Interpellation des députés au sujet de la ratification du CETA

Suite à notre campagne d’interpellation des députés au sujet de cette ratification, des députés répondent et donnent leur position. Ci-dessous le courrier de M. Boris Vallaud, député PS des Landes (groupe Nouvelle gauche) :

Madame,

Vous m’avez interpelé sur le vote qui sera le mien aujourd’hui à l’Assemblée nationale sur le CETA.

Nul ne saurait aujourd’hui contester que la question écologique emporte avec elle l’impérieuse nécessité de reconsidérer radicalement notre rapport au libre-échange. De ce point de vue là, le CETA est un accord du passé, qui roule à contre-sens des enjeux écologiques, sanitaires et démocratiques de l’époque.

A contre-sens des enjeux écologiques et sanitaires d’abord, tant les garanties font défaut concernant le véto climatique, le principe de précaution tel que la France et l’Europe l’ont construit ainsi que le rappelle le rapport Schubert, l’utilisation des farines animales proscrites en Europe depuis la crise de la vache folle, les nouveaux OGM ou l’usage de l’un des 46 produits phytosanitaires interdits en Europe mais autorisés au Canada. Insécurité sanitaire qui abîme la santé, de tous et de toutes, autant qu’elle fait le jeu d’une concurrence déloyale pour nos agriculteurs et singulièrement pour la filière bovine.

Car il est besoin de l’affirmer avec encore plus de force aujourd’hui qu’hier, la nourriture n’est pas une marchandise comme les autres. On ne saurait tolérer qu’une agriculture soit prédatrice d’une autre, mette à bas des écosystèmes paysans et menace la souveraineté alimentaire, c’est le sens même de l’agro-écologie : nous avons besoin de toutes les agricultures du monde pour nourrir la planète.

Un CETA à contre sens des enjeux démocratiques ensuite tant demeure préoccupant, dans son principe même, le recours aux tribunaux arbitraux à concurrence de nos institutions judiciaires démocratiquement établies et contrôlées. Un recours à la justice privée qui sape la légitimité des Etats et atteint un peu plus encore à la puissance publique mise à l’épreuve comme jamais par les multinationales.

Enjeu démocratique aussi que l’institution d’une « coopération réglementaire » à concurrence de notre pouvoir autonome à légiférer, qui confie à un comité réglementaire le soin d’harmoniser les normes européennes et canadiennes.

Enjeu démocratique enfin la libéralisation de secteurs publics entiers selon le principe dit des « listes positives » : tout secteur qui n’aura pas été explicitement mentionné comme protégé dans le traité pourra être ouvert à la concurrence.

Face au péril climatique comme à la mondialisation déloyale, nous ne saurions plus admettre d’accord de libre-échange en échange de rien. Nous devons faire des accords commerciaux des leviers pour promouvoir les meilleures normes environnementales, sociales et démocratiques, pour que la concurrence cesse de se faire par l’affaiblissement de celles-ci et au contraire par l’innovation, la qualité et la diversité des produits et services.

Ainsi que le déclaraient en janvier 2017 les euro députés socialistes français, « la réponse aux crises démocratiques, sociales et écologiques que nous traversons ne passe pas par les vieilles recettes qui ont échoué : les excès de la mondialisation libérale ont contribué à aggraver les inégalités économiques, exposé des secteurs sensibles, contribué à dégrader l’environnement.

Au XXIème siècle, les citoyens exigent davantage de protections pour les salariés et les consommateurs.

Nous restons favorables au juste échange ; c’est pourquoi, nous plaidons pour une nouvelle doctrine du commerce international, qui passe par cinq principes non négociables et nécessite la transparence des négociations :

  • – l’exclusion des services publics et le recours aux listes positives ;
  • – le respect de nos indications géographiques et des filières agricoles sensibles et de nos préférences en matière sociale, environnementale et sanitaire ;
  • – le refus de la coopération règlementaire qui limite le droit à l’autodétermination des démocraties ;
  • – l’instauration d’un mode de règlement des conflits liés à l’investissement qui respecte le droit et les règles issues des institutions démocratiques ;
  • – l’inclusion des questions climatiques et fiscales dans les accords. »

Comme eux hier, avec tous les députés socialistes, je voterai résolument contre le CETA aujourd’hui.

Boris VALLAUD – Député