Document soutenu par le Collectif des Associations de Défense de l’Environnement du Pays Basque (CADE), sa Commission Eau et les associations la composant : Action Citoyenne Environnementale (ACE) et Coordination Santé Environnement
Attac Pays Basque a mené une première analyse du projet de Sage Adour aval dans le cadre de l’enquête publique en cours. Voici ci-dessous notre analyse du Plan d’aménagement et de développement durable (PAGD) produit par l’Institution Adour dans le cadre des travaux préparatoires du SAGE. Voici le courrier envoyé au commissaire enquêteur.
Cadre
général
Nous
nous étonnons
de l’absence de documents non-techniques réellement
synthétiques
dans le cadre d’une consultation du public sur le SAGE Adour aval.
La somme de documents à
lire et à comprendre est tout simplement décourageante pour un.e
citoyen.ne qui souhaiterait y participer. Dans ces conditions, nous
recommandons une prolongation significative de cette consultation
avec la mise à disposition de documents de synthèse pertinents,
comme l’a déjà fait remonté l’autorité environnementale.
Par ailleurs, nous constatons que la validation des partenaires sur les documents préparatoires n’a permis de faire ressortir que 12 avis favorables sur 76, avec également 4 avis défavorables et surtout 59 abstentions. Dire comme la CLE que le SAGE actuel présente 93 % d’avis favorables est une supercherie : il n’y a à ce jour que 16 % d’avis favorables et 77 % d’indécis ou de services qui n’ont pas en interne les compétences pour juger d’un tel document. Là encore, nous demandons que les partenaires se prononcent et s’engagent sur ce SAGE qui, en l’état, manque singulièrement de légitimité.
Analyse
du PAGD :
§« perspectives
d’évolution du territoire et de mise en valeur des ressources »
« Concernant
la population saisonnière, l’augmentation de la fréquentation
touristique ne conduira pas nécessairement à une urbanisation
accrue mais permettra une utilisation optimisée des infrastructures
existantes. »
Nous contestons totalement cet avis. Actuellement, le Pays Basque comprend près de 20% de logements secondaires avec plus de 12.000 logements vacants et de plus en plus de difficultés à se loger pour ses habitants qui sont parfois obligé d’habiter à plus d’une heure de transport de leur lieu de travail. Pour des villes comme Guétary, Saint-Jean de Luz ou Biarritz, le taux de logement secondaire atteint 40 à 50% (source : « Reporterre » du 29 mai 2021). Certaines communes se vident de leurs occupants permanents, allant jusqu’à la fermeture de poste d’enseignants comme à Urrugne. Le taux d’urbanisation des terres ne cesse de croître, comme au niveau national, toujours au détriment des terres agricoles et des zones naturelles (projet de centre oncologique à Bayonne, zones commerciales et d’habitation à Sutar, etc…).
Dans
ces conditions et alors que le SAGE pourrait être un des moyens de
lutte contre ces dérives catastrophiques
pour les populations comme pour le milieu naturel, comment peut-on
parler d’optimisation des infrastructures existantes ?
« Concernant
les besoins en eau potable et assainissement, c’est la population
présente simultanément à un moment donné qui déterminera les
besoins de pointe. Ces besoins devraient augmenter progressivement si
la fréquentation touristique en période estivale (période
d’affluence maximale) continue d’augmenter. Ceci nécessitera un
renforcement des capacités des usines de potabilisation et
d’épuration pour
un supplément de consommation relativement faible. A
l’inverse, le renforcement de la fréquentation en début et fin de
saison contribuera à faire augmenter les consommations (donc
les revenus) sans
nécessiter d’aménagements supplémentaires. »
Une
partie des stations d’épuration dysfonctionnent dès aujourd’hui.
Nous avons toujours un réseau non séparatif dans de très
nombreuses communes qui entraîne des
saturations du réseaux d’assainissement lors des
épisodes pluvieux. Certaines de nos plages (Ouhabia nord) sont
toujours interdites à la baignade pour cause de pollution des eaux.
Toutes les études prospectives sur le changement climatique montrent
qu’il y aura une baisse de la ressource en eau partout et notamment
au Pays Basque. Inversement, tout est fait pour augmenter le taux de
fréquentation touristique, sans se préoccuper des capacités du
territoire à supporter cette pression. Dans ces conditions, nous
remettons en cause ce diagnostic partial et nous nous interrogeons
sur l’intérêt de mentionner une potentielle hausse des revenus pour
compenser ces hausses de consommations sans nécessité d’équipements
supplémentaires.
Bien au contraire, le Pays Basque demande un investissement massif au
moins sur l’épuration et un retour à une économie locale plus
pérenne et socialement positive, à l’inverse d’une économie
délétère basée sur le tourisme de masse.
