Une éducation de moins en moins nationale, par Gilles Ferté (juin 2003) Extrait de la Lettre d’attac 45 n°20, juin 2003

Si les personnels de l’Education Nationale se sont massivement impliqués dès le début des mouvements sociaux actuels, c’est parce qu’ils s’opposent non seulement à la loi sur les retraites, qui leur impose de travailler plus longtemps pour finalement toucher moins, mais aussi à de nombreux projets qui annoncent un démantèlement véritable de l’Education Nationale, en vue d’une privatisation future (l’appellation « décentralisation » constituant un leurre destiné à faire oublier l’amertume de la pilule au grand public) :

 Transfert aux régions de la gestion des personnels ouvriers, d’entretien et de service (les conseillers d’orientation, assistantes sociales et médecins scolaires, qui devaient les rejoindre dans la même galère, ont finalement été épargnés après de multiples rencontres entre les syndicats et le gouvernement).

 Remplacement des surveillants et aide-éducateurs (« emploi-jeunes ») par des « assistants d’éducation » en nombre beaucoup plus restreint (16000 postes contre 25600).

 Transfert aux collectivités territoriales de la formation professionnelle (dont la carte des formations revenait déjà aux régions), et donc des personnels des lycées professionnels.

 Désengagement de l’Etat sur la gestion des universités, autonomie de leur fonctionnement et prise en charge de leur budget par les collectivités territoriales, fermeture des universités de taille plus modeste. . Diminution du nombre d’enseignants : à titre d’exemple, dans les écoles en 2004, 3400 départs à la retraite ne seront pas remplacés alors qu’il y aura 40000 élèves supplémentaires.

Les conséquences apparaissent clairement :

 Une baisse de la qualité de l’enseignement et de l’encadrement au détriment des élèves. La réduction des effectifs d’adultes dans un tablissement diminue le nombre de repères pour des jeunes qui en manquent parfois cruellement, et augmente le risque d’incidents.
L’éclatement de la communauté éducative rend celle-ci moins forte pour aborder les problèmes au quotidien et mettre en œuvre des projets. Des classes plus chargées rendent moins efficace la transmission des savoirs et des savoir-faire.

 Un risque fort de privatisation de certaines missions, tels que l’entretien (qui serait confié à des entreprises venant en soirée, donc plus personne pour nettoyer pendant la journée ...) et la restauration (donc plus de nutritionniste visant les menus pour assurer l’équilibre alimentaire). De plus, cette ouverture au privé se traduirait par une augmentation des coûts, que les parents devront prendre en charge dans le cas de la restauration.

 Une dépendance accrue des entrepreneurs locaux en ce qui concerne la formation professionnelle, au détriment des besoins et désirs des élèves ainsi que de leur formation individuelle et citoyenne.
 Une équité entre établissements et entre régions qui ne serait plus assurée. A plus long terme (mais pas si long que cela ...), ce démantèlement de l’Education débouchera sur une ouverture massive aux investissements privés, tel que le prévoit l’AGCS (Accord Général sur le Commerce des Services). R. Mezin, conseiller technique chargé de la décentralisation au Ministère de l’Education, ne le cache pas : « L’éducation est un produit (...) qui devra supporter de plus en plus les contraintes de la concurrence et de la mondialisation ». Et n’oublions pas que depuis le 5 mars dernier, le Ministère de l’Education Nationale est devenu par décret Ministère de l’Education ...

Les personnels, enseignants et non enseignants, s’insurgent contres ces atteintes d’une gravité extrême mettant en jeu la qualité et la cohérence de l’action éducative. Ils réclament le retrait complet de ces projets et l’ouverture de négociations sur des bases nouvelles. Ce retrait permettra également de stopper certains chantiers où pour l’instant le gouvernement est au stade des déclarations ou des prospections : suppression des professeurs remplaçants, modification du statut des enseignants en le rapprochant du modèle britannique (32 heures d’activité comprenant aussi l’orientation, le suivi social, ... modèle jugé catastrophique par la population), disparition des petites et moyennes sections de maternelle (déjà des enquêtes sont menées par la CAF auprès des assistantes maternelles pour préparer ce projet). Et aussi de porter un coup d’arrêt, insuffisant certes, au train infernal de l’AGCS.


Gilles Ferté,
Attac 45