L’organisation de Forums sociaux locaux

vendredi 4 avril 2003, par Webmestre

Généraliser l’organisation de Forums sociaux locaux
Ce texte reprend la Charte des principes de Porto Alegre en appelant au développement des FSL sur tout le territoire français

4/04/2003

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GÉNÉRALISER L’ORGANISATION DE FORUMS SOCIAUX LOCAUX

Attac appelle à la généralisation de l’organisation de Forums sociaux locaux (FSL) (1).

Après le Forum social mondial (FSM) de Porto Alegre de janvier 2001, qui a montré la force du mouvement altermondialiste, un processus d’essaimage est en cours. Il s’est traduit par la tenue d’un Forum social africain au Mali (janvier 2002), puis d’un deuxième en Ethiopie en janvier 2003. Parallèlement, en janvier 2003, l’Inde accueillait le premier Forum social asiatique. À Belem (Brésil), se sont tenus en janvier 2002 et janvier 2003 les deux premiers Forums panamazoniques. Après celui de Florence en novembre 2002, c’est en France qu’aura lieu le deuxième Forum social européen (FSE). Il se tiendra du 12 au 15 novembre 2003 à Paris, Saint-Denis, Bobigny et Ivry.

Ces Forums ont stimulé le développement de Forums sociaux au niveau national dans une trentaine de pays des différents continents.
Désormais, une dynamique d’organisation de Forums sociaux est en train de se développer en France à l’échelon régional, départemental et local. C’est ainsi qu’en mars 2003, plus d’une cinquantaine de FSL pouvaient être recensés, qui s’inscrivent dans la continuité du Forum social mondial et dans la perspective du prochain Forum social européen.

Attac veut contribuer à encourager cette dynamique, l’étendre, l’approfondir et la généraliser, pour favoriser les luttes sociales concrètes qui se déroulent en France.

Les Forums sociaux constituent en effet, particulièrement à l’échelon local, les lieux où peuvent se rencontrer, dans la durée, un grand nombre d’acteurs d’un territoire : syndicats de salariés et organisations de paysans, associations diverses, mutuelles et coopératives, citoyens...

Pour en assurer le succès et la pérennité, Attac considère que ces FSL doivent s’inspirer clairement de la Charte des principes de Porto Alegre (2) . Celle-ci définit ce qu’est le Forum social mondial et, par extension, ce que sont les Forums sociaux tenus à d’autres échelons.

sur ce site (2)

Selon la Charte des principes de Porto Alegre, le Forum social mondial est :

" un espace de rencontre ouvert visant à approfondir la réflexion, le débat d’idées démocratique, la formulation de propositions, l’échange en toute liberté d’expériences,

et l’articulation en vue d’actions efficaces, d’instances et de mouvements de la société civile

qui s’opposent au néolibéralisme et à la domination du monde par le capital et toute forme d’impérialisme,

et qui s’emploient à bâtir une société planétaire axée sur l’être humain. "

Ces principes fixés pour le Forum social mondial s’appliquent à tous les Forums sociaux qui s’en réclament en s’inscrivant dans le processus qu’il a ouvert.
Quatre principes peuvent être dérivés de cette Charte :

- la facilitation de rencontres et débats sans prise de position du Forum ;

- l’incubation de dynamiques sociales ;

- le pluralisme et la diversité ;

- l’indépendance vis-à-vis des mouvements politiques et des institutions publiques.

I. Le principe de facilitation de rencontres et débats sans prise de position du Forum

Les Forums sociaux, à quelque échelon que ce soit, ont pour fonction d’être des espaces de débats et de rencontres n’ayant pas vocation à prendre des positions, à lancer des " appels " ou à organiser des actions.

