Orléans : paroles de malades contre les franchises médicales (nov. 2007) Par un groupe de malades de l’agglomération orléanaise

En réaction à l’instauration d’une franchise médicale supplémentaire pour le remboursement des médicaments, le transport des malades et les actes paramédicaux qui sera applicable dès le 1er janvier 2008.

En préambule. Pour commencer, nous tenons à répondre à des objections fréquentes faites face à notre démarche.
 Nous sommes d’accord pour participer à l’effort commun de soutien financier pour la pérennité de la sécurité sociale.
 Nous souhaitons que l’État donne aux services de la Sécurité Sociale les moyens de débusquer les fraudes et les dysfonctionnements de remboursement, qu’il se penche sur les profits énormes que génère l’industrie de la santé et qu’il paie aux caisses d’assurance maladie les sommes qu’il doit (environ 5 milliards d’Euros).

Qui sommes-nous ? Un groupe de malades avec des pathologies graves qui nécessitent des soins vitaux qui sont lourds et n’ont rien à voir avec des pulsions frivoles. Ils nous permettent de survivre. Arrêter ces soins ou même les alléger nous exposerait à des risques mettant nos vies en danger. Ainsi, certains d’entre nous sont insuffisants rénaux en phase terminale ; pour eux, une rupture des soins engendrerait un empoisonnement fatal. Cet état de fait accompagne notre quotidien. L’ayant intégré, il participe de notre identité.

Appréhension du projet

Nous percevons ce projet, voté récemment par le groupe de la majorité de l’Assemblée Nationale, sur deux plans.

1. lecture d’ordre symbolique

 La gestion politique d’un pays se traduit souvent par des gestes symboliques. Celui-ci en est un. En effet cette décision est en rupture complète avec un principe fondateur de notre système de santé fondé sur la solidarité. Cette décision introduit un virus dans notre société en normalisant un égoïsme décomplexé « ne plus vouloir payer pour les malades quand on est en bonne santé ». Faire payer les malades et les faibles pour assurer les soins d’autres malades est un principe nouveau qui devrait interroger chacun d’entre nous et si on l’étend peut transformer toute notre société. « Je paie mes impôts mais je choisis à quoi ils doivent être attribués ». Beaucoup d’entre nous perçoivent cette mesure comme une taxe sur notre maladie pour pallier l’incurie de l’État à lutter contre les dysfonctionnements.

 Vivre une maladie est difficile et compliqué. Pour continuer une vie sociale, nous devons conduire un combat quotidien. Ceux d’entre nous qui travaillent malgré leur maladie le savent. Etre montrés du doigt comme étant les responsables du déficit de la sécurité Sociale, à cause d’une demande de soins excessifs, alors que ces soins sont pour nous des épreuves quotidiennes que nous avons parfois du mal à accepter, nous révolte. Il s’agit nous dit-on de responsabiliser les malades. Est-on irresponsable quand on doit subir une chimiothérapie ? Il s’agit d’apprendre aux malades à gérer son budget santé. Peut-on choisir entre le vital et le superflu quand arrêter un traitement pour des raisons financières conduit à mettre sa vie en danger ?

2. lecture d’ordre économique.

 Certains d’entre nous ne pouvant plus travailler (manque de force ou impossibilité de retrouver un travail) vivent avec une allocation de 600€. Tous nous vivons avec cette hantise. Quand on souffre par exemple d’une sclérose en plaque, et que l’on pense à un avenir incertain avec en ligne de mire cette allocation, c’est à dire la misère, il est normal d’être irrité de cette stigmatisation du malade comme profiteur ou même fraudeur. Il serait sans doute plus normal de revaloriser cette allocation pour que les malades vivent dignement. Beaucoup de produits dits de confort (ex les couches en cas d’incontinence) ne sont pas remboursés et grève gravement le budget du malade.

 Être malade accapare une bonne partie du temps et de l’esprit, ce qui ne prédispose pas à la recherche d’une bonne information des droits du malade (par exemple l’attribution d’une carte d’invalidité quand cela est prévu par la loi). Tous les malades ne sont pas des virtuoses des méandres de la législation, « profitant » de tous les « avantages » prévus pour améliorer sa vie.

 Le modèle des assurances privées et des échanges commerciaux ne semble pas judicieux et obéit à une autre logique. Ainsi, le président de la république au cours de la convention UMP de juin 2006 a évoqué dans son discours « la consommation de soins » et le fonctionnement des assurances privées avec franchise comme modèle incontournable.. Nous passons là encore dans une autre logique qui met au premier plan la logique financière. Certains présidents de caisse primaire d’assurance maladie ont d’ailleurs pris position contre cette logique (dérive conceptuelle et inefficacité économique) (confère La Rép du centre du lundi 29 octobre p4 et Le Monde édition du 4 10 2007, Le Monde 4 octobre 2007)

Pour toutes ces raisons, nous ressentons le projet de franchises médicales comme injuste et humiliant. Au vu de toutes ces remarques, nous affirmons que toute la campagne visant à justifier ce vote en nous exposant à la méfiance des personnes en bonne santé, nous incite à la colère. Ce sentiment nous a engagés à rédiger ces quelques lignes qui nous l’espérons conduiront les lecteurs à réfléchir aux conséquences de ce projet et inciteront les élus auxquels il a été remis à considérer leur responsabilité.

Orléans, le 7 novembre 2007

Joelle Carreau-Labiche, Bruno Hurault, Nelly Letort, Marie-France Loubet, Jeannine Relot.

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