Chômage - précarité : quelles mesures depuis un an ? Groupe Travail Emploi

dimanche 21 décembre 2003, par EG

Document de travail

Source principale utilisée : site Web du comité local Attac Yonne

Convention UNEDIC du 20 décembre 2002

Qui est concerné ? Au 1er janvier 2004, 850 000 personnes (sur 2 millions de bénéficiaires des Asssedic) verront leurs droits à indemnisation amputés (jusqu’à 14 mois). Parmi elles, 350 000 seront renvoyées vers l’ASS et le RMI ou rien (selon les revenus du ménage).
Qui a décidé ça ? Les organisations patronales (CGPME, Medef, UPA) et 3 syndicats (Cfdt, Cftc et Cgc) se sont mis d’accord puis le Ministère du Travail a agréé cette convention.

Pour rappel et pour mesurer le chemin parcouru, une info trouvée sur Internet : " A l’époque du plein emploi, l’Unédic assurait un revenu de remplacement sensiblement égal au salaire (seule limitation dans le temps : la reprise d’un emploi) et favorisait la mobilité en indemnisant l’allocataire 110% de son ancien salaire pendant un an de formation librement choisie. Heureuse époque ! " (logique du droit AU travail qui s’il n’est pas assuré doit faire l’objet d’une compensation).

Statut des intermittents du spectacles

Restructuration, dégradation des conditions d’indemnisation.

Le protocole d’accord qui a été adopté en juin dernier modifie leur régime d’indemnisation : avant il fallait avoir travaillé 507 heures en 10 mois pour être indemnisé, aujourd’hui 507 heures en 6 mois (régime général des salariés : 920 heures en 6 mois). 90 000 intermittents qui ne travaillent pas assez vont vraissemblablement perdre leur statut à partir du 1er janvier 2004.

ASS

L’allocation de solidarité spécifique concerne 420 000 personnes en fin de droit (c’est-à-dire qui ont épuisé leur droit à indemnisation Assedic) qui ont justifié de cinq ans d’activité salariée dans les dix ans précédant la fin du contrat de travail et qui recherchent activement un emploi. Elle entre dans le calcul des annuités pour la retraite. Jusqu’à sa réforme récente, l’ASS était versée pour une durée illimitée sous réserve d’un réexamen du dossier tous les six mois.
Le ministère du Travail a décidé de limiter à 2 ans le versement de l’allocation spécifique de solidarité à partir du 1er janvier 2004 (3 ans pour les actuels bénéficiaires). Il semblerait que des difficultés techniques dans la mise en place du dispositif retardera l’échéance à juin 2004 ? De plus, un député UDF a proposé un amendement selon lequel l’ASS pourrait être conservée si le demandeur d’emploi fait la démonstration de sa recherche d’emploi. A surveiller.
L’accès à l’ASS est aussi restreint par la modification des plafonds de ressource. Enfin, la majoration de 40 % pour les chômeurs âgés est supprimée.
En 2004 130 000 chômeurs de longue durée sortiront vraisemblablement du dispositif ASS sur 420 000 bénéficiaires.
Ils toucheront éventuellement le RMI (et passeront du statut de demandeur d’emploi indemnisé à celui très mal vu d’ " assisté "). La période passée au RMI ne sera pas validée pour la retraite. L’économie pour le budget de l’Etat sera 168 millions d’ ? en 2004, 500 en 2005.

RMI - RMA

Ou la main-d’œuvre en solde !!!!

Actuellement le RMI concerne 1 million de personnes, il en fait vivre 2 millions si l’on compte les ayants droits (enfants...). Son montant est d’environ 360 ? / 2500 F par mois. C’est un des minima sociaux les moins élevés d’Europe (idem pour l’ASS). A titre de comparaison : " Jean-Marie Messier, l’ex-PDG d’une multinationale bien connue, a reçu en 2001 un salaire équivalent à un RMI toutes les 34 secondes ". De plus, les jeunes de moins de 25 ans en sont exclus et il compte pour 0 dans le calcul de la retraite.

Le RMA ou plutôt le Cirma = " Contrat insertion - revenu minimum d’activité "

C’est un projet de loi qui a été adopté en mai 2003 par le Sénat et par l’Assemblée nationale la semaine dernière. Son entrée en vigueur est prévue pour le 1er janvier 2004.

Que dit le texte ?

[Cf. le texte dans l’article du Monde :]
Le Cirma est " réservé aux allocataires du RMI, il est subordonné à la signature d’une convention entre le département et un employeur, privé ou public (hors Etat). Il ne peut excéder dix-huit mois. La durée de travail hebdomadaire minimale est de vingt heures. Il est rémunéré sur la base du smic au prorata du nombre d’heures travaillées. En plus de la prise en charge par le département des coûts à l’embauche et des frais de formation, l’employeur perçoit une aide égale à l’allocation du RMI. Il est exonéré de cotisations sociales sur cette part versée par le département. Ne reviendront à sa charge, pour un contrat de 20 heures hebdomadaires, que les 183 euros de différence (plus les charges) entre le montant du RMI et le RMA. Le titulaire d’un Cirma, lui, ne bénéficiera de prestations sociales (droits à la retraite ou au chômage) que sur ce différentiel. "

