Lettre au Député René Couanau (30 Novembre 2000)

jeudi 30 novembre 2000, par Attac Saint-Malo Jersey

Lettre au Député René Couanau (30 Novembre 2000)

Saint-Malo, le 30 novembre 2000

Monsieur le Député René Couanau

Hotel de Ville

35400 Saint-Malo

Monsieur le député,

Le Commissaire européen pour le commerce, M. Pascal Lamy, et les lobbies d’affaires qui lui sont proches, comme le Cercle des Industriels européens (CIE), la Confédération des Employeurs européens (UNICE) et le Comité européen AmCham, ont aujourd’hui bon espoir d’obtenir que la Conférence inter-gouvernementale, qui se réunit à Nice les 7 et 8 décembre, modifie l’article 133 du Traité d’Amsterdam. Ce qui reviendrait, indirectement, à réhabiliter le projet de l’AMI, que la société civile, et la démocratie, n’ont pas voulu dans ce pays.

Le gouvernement français, jusqu’ici hostile à cette modification, propose aujourd’hui des modifications de l’article 133, qui régit les relations entre les pays membres de l’Union et la Commission en matière de commerce extérieur. Domaine qui relève jusqu’à présent, selon les termes du Traité, de la "responsabilité partagée" entre la Commission et les quinze pays membres.

Depuis le mois de juillet, le commissaire Lamy a entrepris une campagne pour obtenir que le régime de la "majorité qualifiée" s’applique aussi aux services (santé, éducation, audiovisuel, transports, environnement), à la propriété intellectuelle (OGM et investissements). Or, il a affirmé en septembre devant une commission parlementaire française "qu’il ne lui restait plus qu’à convaincre la France et l’Espagne pour obtenir la révision de l’article 133". Ce qui revient à dire que, dans la vision de Pascal Lamy, les procédures démocratiques de décision en matière de politiques commerciales se présentent comme des obstacles à "l’efficacité" (totalitaire ??).

De ce fait, les textes, qu’envisage de proposer le gouvernement français à la conférence intergouvernementale de Nice, ne suggèrent même plus de conserver l’article 133, avec pouvoir de veto et examen des accords commerciaux futurs par les parlements nationaux ; les options, qu’ils proposent étendent les pouvoirs de la commission, dont l’expérience nous a pourtant révélé l’absence totale de transparence quant à son fonctionnement, et le très faible contenu démocratique de ses pratiques. Une fois encore, les forces conservatrices s’emploient à réduire l’espace démocratique et citoyen et refusent de faire progresser de front la démocratie et le marché, nous amenant à douter toujours plus de cette conjugaison.

Ce règne de l’opacité, au sein duquel des grandes entreprises internationales, confisquent, sans jamais en avoir reçu de mandat par quiconque, hormis d’elles-mêmes, le débat démocratique, au profit de la centralisation, de la désinformation, des prébendes et de l’autocratie d’un management, qui ne s’applique jamais les plans d’austérité salariale, va constituer la défaite durable de la démocratie et, dans ces conditions, du projet européen. Etats membres et Parlements nationaux seront, une fois pour toutes, dépouillés de leur capacité à orienter l’action de la Commission ; et la vieille tentation totalitaire, que l’Europe a toujours connue, reprendra tous ses droits.

Monsieur le Député, nous ne pouvons concevoir que votre formation, qui se définit comme libérale, puisse accepter sans combattre ce hold-up sur la démocratie.

Refusant que mes enfants soient dépossédés de leurs droits de décider, dans la sphère du politique, du monde dans lequel ils veulent vivre, par des affairistes qui n’offrent aucun avenir à nos sociétés, et qui prendront leurs décisions dans l’ombre de leurs conseils, situés dans des zones défiscalisées, je vous demande d’intervenir pour éviter la débâcle de nos valeurs.

Dans cette attente,

Je vous prie d’agréer, Monsieur le Député, l’expression de mes sentiments distingués.

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