 45e mondial.
9. Bayer (Allemagne), chimie-pharmacie : 82,7 %. 9. Danone : 58 %, 47e mondial.
10. Roche (Suisse), pharmacie : 82,2 %. 10. Elf : 57,6 %, 48e mondial.

UNE SEULE BANQUE ! UN SEUL SUPERMARCHE ! UN SEUL CHEF !

(Charlie Hebdo du 29/09/99) « On nous a longtemps fait croire que le capitalisme, c’était la liberté pour le consommateur de choisir au meilleur prix le meilleur produit. C’est faux. Le capitalisme, c’est imposer au consommateur un produit unique, facile et peu cher à fabriquer, vendu avec un profit maximal. La "libre concurrence", c’est à terme la fin de la concurrence, parce que c’est la victoire totale du plus fort. Et, maître du marché, le plus fort imposera son prix, son produit. On s’est foutu de la gueule de ces pauvres cons de Soviétiques qui n’avaient qu’un modèle de voiture, qu’un modèle de saucisson, qu’un modèle de papier cul.
Aujourd’hui, que nous promettent le capitalisme, les fusions d’entreprises, la mondialisation ? Une banque unique, un supermarché unique, une bouffe unique... Le capitalisme n’est que le plus efficace des régimes totalitaires. » (CHARB)
C’EST LA MONDIALISATION FINALE !

« Au-delà du culte de la personnalité, la mondialisation a inventé le culte de l’uniformité et l’adoration de la merde unique. Il est interdit de ne pas bouffer du Bill Gates. » (ONCLE BERNARD)

La France s’enrichit, les inégalités augmentent

(d’après Le Monde du 6 octobre 1999)

L’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) a publié le 06/10/1999, une radiographie détaillée des revenus et des patrimoines des Français. Ce document montre clairement que, « quels que soient les effets redistributifs des mesures envisagées par le gouvernement, les inégalités de patrimoine continuent, envers et contre tout, à augmenter, tandis que les inégalités de revenus ont cessé de diminuer ».

Les inégalités de patrimoine

A la fin de 1997, le patrimoine brut des ménages (c’est-à-dire hors endettement) était, en moyenne, de 801000 francs par ménage, mais de seulement 5 000 francs pour les 10 % de ménages les plus pauvres (le premier " décile ") et de 1 955 000 francs en moyenne pour les 20 % les plus riches (les neuvième et dixième " déciles ").

Les disparités sont donc très fortes et ne cessent de se creuser. Certes,l’évolution des revenus du patrimoine ne le laisse pas apparaître car, compte tenu, notamment, de la baisse des taux d’intérêt, ces revenus courants ont baissé : ils s’élevaient à 20 600 francs en moyenne, par ménage, en 1997, contre 22 000 francs en 1991 (en francs constants). Mais cette statistique est trompeuse, car elle ne prend pas en compte d’autres paramètres et, en particulier, les fantastiques plus-values engendrées durant la même période par l’envolée de la Bourse.

Pour expliquer ces évolutions, l’INSEE présente la " performance réelle " du patrimoine de rapport, c’est-à-dire son rendement avant impôts, prenant en compte les revenus qu’il procure, les plus-values ou moins-values éventuelles et l’inflation. Cet indicateur fait apparaître que la performance du patrimoine augmente. L’Insee relève ainsi que, de fin 1995 à fin 1998, cette performance a été de " plus de 10 % en moyenne " par an, contre seulement 4 % de fin 1990 à fin 1995. La hausse des actions françaises explique, pour l’essentiel, cette amélioration spectaculaire des rendements du patrimoine (voir le graphique).

L’année 1998 a été particulièrement faste pour les détenteurs de patrimoine et donc, au premier chef, pour les ménages les plus fortunés. La performance a, en effet, été, cette année-là, de 13%. L’Insee précise que « tous les types de placement ont permis de "gagner de l’argent" », ce qui n’était « pas arrivé depuis 1989 ». Au cours de cette même année 1998, la performance, pour les actions françaises, a approché 30% ; pour les obligations, elle a été de 10% ; pour les terres et les logements, elle s’est située entre 6% et 7%.

Si les mesures fiscales (CSG, nouveaux prélèvements sociaux, réforme de la taxation des plus-values mobilières...) atténuent les rendements du patrimoine, ceux-ci sont tellement spectaculaires que les inégalités de patrimoine ne cessent d’augmenter.

Les inégalités de revenus

L’évolution des revenus des ménages est plus faible que celle des revenus du patrimoine. De 1970 à 1996, le revenu disponible des ménages (avant impôts) n’a enregistré une progression moyenne que de 1,4% l’an. De 1970 à 1975, pour le premier " décile " des salariés (les plus défavorisés), les revenus fiscaux ont augmenté plus vite (5,1% l’an) que pour le neuvième " décile " (4,1%). Mais, entre 1990 et 1996, les inégalités ont recommencé à se creuser : pour les deux mêmes " déciles ", on constate dans le premier cas une baisse de 2,7% l’an et dans le second une hausse de 0,9% par unité de consommation (c’est-à-dire par foyer fiscal).

