L’économie mondiale fait le bonheur des 1%

18 JANVIER 2016 | PAR MARTINE ORANGE de MÉDIAPART

En 2015, 62 milliardaires possédaient autant que la moitié la plus pauvre de la population, relève un rapport publié ce lundi par Oxfam. L’accaparement des richesses se double d’un accaparement du politique. « La concentration du pouvoir économique ne fait que servir davantage les intérêts d’une élite au détriment d’autrui », accuse l’ONG.

La plaisanterie est attribuée à l’économiste américain Joseph Stiglitz : « Maintenant, un bus suffit pour rassembler les milliardaires qui possèdent la moitié des richesses mondiales. » Pour poursuivre, il aurait fallu deux wagons ou un peu plus pour véhiculer les milliardaires les plus riches en 2010. Cette image résume à elle seule l’accumulation de richesses et le creusement des inégalités sans précédent dans le monde depuis la fin du XIXe ou au début du XXe siècle.

« En 2015, 62 personnes possédaient à elles seules les mêmes richesses que 3,5 milliards de personnes (soit la moitié la plus pauvre de l’humanité), contre 388 personnes en 2010 », rappelle le dernier rapport Oxfam sur les inégalités, publié le 18 janvier. Ces 62 milliardaires ont vu leur fortune augmenter à la vitesse de la lumière : + 44 % entre 2010 et 2015, soit une hausse de 542 milliards de dollars. Leur fortune cumulée représente désormais 1 760 milliards de dollars. Dans le même temps, « les richesses de la moitié la plus pauvre de l’humanité ont diminué de plus de mille milliards de dollars au cours de la même période, soit une chute de 41 % », souligne Oxfam.

Ces chiffres, publiés désormais chaque année à la veille du sommet de Davos qui réunit « l’élite » économique mondiale, finissent manifestement par agacer. Beaucoup y voient une jalousie contre les responsables qui ont réussi. Des critiques ont commencé à circuler sur les analyses de l’ONG Oxfam. Les comparaisons frappent l’imagination mais ne reflètent pas la réalité, est-il rétorqué.

Les statistiques d’Oxfam s’appuient sur les rapports sur la richesse mondiale établis chaque année par le Crédit suisse, car ils ont l’avantage d’estimer les patrimoines entiers – qui sont devenus les principaux moteurs de l’accumulation des grandes fortunes, compte tenu de l’inflation des différents actifs immobiliers et financiers – plutôt que les seuls revenus. Parmi les reproches formulés contre ces estimations, figure leur méthodologie qui conduit dans les calculs des richesses à déduire les dettes accumulées. « Les propriétaires américains qui ont souscrit des emprunts désormais supérieurs à la valeur de leur maison se retrouvent parmi les plus pauvres au monde », ironise ainsi The Economist.

En mai dernier, l’OCDE avait publié un rapport sur les inégalités dans le monde. Sa méthodologie est totalement différente. Mais l’institution arrivait aux mêmes conclusions. « Au cours des 30 dernières années, les inégalités de revenu se sont creusées dans la plupart des pays de l’OCDE, pour atteindre parfois des niveaux historiques. Le coefficient de Gini – une mesure courante des inégalités de revenu qui varie entre 0 lors d’une égalité totale de revenu et 1 lorsque le revenu total va à une seule personne – s’élève aujourd’hui en moyenne à 0,315 dans les pays de l’OCDE. Il dépasse 0,4 aux États-Unis et en Turquie et frôle 0,5 au Chili et au Mexique », écrivait-il d’emblée. Tandis que les 1 % s’enrichissent, 40 % de la population mondiale s’appauvrit, était-il rappelé.


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