Lettre ouverte aux députés contre la modification de l’article 133 du traité d’Amsterdam

mardi 14 novembre 2000, par Webmestre

Lettre ouverte aux députés contre la modification de l’article 133 du traité d’Amsterdam

Monsieur le Député, Lors de la conférence intergouvernementale de Nice des 7 et 8 décembre prochains, le gouvernement français devrait proposer aux Etats membres de l’Union européenne une modification substantielle de l’article 133 du traité d’Amsterdam, sous la pression conjointe du Commissaire européen pour le commerce, Pascal Lamy, et des lobbies des firmes transnationales.

Cet article important régit les relations entre les pays membres de l’Union et la Commission européenne en matière de commerce extérieur. Il confie ainsi à cette dernière l’élaboration et la mise en oeuvre exclusives de la ``politique commerciale’’ de l’Union européenne, sur la base de décisions du Conseil prises à la majorité qualifiée, tout en excluant de cette compétence exclusive la plupart des services ainsi que les droits de propriété intellectuelle. La commission ne peut agir en ces domaines que sur la base d’une décision unanime du Conseil.

C’est ce verrou que souhaite faire sauter la commission européenne, qui considère, à l’instar de Pascal Lamy, que les procédures démocratiques de décision sur les politiques commerciales internationales sont des obstacles à "l’efficacité". C’est pourquoi le commissaire Pascal Lamy a entrepris, depuis le mois de juillet, une campagne pour obtenir que le régime de la "majorité qualifiée" s’applique aussi aux ``services’’ (dont la santé, l’éducation, l’audiovisuel, les transports, l’environnement et l’ensemble des services publics), à la propriété intellectuelle (dont les OGM) et aux investissements. La commission, toute acquise au dogme ultra-libéral et aux exigences des grandes entreprises industrielles, n’a en fait qu’un objectif : entamer en position de force les négociations multilatérales de l’OMC sur le commerce des services (l’AGCS) et sur la propriété intellectuelle (l’ADPIC), de façon à accélérer l’ouverture au privé de pans entiers des services publics (et donc leur démantèlement) et faire entrer encore plus l’Europe dans la grande jungle libérale globale. Pour cela, il faut autant que possible contourner les Etats et les parlements nationaux et européens, trop prompts à ``céder’’ face à la pression citoyenne, comme le fit la France lors de la négociation de l’Accord Multilatéral sur les Investissements (AMI).

Le 6 avril 1998, le Conseil municipal de Rennes adoptait un voeu de protestation contre l’AMI et le 10 mai 1999 il votait une résolution pour "refuser la mainmise des firmes et du marché sur la démocratie" et "exiger le refus du transfert des négociations sur l’investissement à l’OMC ...et l’arrêt du processus pour un Partenariat Economique Transatlantique, afin que les conséquences de cette zone de libre échange soient débattues en toute transparence et que les décisions soient prises conformèment aux dispositifs démocratiques de chaque Etat, dans chaque Etat".

Les textes proposés par le gouvernement français à la conférence intergouvernementale de Nice ne suggèrent même plus qu’on puisse garder l’article 133 en l’état et conserver le pouvoir de veto et d’examen des accords commerciaux futurs par les parlements nationaux : ils n’offrent que 3 options qui toutes étendraient les pouvoirs de la commission et réduiraient gravement l’espace démocratique et citoyen. Les assemblées territoriales n’auront plus leur mot à dire.

Ce sera alors le règne de l’opacité et la défaite de la démocratie, puisque les Etats membres et les Parlements nationaux seront, une fois pour toute, dépouillés de leur pouvoir de veto et de leur capacité à orienter l’action de la Commission ; sans parler du Parlement européen dont on sera vraiment et définitivement en droit de se demander à quoi il sert.

Monsieur le Député, il n’est pas possible que vous et votre formation puissiez accepter sans combattre ce hold-up sur la démocratie qui se prépare.

Nous refusons d’être dépossédés de notre droit de décider du monde dans lequel nous voulons vivre, au profit d’une poignée d’hommes que, ni vous ni nous n’auront choisis, et qui décideront dans l’ombre de leurs cabinets et sous l’influence des lobbies. A quoi servira alors la représentation nationale dont vous faites partie ?

Croyez bien, Mesdames et Messieurs les parlementaires, que les nombreux citoyens membres de l’association attac mettront toutes leurs forces pour dénoncer le coup de force contre la démocratie qui se prépare. Nous ne voulons pas d’un monde dominé par la loi de l’argent !

Il est encore temps de faire reculer la présidence de l’union européenne, et nous comptons sur votre intervention rapide et ferme auprès du gouvernement français, afin de dire votre opposiiton à cet inacceptable projet de réforme.

Dans cette attente, je vous prie d’agréer, Monsieur le Député, l’expression de mes sentiments distingués.

Répondre à cet article