Les effets redistributifs du système des prélèvements et des prestations sont moindres aujourd’hui. Comme le remarque l’INSEE : pour les salariés, « l’éventail des revenus disponibles s’est resserré jusqu’en 1990 », même si c’est à « un rythme plus rapide dans les années 70 que dans les années 80 ». Entre 1970 et 1990, le rapport entre le premier et le dernier " décile " est ainsi passé de 3,6 à 3. Ensuite, pour la période 1990-1996, les inégalités ont de nouveau augmenté, même si ce n’est que « de façon peu significative ». En tout cas, précise l l’INSEE, cette période marque la « fin progressive du mouvement de baisse des inégalités de revenus ».

Pour l’INSEE, ce sont les réformes de l’impôt sur le revenu qui ont pesé sur ces évolutions : jusqu’en 1884, "l’impôt a au total contribué de façon accrue à la réduction des inégalités", mais, depuis, "un mouvement inverse s’est produit, la progressivité de l’impôt augmentant légèrement, mais sa part dans le revenu disponible diminuant : sur cette période, l’impôt contribue au total de moins en moins à réduire l’inégalité".

Le nouveau rapport du PNUD

Le nouveau rapport du PNUD (Programme des Nations Unies pour le Développement) sur le développement humain a été rendu public le 12/07/99. Entre 1975 et 1988 le développement humain s’est accompagné « d’une forte augmentation des inégalités entre pays d’une part, à l’intérieur de chaque pays d’autre part [...] Les nouvelles technologies de la communication contribuent à accroître les écarts entre riches et pauvres. Le patrimoine des trois hommes les plus fortunés du monde dépasse le produit national brut cumulé des trente-cinq pays les moins avancés de la planéte (600 millions d’habitants) » écrit Le Monde du 13/07/99, qui ajoute : « Dans la course pour s’approprier le savoir, l’écart se creuse entre les nantis et les démunis, entre les détenteurs du savoir et ceux qui n’y ont pas accès... L’accès à Internet engendre de nouvelles divisions entre le Nord et le Sud, entre les instruits et les analphabètes, entre les hommes et les femmes ». A propos des biotechnologies, le PNUD écrit : « les cosmétiques et les tomates à mûrissement lent figurent plus haut dans la liste des priorités qu’un vaccin contre le paludisme ou que des cultures résistantes à la sécheresse destinées aux terres peu productives. »

Quelques chiffres :

% de la population mondiale

Partage du PNB mondial

Partage des exportations de biens et de services

Partage des investissements directs à l’étranger

Partage des utilisateurs Internet

20% des plus riches

86%

82%

68%

93,3%

60% des moyens

13%

17%

31%

6,5%

20% des plus pauvres

1%

1%

1%

0,2%

Le rapport conclut que le mouvement de mondialisation depuis une décennie ou deux ne fait que commencer. Il ajoute que l’intégration globale du monde aurait besoin d’une plus grande régulation si nous voulons préserver les avantages de la compétition du marché global et changer les forces de la mondialisation pour préserver le progrès humain. Le PNUD propose une "taxe sur les bits" assise sur les données envoyées via Internet - l’équivalent d’une "taxe Tobin" sur les échanges financiers. « Quelle que soit l’idée retenue, il est urgent en effet de mettre l’innovation au service du développement » conclut Le Monde.

Et pendant ce temps, Sir Leon Brittan, l’ex-commissaire européen chargé de la concurrence, insiste tout seul dans son coin, à la London School of Economics, le 1 juillet 1999 : « Le système d’échange multilatéral a, depuis ses débuts, contribué essentiellement à stabiliser et à pérenniser la croissance économique. Huit Round de libéralisation des échanges, appuyés par des règles de transparence, ont aidé à promouvoir la prospérité globale, le développement et l’ augmentation du niveau de vie. [...] Le système multilatéral a aussi permis à de nombreux pays en développement d’intégrer avec succès l’ économie internationale ». Décidément, la foi aveugle !!!

Répartition ? Confiscation !

