AGCS et services publics : Attac 45 écrit aux maires du Loiret - introduction au dossier AGCS pour les élus locaux (févr. 2007) Extrait de la Lettre d’attac 45 n°40, hiver 2007

Dans le cadre de notre engagement et notre travail sur le bien commun et les services publics, Attac 45 a fait parvenir à l’ensemble des communes du Loiret (334, dont une énorme majorité de communes rurales) un dossier de sensibilisation à L’AGCS, et une proposition de motion pour déclarer une territoire "hors-AGCS" : nous reproduisons ci-dessous la lettre de présentation.

Objet : proposition d’un voeu " commune hors AGCS " au Conseil municipal.

Madame la Maire, Monsieur le Maire,

Depuis plusieurs années, les services publics sont mis à mal dans de nombreuses collectivités locales : fermetures de lignes de transport, d’hôpitaux, de classes, de bureaux de poste... Alors que l’exode rural s’est inversé dans notre pays depuis les années 70, la densité des services offerts ne cesse de s’amoindrir.

C’est un mouvement général : en France comme dans les autres pays, les services publics sont pris pour cible, promis à l’étau des privatisations ou délibérément placés en situation de faiblesse pour dégrader leur capacité de réponse aux besoins des usagers, de conduite de leurs missions. L’Organisation mondiale du commerce (OMC) entend pousser plus loin cette politique de "déstructuration" des services publics avec l’Accord Général sur le Commerce des Services (AGCS), véritable programme d’ouverture des marchés publics qui vise à la mise en concurrence mondialisée de tous les services.

L’AGCS : UN PROGRAMME POUR SOUSTRAIRE TOUS LES SERVICES DU BIEN PUBLIC

De nombreux domaines liés à la cohésion sociale du territoire, au libre accès de tous au principe d’égalité et de solidarité, sont visés par l’AGCS : la santé, l’éducation, l’énergie, l’air, l’eau, les transports, les télécommunications, la culture, les loisirs, le traitement des déchets, les services aux personnes âgées, etc… L’AGCS menace tout ce qui vient gêner la "libre concurrence", tout ce qui est un prétendu "obstacle technique au commerce" : telles les subventions aux services de culture, bibliothèques, crèches, hôpital public, protection sociale, transports ferroviaires...

La logique de l’OMC est celle des appels d’offre au niveau international, permettant aux entreprises transnationales de récupérer de nombreux domaines d’activité qui pour l’instant leur échappent encore. L’AGCS signe ainsi la fin de toute intervention politique et collective dans les domaines économiques et sociaux. L’AGCS signe aussi la fin de la démocratie, car l’exercice par les élus de leur pouvoir est extrêmement limité par l’accord. Que restera-t-il à une collectivité dans ses choix d’aides ou de subventions ? Dans ses choix de services publics ? Quel pouvoir restera-t-il à un élu régional, départemental ou municipal puisque lors d’une passation de marché public, l’OMC pourra juger que les charges inscrites dans le cahier des charges sont des "obstacles non nécessaires" ! Les territoires deviendront des marchandises, en concurrence les uns avec les autres, afin d’être "attractifs". Les élus ne seront plus que des "commerciaux", une simple "force de vente", des voyageurs de commerce.

Notons qu’à cette déréglementation grandeur mondiale du commerce et de l’investissement, l’AGCS ajoute la création, par étapes successives, d’un marché mondial du travail temporaire. Ce qui renforcera considérablement la compétition entre travailleurs, tirera les salaires et les conditions de travail vers le bas et poussera à des mobilités non choisies, aggravant les dé-structurations sociales et familiales (en effet, l’article 16.1 de l’AGCS stipule que "Les Etats membres de l’OMC veillent à ce que ces prestataires soient uniquement soumis aux dispositions nationales de leur Etats membres d’origine". On retrouve ainsi la notion de "pays d’origine" qui est au centre de la directive dite "Bolkestein" qui, sous couvert de simplification administrative, anticipait les effets escomptés pour l’AGCS.