Les questions posées au cours du débat à l’Assemblée nationale :

- à partir de quelle durée d’inscription au RMI devient-on éligible au RMA ? au bout d’un an mais des dérogations sont possibles.
- quelle sera la durée minimale d’un RMA (afin d’éviter le recours à des RMA pour des travaux temporaires de courte durée) ? Celle-ci sera fixée par décret.
- la rémunération du RMA sera-t-elle un salaire ? non
- pourra-t-on instaurer un délai entre la signature de deux RMA afin d’éviter qu’ils ne se substituent à des emplois classiques ? non
- en contingenter le nombre (pas plus de 5 % de contrats RMA dans les entreprises de plus de vingt salariés) ? non
- en interdire le recours aux entreprises de travail temporaire ? non
- étendre aux titulaires d’un RMA les droits communs aux salariés ? non

Quelques précisions :

Le RMAste ne cotisera que sur la base de 183 Euros. Pour s’ouvrir des droits à la retraite, il faudrait qu’il travaille 160 ans à ce régime. L’Assedic empochera ses cotisations mais ne lui reversera rien quand il retournera au chômage. Il n’aura que le RMI. Il n’aura pas droit à des indemnités journalières en cas d’accident ou de maladie, mais son RMA lui sera versé jusqu’à la fin de son contrat. Le régime de la CMU sera maintenu comme il l’aurait été s’il avait retrouvé un emploi normal. (Dans ce dernier cas, la CMU est maintenue pendant un an) ".

Dans le système RMA, le travail s’appelle "mesure d’accès à l’emploi" ou "action d’insertion", le patron se nomme un "tuteur" et le salarié un "bénéficiaire". L’employeur-tuteur atteste tous les 3 mois au référent que l’action d’insertion est suivie. S’il est établi que le non-respect de l’action d’insertion est imputable, sans motif légitime, au bénéficiaire, le versement du RMI peut être suspendu.

Résultat : le cycle de la précarisation s’accélère : " une employée qui percevait un SMIC et demi avant d’être licenciée de, par exemple, Danone, pourrait, au terme d’un rapide parcours Assédic-ASS-RMI, être obligée d’accepter un RMA dans le même groupe Danone pour 183 euros... "

RMA = sorte de délocalisation sur place. Prochaine étape : le mode 4 de l’AGCS.

Risques : casse du Smic, poursuite des atteintes au droit DU travail (et au droit AU travail)

Chèque emploi entreprise

Justification de la mesure : simplification administrative pour embaucher.
En fait : une étape de plus dans la précarisation croissante du travail.

Com’

On notera également que toutes ces mesures sont accompagnées d’un volet " communication " visant à :

- faire passer le salarié privé d’emploi du statut de victime à celui de responsable de sa situation :

* d’abord par la culpabilisation et l’infantilisation. Je cite : (les termes cités proviennent des débats sur le RMA au Sénat) : " Quand elle n’est pas une fainéante à laquelle il faut "réinculquer la valeur Travail", c’est une personne "fragile", qui, en perdant son "employabilité" a perdu "ses repères", et l’ "estime de soi", qui a besoin "de l’ "accompagnement" d’un "référent" ou d’un "tuteur" dans son "cheminement parfois chaotique." "

* autre moyen : stigmatiser les chômeurs, semer la division, faire oublier la notion de droit AU travail : le résultat, c’est le sondage réalisé en novembre 2003 selon lequel 67 % des Français approuvent l’idée qu’il faut que les Rmistes travaillent pour toucher leur allocation. Mais ce n’est pas nouveau : depuis la fin de la période du plein emploi (1975), il y a eu régulièrement des attaques pour désolidariser les salariés en poste de ceux qui sont privés d’emploi. Par exemple dans les années 80 : " Les millions d’ancien-ne-s salarié-e-s, de licencié-e-s, furent fustigé-e-s pour leur passivité, pour leur manque d’esprit d’entreprise. Patrons et hommes politiques appelèrent à la chasse aux faux-chômeurs. En 1979, le ministère du travail créa les Services du Contrôle de la Recherche d’Emploi. "

- ce " formatage " des esprits permet aussi de faire accepter à tous les salariés une précarisation toujours accrue. Résultat, aujourd’hui, " pour des centaines de milliers de salariés en France, la norme de travail n’est plus le CDI, le temps plein et le Smic, mais le CDD, le temps partiel et le demi-smic. C’est un des buts du patronat. Certaines organisations syndicales l’ont fait leur. " Et les gouvernements successifs depuis 20 ans.

Sous prétexte d’incitation au retour à l’emploi s’impose petit à petit une logique d’insécurité sociale par remise en cause de tous les droits collectifs et la " casse " du droit du travail.

C’est aussi la logique de la mondialisation néolibérale qui s’impose. Cachée derrière un discours qui réaffirme sans relâche que c’est pour réduire le chômage qu’il faut absolument réduire le coût du travail (à cause de la concurrence du marché mondial) ; en réalité le but est de répartir différemment les richesses produites dans les entreprises au détriment de la rémunération du travail (salaire direct et indirect ou socialisé) et au profit de celle du capital (dividendes des actions).

Evelyne Guirriec

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