Dans le rapport du PNUD publié en 1998, on trouvait, notamment, les informations suivantes :

* En 1960 les 20% de la population mondiale des pays les plus riches disposaient d’un revenu 30 fois supérieur à celui des 20% les plus pauvres. En 1995, ce revenu était plus de 80 fois supérieur : les 20% les plus riches se partagent 82,7% du revenu mondial, tandis que les 20% les plus pauvres se partagent 1,4% du revenu mondial !
* La fortune des 3 personnes les plus riches du monde dépasse le PIB cumulé des 48 pays les plus pauvres.
* Plus de 3 milliards de personnes vivent avec moins de 2 dollars par jour.
* 4% de la richesse cumulée des 225 plus grosses fortunes suffiraient pour donner à toute la population des pays en développement de quoi satisfaire les besoins essentiels : nourriture, eau potable, infrastructures sanitaires, éducation, santé...
* 2 milliards de personnes dans le monde souffrent d’anémie, dont 0,4% dans les pays industrialisés.
* Le nombre de personnes sous-alimentées a plus que doublé en 20 ans, passant de 103 millions en 1970 à 215 millions en 1990.

La brutalité de ces chiffres montre clairement que, loin d’une « promotion de la prospérité globale et du développement », on assiste aujourd’hui à une confiscation permanente des richesses par une minorité d’investisseurs démesurément fortunés, tandis que le nombre de précaires et d’exclus, tant au Nord qu’au Sud, va grandissant. Voilà le résultat tangible de la nouvelle utopie à la mode, « celle d’un marché chimiquement pur, débarrassé de toute contrainte extra-économique » !

Stock-options

"PAUVRES" PATRONS

FORME de rémunération permettant aux cadres de haut niveau et aux dirigeants d’entreprise de faire de magnifiques plus-values en bénéficiant d’une fiscalité allégée, les stock-options connaissent, en France, un exceptionnel succès. C’est du moins ce que suggère l’enquête annuelle de L’Expansion (daté 9-22 septembre). Selon le classement établi par le magazine, qui a dépouillé les rapports annuels des plus grands groupes français et, notamment, ceux cotés au CAC 40, les plus-values potentielles des stock-options attribuées au haut encadrement des quarante plus grandes sociétés françaises, soit environ 28 000 personnes, atteignent maintenant 45,4 milliards de francs (6,9 milliards d’euros), si l’on prend pour référence les cours des actions au 30 juin de cette année. Le premier décompte établi par L’Expansion, huit mois auparavant, parvenait à un bilan nettement plus modeste, avec une plus-value de "seulement" 27 milliards de francs. D’une étude à l’autre, la plus-value potentielle a donc grimpé de 68,1%, alors que le CAC 40 ne progressait dans le même temps "que " de 23,1%.

La plus-value potentielle la plus spectaculaire est celle des stock-options distribuées par Cap Gemini : elle atteint 5,3 milliards de francs pour un total de 550 bénéficiaires. Dans l’ordre du classement, viennent ensuite Paribas (3,7 milliards de francs pour 975 bénéficiaires), Axa (3,7 milliards de francs pour 764 bénéficiaires), Vivendi (2,9 milliards de francs pour 647 bénéficiaires), L’Oréal (2,7 milliards de francs pour 110 bénéficiaires) et LVMH (2,3 milliards de francs pour 1 211 bénéficiaires).

Sous le titre : « Comment les patrons font fortune », L’Expansion dévoile également les gains possibles que pourraient faire les équipes de directions de ces mêmes entreprises, si elles réalisaient leurs options. La plus-value potentielle atteint un sommet chez L’Oréal : 83,3 millions de francs par personne en moyenne pour les 9 dirigeants concernés. Suivent, après, Cap Gémini (71,1 millions de francs en moyenne pour chacun des 5 dirigeants), Axa (67,2 millions de francs pour chacun des 18 dirigeants), Paribas (59,6 millions de francs pour chacun des 7 dirigeants), Casino (43,4 millions de francs pour chacun des 3 dirigeants) et Vivendi (42,4 millions de francs pour chacun des 25 dirigeants).
(d’après Le Monde du 8 septembre 1999)

Le libéralisme récompense les talents : JAFFRE (ELF) prend 250 millions de francs.

Bébéar (AXA) gagne 25 millions par an, hors stock-options. Messier (Vivendi) gagne 15 millions par an (hors stock-options, ça va de soi). Il a travaillé chez Lazard, banquier d’affaires, puis chez Balladur, Premier ministre : démanteler le service public pour ses copains, c’est de "l’efficacité", c’est pour que "la concurrence profite aux consommateurs".

Alors que la part des salaires est descendue à moins de 60% dans le PIB contre 72% il y a 20 ans, les entreprises affichent souvent du 15, 20%, voire même 30%, de rentabilité nette !

L’ancien commissaire européen à la concurrence, Leon BRITTAN, l’homme qui a le plus dérégulé dans son existence, qui a transformé l’Europe en supermarché, est devenu l’un des co-dirigeants de la banque d’affaires Warburg Dillon Read à Londres.