Selon la Charte des principes de Porto Alegre en effet (point 6), " Les rencontres du Forum social mondial n’ont pas un caractère délibératif en tant que Forum social mondial. Personne ne sera donc autorisé à exprimer au nom du Forum, dans quelque édition que ce soit, des prises de position prétendant être celles de tous les participants. Les participants ne doivent pas être appelés à prendre des décisions, par vote ou acclamation, en tant que rassemblement de ceux qui participent au Forum, sur des déclarations ou propositions d’action qui les engagent tous ou leur majorité et qui se voudraient être celles du Forum en tant que Forum. Il ne constitue donc pas d’instance de pouvoir que peuvent se disputer ceux qui participent à ces rencontres, ni ne prétend constituer l’unique alternative d’articulation et d’action des instances et mouvements qui en font partie. "

Les Forums sociaux ont donc pour objectif de lancer et de maintenir de manière permanente des espaces de débats entre des organisations qui peuvent être très différentes en ayant même entre elles de profondes divergences. De tels espaces, qui peuvent aussi inclure des petites entreprises, des mutuelles, des organisations de travailleurs indépendants et des coopératives, ne peuvent s’établir spontanément et relèvent d’un processus long et complexe. Les forces ainsi rassemblées, venant des horizons les plus divers, ont besoin de temps pour se connaître et se reconnaître afin de constituer des points d’appui pour le développement des mobilisations sociales. Espaces de débats et de coordinations, les Forums sociaux sont en même temps des moments d’un processus qui intègre chaque jour de nouvelles forces dans le combat contre la mondialisation libérale. Ce ne sont donc pas, en tant que tels, des organisations ou des cartels d’organisations susceptibles de prendre des positions. Il ne peut pas y avoir de " position " du Forum sur telle ou telle question.

C’est la raison pour laquelle il convient de bien distinguer les Forums et les organisations qui les composent.

L’intérêt de construire des Forums comme des espaces n’ayant pas vocation à prendre de positions est multiple.

Tout d’abord, les luttes de pouvoir sont exclues. Les Forums, en effet, à la différence d’un mouvement, ne cherchent pas à définir une stratégie, exercice lors duquel se manifestent toujours des conflits. Les Forums tentent cependant de créer les conditions pour que les participants y parviennent.
Ensuite, les Forums n’ont pas de " leaders ". Ils sont comme une place publique où viennent ceux qui y trouvent un intérêt. Personne ne peut parler au nom des Forums ou de leurs participants.

Enfin, les Forums ne publient pas de " document final ".

II. Le principe d’incubation de dynamiques sociales

Si les Forums sociaux n’ont pas vocation à prendre des positions, à lancer des " appels " ou à organiser des actions, les organisations qui participent aux Forums, en revanche, ont pour fonction, si elles le souhaitent, de prendre toutes les décisions qu’elles veulent, mais qui n’engagent qu’elles, sans impliquer les Forums.

Ces organisations peuvent en effet, en leur nom et en leur nom seul, prendre toutes les initiatives qu’elles souhaitent, alors que les Forums n’ont pas cette vocation. Il est loisible aux organisations qui participent de décider d’actions, mais en n’engageant qu’elles, sur les thèmes les plus variés. C’est d’ailleurs l’un des objectifs centraux des Forums que de favoriser l’organisation des luttes. Celles-ci peuvent être sectorielles (sur l’eau, sur la dette, etc.), en conclusion d’un séminaire ou atelier, ou traiter de questions beaucoup plus générales. C’est ce que dit la Charte des principes de Porto Alegre (point 7) : " Les instances - ou ensemble d’instances - qui prennent part aux rencontres du Forum doivent donc être assurées de pouvoir délibérer en toute liberté durant celles-ci sur des déclarations et des actions qu’elles ont décidé de mener, seules ou en coordination avec d’autres participants. Les instances - ou ensemble d’instances - qui prennent part aux rencontres du Forum doivent donc être assurées de pouvoir délibérer en toute liberté durant celles-ci sur des déclarations ou des actions qu’elles ont décidé de mener, seules ou en coordination avec d’autres participants. Le Forum social mondial s’engage à diffuser largement ces décisions par les moyens étant à sa portée, sans imposer d’orientations, de hiérarchies, de censures et de restrictions, mais en tant que délibérations des instances - ou ensemble d’instances - qui les auront assumées ".

