L’eau en bouteille, une ressource qui coûte cher à l’environnement, par Christophe Magdelaine (février 2006) Extrait de la Lettre d’Attac 45 n°35, février-mars 2006

La consommation mondiale d’eau minérale en bouteille a augmenté de près de 60% depuis 1999. Un phénomène qui ne s’explique pas toujours logiquement et qui coûte cher à l’environnement

"L’eau en bouteille coûte finalement plus cher que l’essence"

Selon une étude publiée par l’Earth Policy Institute aux Etats-Unis, en 2004 environ 154 millions de litres d’eau en bouteille ont été consommés, soit un bond de 57% par rapport à 1999 où 98 millions de litres d’eau en bouteille avaient été consommées.
"Alors que l’eau minérale en bouteille n’est souvent pas plus saine que l’eau du robinet dans les pays industrialisés, elle peut coûter jusqu’à 10 000 fois plus cher si l’on tient compte de l’énergie utilisée pour la mise en bouteille, les livraisons et l’éventuel recyclage des contenants, a averti Emily Arnold, auteur de l’étude sur l’eau. A environ 2,50 dollars le litre, l’eau en bouteille coûte finalement plus cher que l’essence", ajoute-t-elle.

En France la proportion est moins importante si l’on se place du côté de l’utilisateur final.
En effet, sur Paris par exemple, le prix d’un litre d’eau est de 0,0025 euro (hors location du compteur) à comparer avec le prix moyen d’un litre d’eau en bouteille qui est d’environ 0,5 euro.
L’eau en bouteille est donc environ 200 fois plus cher. Ce qui n’est toutefois pas futile...

Palmarès des buveurs d’eau en bouteille

Les Américains sont à la première place en 2004 avec 26 milliards de litres d’eau en bouteille consommés. Suivent les Mexicains (18 milliards de litres) puis les Chinois, les Brésiliens avec 12 milliards de litres chacun et l’Allemagne et l’Italie avec 10 milliards de litres.
En 5 ans, la consommation totale a triplé en Inde et plus que doublé en Chine qui deviendra bientôt le premier pays consommateur de bouteilles d’eau en plastique.
Bien sûr le poids démographique de ces pays joue dans la consommation totale et si l’on compare la consommation par personne et par an, les Italiens sont les plus gros buveurs d’eau en bouteille avec près de 184 litres, ce qu’ils expliquent d’ailleurs par la soit disant qualité médiocre de l’eau du robinet.
Ensuite, ce sont les Mexicains (169 litres), les Emiratis (164 litres), les Belges et les Français avec 145 litres par an et par personne.
La position de la France dans ce palmarès tient davantage d’une peur infondée car la qualité de l’eau du robinet est l’une des meilleure au monde...

Plus logiquement, on constate une progression de la consommation de l’eau en bouteille dans les pays en développement entre 1999 et 2004 avec notamment un triplement de la consommation en Inde et un doublement en Chine.

Un coût énergétique et environnemental important

La consommation d’eau en bouteille n’est pas sans conséquence car elle nécessite de l’énergie pour l’acheminement et la fabrication des bouteilles, contrairement à l’eau du robinet qui bénéficie la plupart du temps d’un système de distribution beaucoup plus rentable et moins énergivore.

Les bouteilles en plastique sont en polyéthylène téréphtalate (PET), un dérivé du pétrole brut. A l’échelle mondiale, chaque année ce sont plus de 2,7 millions de tonnes de plastique qui sont nécessaires, ce qui n’est pas négligeable comme en témoigne la consommation américaine qui monopolise ainsi plus de 1,5 million de barils de pétrole par an.
De plus, dans le cycle de vie du produit, il reste une bouteille en plastique ou en verre qu’il faut au mieux recycler localement ou au pire mettre en décharge (avec une dégradation qui peut durer plus de 500 ans).

Notons que l’incinération éventuelle des bouteilles entraîne l’émanation de polluants toxiques et de cendres qui contiennent des métaux lourds...
Cependant, même le recyclage n’est pas forcément une solution entièrement satisfaisante puisque faute de structures adaptées ou à cause des coûts, les bouteilles vides en plastique peuvent être exportées pour retraitement dans d’autres pays. C’est le cas aux Etats-Unis où 40% des bouteilles en PET récupérées après utilisation en 2004 ont été traitées en Chine...

Des ressources en eau qui s’épuisent pour une qualité à revoir

La production à grande échelle d’eau en bouteille ne devrait pas se faire au détriment des ressources locales. C’est le cas de l’Inde où 50 villages ont vu leur nappe phréatique se réduire considérablement alors que Coca-Cola y puisait allègrement pour produire son eau Dasani ensuite exportée. Des cas similaires existent dans le Texas et dans la région des Grands Lacs américains où les ressources en eau s’épuisent rapidement.

De surcroît, comble de la qualité recherchée, l’étude note que 40% de l’eau distribuée en bouteille dans le monde est en fait de l’eau du robinet à laquelle ont été rajoutés des minéraux pour un résultat sur la santé qui n’est pas forcément celui attendu...
A ce titre, le Sénat français recommande de changer souvent de type d’eau minérale pour éviter d’absorber de trop grandes quantités de mêmes minéraux.

Au final, consommer de l’eau en bouteille dans des pays qui sont dotés d’un bon réseau de distribution et où la qualité est avérée (comme en France) n’est pas justifié et entraîne des dépenses supplémentaires et des efforts inutiles.
Rappelons que plus d’un 1 milliard de personnes dans le monde souffrent d’un déficit en eau et que l’eau en bouteille n’est sûrement pas la bonne solution à long terme...

Christophe Magdelaine,
notre-planete.info