Son ancien collègue, Martin BANGEMAN, ex-commissaire européen aux Affaires industrielles et aux Télécoms (il a dérégulé et lancé la privatisation de ce secteur) vient de signer à Telefonica SA Espagne. Même pas la décence de se faire embaucher dans un autre secteur : direct dans le marché qu’il était en train de constituer !!!

Le remplaçant de L. Brittan à la commission européenne, Pascal LAMY, ancien directeur de cabinet de Jacques DELORS, vient du Crédit lyonnais. Un banquier donc : quelle banque aura P. Lamy en quittant le "service public" ?

Son ancien patron, Jacques DELORS, vient de signer comme consultant à l’OCDE, la Sainte Inquisition de la Concurrence, l’entreprise de décervelage la plus rentable depuis que les services de propagande des partis uniques ont disparu.

La liste des "RECOMPENSES CONCURRENTIELLES" est longue, très, très longue...

(d’après Charlie Hebdo du 6 octobre 1999)

1% DES SALARIÉS

Il est à noter, dans le cas de Paribas, que les sept membres du directoire ont, par ricochet, grandement profité de la bataille boursière de ces derniers mois puisque les cours de Bourse ont fortement augmenté : la plus-value moyenne, qui est évaluée à 59,6 millions de francs par personne au 30 juin, n’était que de 12,2 millions de francs en novembre 1998. Les plus-values potentielles, qui étaient déjà exceptionnellement élevées en 1998, sont donc en forte hausse, mais elles ne concernent toujours qu’un nombre très limité de personnes.

Le magazine relève que les stock-options ne profitent qu’à seulement 1% des 2,76 millions de salariés des sociétés cotées au CAC 40, ce qui le conduit à soulever cette interrogation : « N’est-on pas en présence d’une bulle financière d’un troisième type » ?

Ces chiffres risquent donc de relancer la vieille polémique fiscale autour des stock-options. Officiellement, le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie, Dominique Strauss-Kahn, n’a toujours pas définitivement abandonné son projet visant à alléger les prélèvements sur cette forme de rémunération (déjà dérogatoire à l’impôt sur le revenu), en contrepartie d’une plus grande transparence du système d’attribution.

(d’après Le Monde du 8 septembre 1999)

Le sida, Seattle et l’exception sanitaire, par Paul Benkimoun
(Le Monde, mis à jour le mercredi 1er décembre 1999)

Hasard du calendrier, l’ouverture de la réunion ministérielle de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), le 30 novembre à Seattle (Etats-Unis), précède d’un jour la journée mondiale de lutte contre le sida, qui a lieu comme tous les ans le 1er décembre. Il y a quelques jours, le rapport de l’Onusida (le programme commun des Nations unies sur le VIH/Sida) a rappelé qu’à la fin de 1999 33,6 millions de personnes vivent avec le virus du sida et 30 millions de séropositifs à travers le monde n’ont pas accès aux traitements contre cette maladie. « Une majorité écrasante des personnes infectées par le VIH -environ 95% du total mondial- vivent dans le monde en développement », ajoute ce document, qui précise que « l’Afrique subsaharienne continue de supporter le plus gros du fardeau du VIH et du sida, avec près de 70% du total des personnes infectées par le VIH dans le monde ».

Le problème est triple : coût prohibitif de certains traitements ; fluctuations de l’approvisionnement en médicaments ; et insuffisance de la recherche sur des pathologies qui ne touchent que les pays les moins riches. Le coût des traitements les rend inaccessibles au plus grand nombre, une situation largement évoquée en septembre dernier à Lusaka (Zambie), lors de la Conférence internationale sur le sida en Afrique. En Thaïlande, le coût mensuel d’une trithérapie est de 675 dollars alors qu’un employé du secteur tertiaire gagne le plus souvent 120 dollars par mois. Au Kenya, le coût des deux premières semaines de traitement d’une méningite venant compliquer l’infection par le virus du sida équivaut à 800 dollars ; le salaire mensuel moyen dans le pays représente 130 dollars.

Le sida symbolise spectaculairement le gouffre qui s’est creusé entre pays riches et pays pauvres dans l’accès aux traitements, mais les maladies tropicales sont également délaissées par la recherche pharmaceutique privée. « Parmi les 1 233 nouveaux médicaments enregistrés par les autorités sanitaires occidentales entre 1975 et 1997, 11 seulement concernaient le traitement des maladies tropicales », rappelle Médecins sans frontières (MSF).

