Manifeste. La relocalisation comme rupture face à la mondialisation économique contemporaine

vendredi 18 août 2006, par Webmestre

Auteur Christian Delarue

L’idée de relocalisation de l’économie a germé en réponse à la mondialisation capitaliste et aux dégâts sociaux et environnementaux qu’elle génère. Cela mérite d’être précisé avant de trouver des débouchés, des ruptures avec cette phase de la mondialisation. Autrement dit à quelle condition la relocalisation peut être considérée comme rompant avec la mondialisation capitaliste.

I . - Quelle relocalisation ? La relocalisation face à la mondialisation économique.

A) Le cadre général du projet de relocalisation de l’économie

La mondialisation capitaliste génère un accroissement des dégâts sociaux et environnementaux . Il s’agit de rompre avec elle. Mais la suppression de la mondialisation du capital sous ses trois formes marchande, productive et financière n’est pas à l’ordre du jour. Qu’est-il alors possible de faire pour la faire reculer de façon importante ?

Précisons ici que par définition l’altermondialisme n’est pas contre toute mondialisation. Une autre économie mondiale non fondée sur le profit mériterait d’être renforcée. Ce n’est pas du côté du commerce équitable qu’il faut regarder mais vers la promotion des services publics en lien avec le "capitalisme local" - coopérativiste et solidaire .
Combattre les logiques marchandes dominantes ne signifie pas volonté d’établir une société ou le marché serait totalement absent . Au plan des principes, il s’agirait donc de tenir les deux bouts : rétablir les services publics en enclanchant une dynamique d’appropriation publique d’un côté et réhabilitation des "circuits courts" de l’économie locale coopérativiste et solidaire .

Mais en pratique il faut tenir compte de la situation . Les services publics étant en démantèlement et l’appropriation privée en extension la seule défense de l’économie locale sous différentes formes peut laisser croire que l’on accepte le maintien du système capitaliste sous une forme duale c’est à dire constitué d’une part du secteur du capitalisme mondialisé et d’autre part de l’économie locale sociale et solidaire. Ce qui n’est ni viable ni souhaitable.

B) Le cadre précis pour un projet alternatif : partir d’une double critique

La double critique porte contre la solution de la seule regulation mondiale et contre la solution du micro-localisme. Mon propos vise plusprécisément à contrer au moins deux solutions insatisfaisantes au travers d’une critique à la fois contre un micro-localisme pragamatique justifié parfois par le slogan "résister c’est créer" et contre l’apologie de seule la rerégulation mondiale (comme celle par développée par exemple par MA MICHALET).

D’un côté on trouve l’apologie du localisme pragmatique sorte de maladie sénile et réactive des sociaux-libéraux parfaitement compatible avec la thèse de la fin de l’histoire et la stratégie d’amélioration au marges du système capitaliste (1) . Cette critique du local a été formulée et théorisé avec brio par Alain BHIR et Jean-Marie HEINRICH dans "La néo-social-démocratie ou le capitalisme autogéré". Le livre date de 1979, n’y figure donc pas les problématiques de la gouvernance locale et mondiale, ni celles de la reféodalisation de l’Etat notamment depuis la "seconde phase" de la décentralisation. La gouvernance locale met au prise les acteurs du capital et les "pontes" locaux des administrations plus des experts mais pas les élus ni les citoyens pas même pour une participation prémâchée. Quant les élus sont présents ils ne sont pas là sur le champ de leur domaine d’élection.

De l’autre côté on trouve le débat Etat-nation / regulation mondiale . Le texte de MA MICHALET (1) va servir à ma critique dans le but de montrer une perspective alternative du type recul des FMN (du moins de leur pratiques : échanges internationaux, délocalisation des unités de production, financiarisation : faire de l’argent en circuit court sans passer par la production), reconnaissance des biens publics mondiaux BPM (renvoi), montée en puissance du service public au plan national et place pour le capitalisme local via les société coopératives et l’artisanat.