C’est ainsi que les Forums sont des " usines à idées ", des incubateurs, desquels sont attendues de nouvelles initiatives pour un autre monde. Car le but des Forums est bien de faire croître les luttes sociales en offrant aux participants le cadre qui le permet.


III. Le principe du pluralisme et de la diversité

Pour la Charte des principes de Porto Alegre (point 9), " Le Forum social mondial sera toujours un espace ouvert au pluralisme et à la diversité des engagements et actions d’instances et de mouvements qui décident d’y prendre part. "

Un Forum social local a donc vocation à rassembler le maximum de syndicats et d’associations impliqués dans les questions sociales, mais aussi des acteurs de l’économie sociale et solidaire sur un territoire (mouvement mutualiste et coopératif...).

L’expression " social ", lorsqu’il s’agit des Forums, est donc utilisée au sens large. Les problèmes de l’environnement, de la démocratie ou de la paix, par exemple, sont partie intégrante des Forums dans la mesure où ils ont nécessairement un impact sur la société en général et les citoyens en particulier.

S’il est concevable qu’un petit groupe d’organisations démarre un Forum social local, celui-ci doit être cependant suffisamment pluraliste et diversifié dès son lancement. L’une de ses premières tâches devrait être son élargissement aux forces qui en sont absentes, cet effort d’ouverture devant être d’ailleurs permanent.

A cet égard, les initiatives auto-organisées par les participants devraient occuper une place visible dans les Forums.

IV. Le principe d’indépendance vis-à-vis des mouvements et partis politiques et des institutions publiques

Selon la Charte de principes du FSM (point 9), les partis politiques ne sont pas directement parties prenantes de l’organisation ou du contenu des FSL. Ils peuvent néanmoins leur apporter leur soutien : " Ne pourront participer au Forum en tant que tels les représentations de partis. "

De la même manière, les autorités publiques (gouvernements, régions, communes...) peuvent, elles aussi, appuyer les Forums, mais, pas plus que les partis, elles n’interviennent dans leur contenu. Cela s’est vérifié à Porto Alegre, où la ville et l’Etat de Rio Grande do Sul ont apporté un appui matériel considérable, de même qu’en Italie où la ville de Florence et la région Toscane ont largement financé la tenue du premier FSE.

Dans la même logique d’autonomie, le deuxième FSE bénéficie d’ores et déjà du soutien des villes de Paris, de Saint-Denis, de Bobigny et d’Ivry, ainsi que les Conseils généraux de Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne et le Conseil régional Ile-de-France. Le gouvernement français a, par ailleurs, annoncé publiquement une contribution financière à cette rencontre.

Le mouvement altermondialiste, par la création des Forums sociaux, régénère le débat public et l’action collective en créant de nouveaux espaces et de nouveaux possibles en revivifiant l’engagement politique.

Un autre monde est possible ! Il l’est à tous les échelons : mondial, européen, national et local. Les Forums sociaux locaux, pour ce qui les concernent, ont bien la vocation à contribuer à imaginer de nouveaux territoires.

(1) Un Forum social se déroule en deux phases : la préparation et le déroulement. Pour préparer un Forum social, des organisations se rassemblent (associations diverses, syndicats...) sur la base de la Charte des principes du Forum social de Porto Alegre. Elles mettent alors en place une ou plusieurs structures de coordination chargées de préparer la tenue du Forum. Le Forum a pour vocation à se tenir régulièrement, plusieurs fois par an à l’échelon local par exemple. Il est public et tous les citoyens du territoire où il se déroule sont invités à y participer. Les séances sont conçues par les organisateurs, en laissant une large place aux possibilités d’auto-organisation des participants. Toutes les questions sociales liées au territoire de référence peuvent être abordées, sous la forme de conférences, débats, séminaires, ateliers, " tables de controverse "... Pendant le déroulement du Forum, les participants peuvent décider de s’organiser pour mener des luttes sur les sujets les plus variés et se retrouver ensuite, en dehors du Forum, ce dernier ne prenant pas de position sur les décisions prises par les participants.

(2) A l’occasion du premier Forum social de Porto Alegre, en 2001, les organisateurs ont élaboré une Charte de principes.

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