Le progrès scientifique ne suffit pas à assurer la relève. « L’intérêt minimum pour la recherche sur la tuberculose n’est pas posé en termes scientifiques, mais en termes financiers », écrit Diana Chang Blanc, experte de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), dans une analyse sur « Les facteurs incitatifs et dissuasifs pour le développement de nouveaux médicaments antituberculeux » (novembre 1998). Selon les calculs des firmes pharmaceutiques, « le rapport coût-bénéfice est trop élevé. »" Certains laboratoires ont bien ponctuellement révisé leurs tarifs à la baisse, des accords ont pu être trouvés pour reprendre la production de certains médicaments (éflornithine pour traiter la maladie du sommeil), et un accord de partenariat international pour la mise au point de traitement contre le paludisme vient d’être conclu, sous l’égide de l’OMS, entre des agences internationales et des firmes privées. De plus, les prix fixés par les laboratoires pharmaceutiques ne sont pas le seul paramètre, et il convient de s’interroger sur les choix d’un certain nombre de pays qui ne consacrent à la santé qu’une part infime de leur budget. De même, on ne saurait, sous le prétexte de l’urgence, négliger l’impératif du développement d’infrastructures sanitaires, dont l’absence fait le lit de maladies, comme la tuberculose ou le trachome.

Mais comment justifier la bataille menée par la Fédération internationale de l’industrie du médicament et par les Etats-Unis, au nom de la défense de la propriété intellectuelle, considérée comme moteur de la recherche médicale, contre des dispositions favorables aux pays pauvres pour l’accès aux traitements : les licences obligatoires et les importations parallèles ? La révision des accords du GATT, qui a abouti à la création de l’OMC, a introduit des accords sur la propriété intellectuelle (ADPIC ou, en anglais, TRIPS) que les pays développés sont censés appliquer depuis 1996, les pays en développement, au cours de l’année 2000, et les pays les moins développés d’ici à 2006. Ces accords, soutenus par un mandat donné à l’OMS en mai, autorisent un Etat confronté à une situation d’urgence sanitaire à faire fabriquer localement des formes génériques de médicaments : c’est ce qu’on appelle une licence obligatoire. Il peut également se fournir non pas auprès de la maison-mère mais dans d’autres pays pratiquant des tarifs plus bas : c’est ce que l’on désigne sous le nom d’importations parallèles. Selon les pays, le prix de la boîte de 40 gélules à 250 mg d’AZT, premier médicament commercialisé contre le sida, varie de 53,50 à 124,95 dollars.

L’Afrique du Sud et la Thaïlande, deux pays largement touchés par le sida, sont soumis à une forte pression pour cesser de recourir à ces méthodes. La Thaïlande était parvenue à fabriquer un antifongique à un prix environ trente fois inférieur à celui du producteur original, avant de devoir y renoncer sous la menace de mesures de rétorsion américaines. L’Afrique du Sud a adopté dans sa législation la possibilité de recours aux licences obligatoires. Au moment où l’accord ADPIC est sur le point d’être révisé, une trentaine d’organisations, dont Médecins sans frontières, Agir ici, Act Up, Médecins du monde, Aides, ReMeD et Ensemble contre le sida, lancent une campagne en France, du 1er décembre 1999 au 31 mars 2000. Elles demandent à l’industrie pharmaceutique d’instaurer « un prix de vente accessible aux populations du Sud » et au premier ministre « d’engager publiquement la France à appuyer la mise en place de financements bilatéraux et multilatéraux permettant aux populations du Sud atteintes du sida d’accéder enfin aux traitements » et « à défendre, lors des négociations au sein de l’OMC, les possibilités prévues par les accords internationaux sur la propriété intellectuelle, que ce soient les importations parallèles ou les licences obligatoires ».

Le contre-sommet de Seattle sera l’occasion pour ces ONG de faire entendre la préoccupation croissante de l’opinion publique. Leur intervention pourrait ne s’appuyer que sur des craintes " égoïstes " devant les risques d’un effet boomerang que fait courir, pour les pays les plus riches, la persistance d’épidémies de maladies mortelles transmissibles dans les pays les plus pauvres. Mais elle se justifie largement par des considérations plus essentielles : le respect de l’être humain.

Discours prononcé par Denis Pingaud, membre de Médecins Sans Frontière, organisation Prix Nobel de la Paix 1999, invité à l’ assemblée générale d’ATTAC à La Ciotat. (MSF n’est pas adhérent à ATTAC) :

Salut de Médecins sans frontières à Attac (samedi 24 octobre 1999)

Chers amis,

Au nom de tous les Médecins sans frontières, je voudrais vous adresserun salut amical et chaleureux. J’espère que vos assises seront l’occasion à la fois d’approfondir et de populariser les idées que vous défendez. Je profiterai de ces quelques minutes d’intervention pour évoquer un sujet qui est aujourd’hui l’une des préoccupations majeures de MSF : la très grande majorité de la population des pays pauvres est aujourd’ hui privée d’un accès aux médicaments essentiels, autrement dit aux médicaments qui sauvent la vie.