II . - Quelle configuration préconiser entre Service public et économie sociale et solidaire locale pour former une réelle alternative ?

La répartition entre les deux secteurs peut s’opérer en fonction de la dimension des biens et services à produire : les petits pour l’économie locale, les grands et les essentiels pour les services publics. L’alterdéveloppement suppose de généraliser les services publics tant au nord qu’au sud, tant nationalement que mondialement .

a) Pour la généralisation de véritables services publics

Cette généralisation pose la question de la propriété, de la nature de l’Etat et de la démocratisation de la société ; ce qui met en cause non seulement la mise en concurrence par le marché mais aussi le non subventionnement .

Rappelons que de vrais services publics sont :

- pourvoyeurs de valeurs d’usage et non de valeur marchande.

- fonctionnant selon des tarifs et non des prix, la gratuité étant possible

- satisfaisant des besoins sociaux non sélectionnés et manipulés par le marché et non une demande solvable devant satisfaire un profit.

- fondé politiquement et démocratiquement et non en fonction de la "main invisible" du marché

- repoussant la triple logique actuelle : logique financière, marchande et d’appropriation privée de la production...

Promouvoir les service publics et l’appropriation publique ne signifie pas absence totale de place pour la propriété privée et le marché. Il ne s’agit pas de promouvoir une économie administrée. Il faut créer des services publics nationaux de l’eau, du logement etc... en les démocratisant . Parallèlement, les sociétés coopératives porteuses d’un autre mode de fonctionnement doivent être renforcées face aux sociétés anonymes faisant appel à l’épargne.


b) Les conditions de la promotion relative du petit "capitalisme local" :

L’économie de marché locale dite solidaire comporte quelques vertus moyennant adoption de mesures de régulation. Elle concerne

1 - d’une part les sociétés ne faisant pas appel public à l’épargne et plus précisément les sociétés à fonctionnement coopérativiste .

2 - d’autre part l’ organisation des "circuits courts" que ne connaissent pas les firmes multinationales (FMN) et les échanges internationaux. Le "capitalisme local" de petites entreprises peut etre un vecteur contre le gaspillage et la surexploitation de la nature . Pour limiter l’exploitation de la force de travail, les syndicats doivent y être présents et un statut du travail salarié doit s’y appliquer.

3 - enfin ce genre d’économie localisé ne se conçoit bien que pour des productions nécessairement locales. Les biens essentiels pouvant relever de l’espace régional et national. Et donc des services publics mieux à meme d’assurer l’égalité sur le territoire avec les mécanismes politiques de compensation et de péréquation le cas échéant.

Il ne s’agit pas de laisser entendre un retour mythique à une totale production artisanale mais à un rééquilibrage des productions face à l’industrialisation de toute production . En fait le "local" peut prendre soit une dimension trés restreinte - ville, pays ou métropole - mais aussi plus largement comme la région. Plus le champ d’intervention est important (région, nation continent) et plus le service public doit prendre la place.

Christian DELARUE

1) 1992, après onze ans de présidence « socialiste » : « Le capitalisme borne notre horizon historique. »

2) "Pour une nouvelle régulation de lla mondialisation" de Charles-Albert MICHALET sur le web

3) Contribution au débat : Sur le site d’ ATTAC lire deux contributions sur le sujet : une de Geneviève AZAM et une autre au titre du Manifeste "Pour une rupture avec le capitalisme - Relocalisation d’une économie de subsistance." Fiche proposée par J.Kremser (CL 49).

4) Débat sur l’altermondialisme :
Cet autre monde nécessaire et possible n’est pas celui-ci amélioré aux marge en moins injuste mais toujours forts de ses rapports sociaux de domination, d’oppression et d’exploitation . Je le qualifierais personnellement d’écosocialiste mais par par défaut et souci de pluralité de postcapitaliste (afin de laisser entier le débat à mener sur ce qui est possible de promouvoir)

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