« Pour un soulèvement écologique » de Camille Etienne Dépasser notre impuissance collective

, par JN

Pour un soulèvement écologique

« Pour un soulèvement écologique » sous-titre : Dépasser notre impuissance collective. Edité aux éditions du Seuil, il a été écrit par une jeune femme de 25 ans, Camille Etienne. C’est une montagnarde née dans un village de Savoie d’un père guide de haute montagne et d’une mère très sportive. C’est un grande sportive elle même et aussi une grosse tête : Sciences Po Paris et des études de philosophie en même temps. Ecologiste convaincue, elle est très active dans les médias.

Le premier chapitre commence par une citation : « La planète est encore assez vaste et assez riche pour le nombre de ses habitants ; mais il y a un grand péril en la demeure, c’est que les appétits de l’homme sont devenus des besoins impérieux que rien n’enchaîne, et que si ces besoins ne s’imposent pas, dans un temps donné, une certaine limite, il n’y aura plus de proportion entre la demande de l’homme et la production de la planète...Si on n’y prend garde, l’arbre disparaîtra et la fin de la planète viendra par déssèchement, sans cataclysme, par la faute de l’homme. N’en riez pas, ceux qui ont étudié la question n’y songent pas sans épouvante. »
Qui donc a écrit ça ? Paul Ariès ? André Gorz ? Yvan Illich ? Nicolas Hulot ? José Bové ?
Non, Georges Sand, en 1872. Ce qui prouve que 100 ans exactement avant le Rapport Meadows et le Club de Rome, George Sand et ceux qui l’ont inspirée avaient compris ce que certains n’ont toujours pas compris cent cinquante ans plus tard : qu’une croissance infinie n’est pas possible dans un monde fini.

L’épouvante, c’est bien ce qui anime l’autrice ; elle dit avoir peur, et la peur, ça peut paralyser, décourager. D’ailleurs, elle dit qu’ au début, elle a ressenti un fort sentiment d’impuissance, mais elle s’est reprise. Dans le premier chapitre intitulé : « Ode au vertige » Elle montre plusieurs exemples de dégradations de l’environnement qui donnent des raisons d’avoir très peur pour la suite, mais la philosophe qu’elle est aussi se range à l’avis du philosophe Gunther Anders quand il déclare : «  Il ne convient pas de fuir la peur dans l’ignorance voire l’insouciance, il faut faire de la peur un instrument de lucidité et d’adaptation au présent.  »
Car on peut agir. Le chapitre deux est intitulé : « Il nous est encore permis d’espérer », car dit-elle : «  Il n’y a pas de fatalité à la force destructrice de l’espèce humaine, qui relève avant tout de l’excroissance d’une civilisation précise. Et elle ajoute : Le dérèglement climatique n’est pas une fatalité, c’est une guerre qui ne dit pas son nom entre ceux qui ont intérêt à ce que rien ne bouge et ceux qui ont tout à y gagner, mais qui, pour certains, ne le savent pas encore. » Et le troisième chapitre montre comment ceux qui ont intérêt à ce que rien ne bouge s’y prennent. Ils manipulent l’opinion, et elle appuie son argumentation en nous montrant comment l’Américain Edward Bernays un neveu de Freud, a fondé la publicité moderne. Comment en utilisant les ressources de la psychologie, il a réussi, entre autres exploits, à faire fumer les Américaines et doubler ainsi la consommation de cigarettes. L’autrice s’en prend aussi, bien sûr, à Total et à son patron Mr Pouyané, montrant comment il s’infiltre par son sponsoring dans le sport, les écoles, les universités, les laboratoires de recherche.Heureusement, certains comme Polytechnique ont refusé sous la pression des étudiants et des enseignants.

Comment agir est l’objet des deux derniers chapitres intitulés : « Celles et ceux qui se soulèveront » et « La désobéissance. »
D’abord dit-elle : « Penser l’action comme la construction d’un après qui est déjà là, et non comme l’unique destruction des structures nocives du monde. » Ensuite refuser les fractures que ce soit entre générations, il y a pas mal de retraités écolos qui agissent, ni sociales, en rejetant les pauvres qui sont les premières victimes mais n’ont pas toujours les moyens d’agir, ni nationales en ne laissant pas les Ougandais et les Tanzaniens lutter seuls contre Total et son oléoduc dévastateur. Car la seule fracture sociale est entre les riches qui détruisent et les autres qui subissent. Il faut aussi, insiste-t-elle, faire la liaison avec les luttes féministes et antiracistes. Elle mène aussi une réflexion sur l’action politique qui est «  cet ’’agon ’’ où le rapport de force est nécessaire. » Ce n’est pas sans inconvénients pour ceux qui se soulèvent pour le créer, mais ces inconvénients sont très variables selon sa place dans la société, et la sécurité dont on jouit par ailleurs. En Ouganda ou en Tanzanie, lutter contre Total, même de façon très pacifique, avec des pancartes, peut vous mener en prison. Ce n’est pas, ou pas encore, le cas en France.
C’est un livre dense mais d’accès facile, écrit avec compétence et passion par une autrice, rappelons le, âgée de 25 ans. Il combine documentation solide, réflexion philosophique et politique, avec l’expérience personnelle de cette Savoyarde qui voit les effets du réchauffement sur les montagnes où elle vit. C’est un appel à agir et à résister pour chacun là où il se trouve et avec les moyens qu’il dont il dispose. Et elle cite Einstein : «  Le monde ne sera pas détruit par ceux qui font le mal, mais par tous ceux qui les laissent faire.  »