Il faut savoir, par exemple, que les maladies transmissibles connues, comme la tuberculose ou le sida, ou moins connues, comme la maladie du sommeil, tuent 17 millions de personnes par an dans le monde, dont la moitié dans les pays pauvres. Or, un très grand nombre de ces vies pourrait être sauvées si les possibilités d’accès aux traitement de ces maladies répondaient à une autre logique que la pure logique commerciale.

Médecins sans frontières a lancé, depuis quelques mois, une campagne internationale pour faciliter l’accès des populations défavorisées aux médicaments essentiels. Et nous entendons bien profiter de notre statut de Prix Nobel de la Paix pour forcer les décideurs publics et privés à envisager un nouveau système de régulation du commerce du médicament.

Plus concrètement, de quoi s’agit-il ? De changer des règles explicites ou implicites qui se traduisent par deux conséquences dramatiques :

* d’une part, la recherche et le développement sur le traitement de maladies transmissibles spécifiques aux pays pauvres est quasiment abandonnée par les trusts pharmaceutiques, parce que ces médicaments ne sont pas rentables faute de demande solvable ; entre 1975 et 1997, sur plus de 1200 nouveaux médicaments commercialisés dans le monde, 11 seulement visaient le traitement d’une maladie tropicale ; en d’ autres termes, la logique du marché conduit à dépenser, en recherche et développement, des milliards de dollars pour la Viagra et 0 centime pour mettre au point de nouveaux traitements contre le malaria qui tue 1 800 000 personnes par an ;
* d’autre part, le fait que la production et la commercialisation de médicaments obéissent à la seule logique du marché les rend inaccessibles à la très grande majorité des malades des pays pauvres ; peut-être avez-vous lu, cette semaine dans la presse, le récit de Rebecca, cette gamine kenyane atteinte d’une tuberculose aiguë et soignée à l’hôpital de Homa Bay, par Arnaud, médecin sans frontières ; au bout de cinq jours de traitement, Rebecca a disparu de sa chambre ; sa grand-mère, parce qu’elle ne pouvait plus payer les 15 francs par jour que coûtait le traitement, était venue la chercher pour la ramener dans son village, la condamnant ainsi à une mort certaine.

Abandon de la recherche et du développement pour les maladies tropicales, prix prohibitifs des médicaments pour les malades des pays pauvres : comment agir pour renverser cette situation révoltante ? La campagne de Médecins sans frontières se déploie sur trois niveaux.

C’est d’abord une campagne de terrain qui s’appuie sur le travail et l’expérience de médecins confrontés, in vivo, à l’absence de solution pharmaceutique pour les populations qu’elles soignent.

Ainsi, en Ouganda, MSF mène un programme de lutte contre la trypanosomiase, c’est à dire la maladie du sommeil, transmise par la piqûre de la fameuse mouche tsé-tsé. Cette maladie, que l’on croyait éradiquée, est réapparue à la suite de l’effondrement des systèmes de santé et du déplacement massif de populations dans des pays comme l’ Ouganda, le Congo-Kinshasa ou le Soudan. Cette maladie, que l’on pourrait parfaitement soigner, fait aujourd’hui 150000 morts par an selon les chiffres de l’Organisation mondiale de la santé.

Or, les médecins n’ont à leur disposition que d’anciens médicaments, de moins en moins efficaces. Un médicament, cependant, pourrait garantir un traitement approprié, c’est l’eflornithine. Celui-ci, après avoir été commercialisé par le laboratoire Merell Dow, à un prix très élevé, n’est désormais plus disponible. Sa production a été stoppée faute de rentabilité. Depuis trois ans, le trust Marion Roussel Hoescht, qui a racheté Merell Dow, a offert les droits de commercialisation à l’Organisation mondiale de la santé. Alors MSF, avec d’autres, essaie de convaincre un autre laboratoire de produire cette molécule en lui garantissant un certain volume d’achat.

Voilà ce que fait concrètement MSF confrontée aux mêmes types de problèmes sur d’autres terrains. Comme dans les prisons de l’ex-Union soviétique où un malade sur quatre de la tuberculose est condamné à mort parce qu’il présente des multirésistances aux traitements disponibles ; comme en Thaïlande ou au Cambodge où nos équipes conduisent des programmes curatifs contre le Sida sans pouvoir disposer des bi ou des tri-thérapies.