Les collectivités locales souffrent déjà de tensions sociales et économiques, d’exclusions et d’inégalités. Les territoires sont mis à mal par les logiques de la mondialisation financière ; les délocalisations d’entreprises s’opèrent dans un arbitraire total, meurtrissant l’emploi et les finances locales ; les élus sont invités à organiser la concurrence des communes et territoires entre eux et, dans un moins disant social et écologique sans fin, à dégrader l’environnement, la solidarité, la sécurité. Dans ce cadre, on enregistre des tensions croissantes entre collectivités et prestataires de service (eau, déchets urbains, transports et restauration scolaire, etc.). Finalement, l’emploi, la formation, la culture, la santé, le logement, les infrastructures sont profondément fragilisés et deviennent autant d’enjeux de civilisation. L’Accord Général sur le Commerce des Services a pour objectif d’accélérer la mise en concurrence de tous les services (sauf les services régaliens) et de figer irréversiblement ces choix économiques pour l’avenir.

QUI S’OPPOSE A L’AGCS ?

 De nombreux élus s’inquiètent de leurs prérogatives et responsabilités électives dans les conditions actuelles, et certains refusent de se soumettre à cette instance non élue qu’est l’OMC. Ainsi :

 Septembre 2004 : naissance d’un Réseau national des élus et collectivités "hors AGCS".

 Novembre 2004 : tenue des Etats généraux des collectivités "hors AGCS", conjointement organisés par des élus et ATTAC, pour réfléchir sur les alternatives à opposer à ces mesures de désorganisation territoriale et de cohésion sociale.

 Octobre 2005 : tenue de la 1ère Convention internationale des collectivités locales pour la promotion des services publics à Liège. Cette Convention se réunit pour la deuxième fois à Genève les 28-29 octobre 2006.

A ce jour, plus de 1000 collectivités locales de toutes tailles et de toutes tendances politiques se sont engagées contre l’AGCS en se déclarant contre ce traité, et/ou en exigeant le moratoire des négociations. Le mouvement dépasse largement la France, puisqu’il est conduit aussi dans de nombreux pays européens, mais aussi hors de l’Union européenne (Suisse, Canada, USA). Dans la Région Centre, le Conseil Régional s’est déclaré zone Hors-AGCS ainsi que plusieurs communes (vr annexe p. 6).

Notons aussi qu’une Fédération nationale des collectifs pour la défense des services publics regroupe les collectifs locaux.

POURQUOI CE COURRIER ?

Aujourd’hui, nous vous invitons à consacrer un peu de temps à prendre connaissance des documents ci-joints, et à les soumettre à votre conseil municipal en lui proposant de s’associer à cette démarche : plus nombreuses seront les collectivités territoriales qui prendront position, plus nous aurons de chances de faire reculer ce projet dangereux et anti-démocratique.

Nous appelons de nos vœux que votre conseil municipal déclare votre collectivité « Hors AGCS » pour accroître la pression citoyenne exigeant un moratoire de ces négociations.

Nous sommes à la disposition de votre conseil municipal et de vous-même pour vous donner d’autres informations sur cette question ou pour en débattre.

Dans l’attente, nous vous prions de recevoir, Madame la Maire, Monsieur le Maire, l’expression de nos salutations distinguées.

Pour ATTAC 45,
Le Président

PS. Si votre conseil municipal décide de prendre une délibération sur cette question, nous vous saurions gré de bien vouloir nous en faire parvenir un exemplaire.

Ci-joint :

 Document explicatif : "L’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) et l’Accord Général sur le Commerce des Services (AGCS) : pour en savoir plus" (p.1).
 La liste des collectivités locales de la région Centre qui se sont déclarées "zones hors AGCS" (p.5).
 Un exemple de motion pouvant servir de base à la réflexion et à la délibération de votre conseil municipal (p.6).
 La Résolution de Liège (p.7).
 Une présentation de l’association ATTAC et des revendications que nous portons dans le domaine de l’AGCS (p.8).