Nous pensons que cette connaissance et cette expérience de terrain donne plus de crédibilité à MSF pour mener campagne à un deuxième niveau : les propositions. Celles-ci tournent autour de deux axes :

* en premier lieu, il s’agit de permettre aux pays pauvres d’utiliser tous les moyens dont ils peuvent disposer pour s’approvisionner en médicaments essentiels ; au niveau du droit international, deux dispositions existent - les licences obligatoires et les importations parallèles - qui autorisent un Etat, en cas d’urgence sanitaire, de produire lui-même des médicaments, quitte à copier des brevets existants ou d’en acquérir au meilleur prix, au détriment de la pure logique commerciale ; MSF soutient d’ailleurs certains états comme la Thaïlande ou l’Afrique du Sud qui essaient de profiter de ces dispositions particulières actuellement encore en vigueur dans les accords de commerce international ; et naturellement, vous l’avez compris, ce sont ces dispositions particulières que le lobby pharmaceutique mondial souhaite voir abroger à l’occasion du prochain round de négociations de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) ;
* en second lieu, il s’agit de réunir autour d’une même table de travail les laboratoires, les Etats riches et les organisations internationales compétentes pour tenter de définir une nouvel ordre mondial en matière de recherche afin de trouver les solutions, financières principalement, pouvant permettre des avancées rapides et concrètes dans le domaine des maladies transmissibles propres aux pays pauvres.

Mais nous savons bien que, ce faisant, nous touchons à la logique d’un système qui ne pourra changer que sous la pression de l’opinion publique internationale : voilà pourquoi notre campagne se déploie également à un troisième niveau, celui de l’interpellation.

Au fond, les questions que nous posons - et que nous allons poser systématiquement poser à tous les grands décideurs publics et privés - sont très simples. Le médicament est-il une marchandise comme les autres, au même titre que l’automobile ou le téléphone portable ? Peut-on laisser les traitements qui sauvent la vie soumis à la seule loi du marché ?

C’est la raison pour laquelle Médecins sans frontières demande, à la veille de l’ouverture du sommet de Seattle, que soit décrétée d’ urgence l’exception sanitaire, au même titre que l’exception culturelle. Parce que nous ne pouvons pas nous résoudre à ce que la loi du marché, en matière pharmaceutique, continue à empêcher de sauver des millions de vies.

Menaces sur les forêts

Communiqué de presse

Les ONG françaises dénoncent les menaces de l’OMC sur les forêts

Seattle le 30/11/99. Dans une lettre au gouvernement français, les ONG environnementales parmi lesquelles les Amis de la Terre, le WWF, France Nature Environnement et Greenpeace, demandent l’exclusion du bois et des produits forestiers des négociations de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) à Seattle.

Une proposition d’accélération des accords de libre échange pour les produits forestiers a été inscrite à l’ordre du jour de Seattle par les principaux exportateurs de bois que sont les États-Unis, le Canada et l’Indonésie. L’Union Européenne, est favorable à une négociation globale sans exception pour les produits forestiers. Le Japon et la Corée s’opposent quant à eux à cette proposition et suggèrent la création d’un groupe de travail spécifique aux forêts.

Les négociations sur la libéralisation des échanges de bois et des produits forestiers ont été incorporées au paragraphe 39 ter du document de travail de l’OMC. Cette initiative inquiète les ONG en raison de l’actuel manque de hiérarchisation claire entre commerce et environnement au sein de l’OMC. Les ONG internationales actuellement représentées à Seattle continuent donc à se mobiliser et organisent parallèlement aux négociations, des échanges avec différentes délégations et des journalistes, sur le thème des forêts (le 30 Novembre, de 13 à 15h au Madison Renaissance Hotel de Seattle).

La déforestation annuelle en zone tropicale est estimée à 12,9 millions d’ha par la FAO. Chaque année la forêt équatoriale perd l’équivalent du tiers de la surface du territoire français. L’exploitation industrielle est une des principales menaces pour les dernières forêts primaires du globe. Si les forêts sont inclues dans les nouveaux accords de libre-échange, la levée des barrières du marché va conduire à une augmentation de la consommation de bois et des produits forestiers, qui anéantira les actions de protection des forêts. L’OMC menacera également l’existence des lois de protection des forêts et les accords internationaux en les qualifiant de barrières non tarifaires au commerce. Les mesures de protection des forêts qui pourraient être modifiées ou supprimées en conséquence sont notamment l’éco-certification, l’interdiction d’exporter des grumes et les mesures environnementales mises en place pour la transformation du bois et la fabrication du papier.

Il est nécessaire que l’OMC intègre le principe de précaution et respecte pour des raisons de cohérence, les accords multilatéraux sur la protection de l’environnement. « Etant donné les conséquences prévisibles sur l’environnement et les populations, il nous semble indispensable que la France demande aux pays membres de la Commission européenne de ne pas négocier un accord sur les produits forestiers. Une libéralisation de ce secteur ne peut être menée avant que de réelles garanties soient avancées pour supprimer ses impacts négatifs sur les écosystèmes forestiers et les populations » a déclaré Frédéric Castell, chargé de la campagne sur les forêts tropicales d’Afrique aux Amis de la Terre.

(Les Amis de la Terre, membre fondateur d’ATTAC)

Le patronat et les Impôts

La 1ère semaine de juillet 1999, la commission d’enquête de l’Assemblée nationale, constituée en décembre 1998 pour étudier « certaines pratiques des groupes nationaux et multinationaux industriels, de services et financiers, et leur conséquence sur l’emploi et l’aménagement du territoire », a rendu son rapport (La Documentation française, rapport comprenant 4 tomes, 923 pages). La logique purement financière que les actionnaires ont fini par imposer dans les entreprises, conduit à un désastre social et démocratique - à « un coût prohibitif pour la collectivité » note pudiquement le rapport. « Le système est totalement opaque, et nous n’avons pas pu obtenir de montants exacts » relève le rapporteur de la commission. Mais, « une chose est sûre : l’Etat, les Régions, les communes ou l’Europe versent chaque année plus de 300 milliards F aux entreprises françaises ». 300 milliards, c’est très exactement ce que rapporte l’impôt sur le revenu.

Tout y passe : de « l’aide à l’immobilier d’entreprise », à l’aide du « Fonds de développement des PMI », en passant par les subventions des « centres régionaux d’innovation et de transfert de technologie » ou encore les exonérations de charges diverses (73 milliards de manque à gagner pour la Sécu), sans oublier les régimes fiscaux qui permettent aux multinationales de ne pas verser 1 F d’impôt dés lors qu’elles agrégent intelligemment les comptes de leurs filiales. En matière sociale, c’est encore mieux : qu’il crée des emplois, qu’il évite d’en supprimer - voire qu’il en détruise (dans le cadre des préretraites ou de la reconversion), le patron touchera !

Et, dans la quasi-totalité des cas, ces aides ne servent à rien d’autre qu’à enrichir les actionnaires et cela, d’autant plus facilement que personne ne contrôle jamais l’usage qui en est fait.

Par exemple, quand Hoover s’est implantée en Lorraine, elle a bénéficié de la totalité des subventions prévues pour attirer les entrepreneurs dans cette zone sinistrée et qui donnaient obligation à l’entreprise de former ses salariés. « Or, huit ans après, ils ont déménagé en Ecosse sans avoir formé qui que ce soit, et sans que personne ait jamais vérifié l’emploi de ces aides publiques » note le rapporteur de la commission.

En 5 ans, Usinor a enregistré près de 7 milliards de F de profit net, après impôt ; il a supprimé 40000 postes et perçu 800 millions de F de subventions publiques !!! Son patron, Francis Mer, a reconnu devant la commission : « Je ne suis absolument pas convaincu que ces subventions soient efficaces, y compris celles qui concernent l’emploi ». Le moins qu’on puisse dire : elles ne sont pas efficaces pour lutter contre le chômage, mais elles ne sont pas perdues pour tout le monde !!!

Bolloré, Rhône-Poulenc et bien d’autres ont bénéficié des mêmes "douceurs", mais c’est Nestlé France qui est sur la plus haute marche du podium : 5 milliards de résultat avant impôt de 1993 à 1998, mais 2000 suppressions de postes et 2 milliards F d’aides publiques.

Comme l’écrit Charlie Hebdo du 13/07/99 : « Non seulement les groupent licencient à tour de bras, alors qu’ils font des bénéfices. Mais, de plus, l’Etat les paye pour cela ».

Les entreprises américaines et les paradis fiscaux

« Quand cela les arrange, les USA mettent volontiers leur libéralisme dans la poche » écrit Ouest-France du 28/07/99. Les USA « favorisent l’évasion fiscale de leurs entreprises exportatrices -General Motors, Boing, Kodack, etc...- ce qui revient à une subvention déguisée. Un quart des exportations américaines en bénéficierait. Quelques 10 milliards de dollars sont en jeu » d’après un rapport, en principe confidentiel, de l’OMC (Le Monde du 28/07/99). Le Monde explique le mécanisme : « Les FSC (Foreign Sales Corporation) sont des filiales étrangères fantômes de sociétés américaines créées pour les activités à l’exportation. Elles sont généralement basées dans des paradis fiscaux (95% sont établies à la Barbade ou dans les Iles Vierges) et permettent aux sociétés-mères de localiser une partie des bénéfices dans ces filiales, puis de la raptrier aux USA sans payer d’impôts. » Le mécanisme est simple : « quand une société exporte, elle vend fictivement sa marchandise ou ses services à un coût réduit à sa filiale qui, à son tour, la revend au client final à un coût majoré de 10, 20 ou 30%. La base d’imposition retenue pour taxer l’entreprise exportatrice est celle de la première opération ». Il s’agit très clairement de subvention déguisée qui concerne « un champ très large d’activités industrielles et de services : des groupes comme General Motors, Kodack, Caterpillar, Chrysler, Union Carbide ou Boing, mais aussi une grande partie des exportations de céréales et de soja ou encore des sociétés de logiciels informatiques ». No comment !

Répondre à cet article