§
« Divers
climat »
Les
auteurs n’ont probablement pas eu le temps de modifier leur
diagnostic suite au dernier rapport du GIEC, ce qui explique sans
doute le virage à 90° entre ce SAGE et les préconisations des
experts internationaux
pour lutter contre le réchauffement climatique.
Le
« etc. » en fin de chapitre est hors de propos et totalement
inconséquent face aux enjeux
qui sont majeurs,
tant
au niveau local que
global. Il
est donc nécessaire d’en connaître très précisément tous les
risques
et
si possible de les quantifier,
notamment sur la hausse du niveau marin et sur le recul du trait de
côte. Si
les données sont manquantes sur le territoire, cela demande à être
identifié et corrigé. Et c’est potentiellement une des missions
du SAGE, que nous n’avons pas retrouvé dans le document.
« Dans
le contexte du changement climatique et en envisageant l’utilisation
des mêmes techniques d’irrigation,
les prélèvements pour l’irrigation seraient susceptibles
d’augmenter. »
Là
encore, quels sont les chiffres qui permettent de fonder cet avis,
alors qu’il est dit dans le § précédent que les modifications
climatiques vont générer des baisses de la ressource en eau ? Le
SAGE va même jusqu’à valider la continuité et le renforcement de
cultures consommatrices d’eau et de biocides comme le maïs au lieu
de se positionner comme accompagnateur d’une transition agricole
adaptée aux territoires et au changement climatique. C’est non
seulement sans ambition, mais également complètement décalé face
aux attentes locales dont nous rappelons ici l’importance :
consommation locale, diversité des cultures, achat/vente aux
producteurs, circuits courts. De nombreux organismes portent avec
succès ces problématiques comme EHLG ou BLE. Les arguments avancés
dans le PAGD ne reflètent pour nous qu’un seul discours, celui de la
FNSEA et des tenants de l’agro-industrie productiviste qui détruit
l’environnement, nos ressources en eau, notre santé et le tissu
social local tourné vers une agriculture beaucoup plus diversifiée
et saine que celle qui est mentionnée par le SAGE.
§
« Assainissement
collectif »
Pas
de mention faite de l’absence de réseau séparatif sur de nombreux
secteurs. Pas de mention faite des stations qui dysfonctionnent
actuellement. Pas de mention faite des fermetures préventives de
plages lorsque les stations débordent les jours de pluie. Pas de
mention faite des régulières alertes des services médicaux de
baigneurs, nageurs, surfeurs atteints de maladies typiques de contact
avec des eaux polluées. Est-ce un oubli ou une volonté de ne pas
s’attaquer au problème ? Au vu de la déception globale sur ce
document, Attac Pays Basque penche pour la deuxième réponse.
§
« Assainissement
non collectif »
Le
conditionnel employé dans le diagnostic sur l’assainissement non
collectif est totalement hors de propos. Il est urgent de renforcer
les SPANCs et de connaître très précisément quels sont les
territoires à risque, les méthodes pour supprimer ce risque et de
définir un agenda pour lutter contre la pollution organique diffuse.
Surtout
le fatalisme de dire que « les
difficultés déjà connues par les SPANC pour la mise aux normes des
systèmes non-conformes par les particuliers existeront
toujours » démontre
le peu d’ambition du SAGE sur ce secteur. Au contraire, le SAGE
pourrait être le moyen de permettre d’effacer ces difficultés. S’il
ne le fait pas, c’est son choix, mais on peut alors se poser la
question de sa légitimité et de son intérêt.
§
« Tourisme
et loisirs »
Le
tourisme de masse comme le subit le Pays Basque et une bonne partie
des Landes est une des économies les plus destructrices pour les
territoires, tant au niveau social qu’environnemental :
saturation des infrastructures, dégradation des monuments et des
sites, risque de mono-activité touristique au détriment du reste de
l’économie, nuisances environnementales, pression à la hausse des
prix à la consommation, « confiscation » de certains lieux,
raréfaction des logements proposés à la location des habitants et
la hausse des loyers…. Il est inconséquent pour un SAGE de ne pas
tenir compte de ces points négatifs et de valider sans critique
cette politique touristique locale.
Il
ne faut pas maintenir et encore moins développer l’attractivité
touristique du Pays Basque qui montre déjà des signes de
saturation, saturation que le SAGE valide d’ailleurs dans son état
des lieux. Il faut au contraire la réguler, notamment en arrêtant
de communiquer sur une soi-disant excellente qualité de nos plages,
maintenue artificiellement grâce à près de 300j de fermeture
préventive par an.
§
« Aménagement
du territoire »
Aucune
mention du Zéro artificialisation nette ? Est-ce bien correct
pour un document de l’importance du SAGE ? Encore un grand
manque d’ambition alors que l’artificialisation augmente sans
cesse, et que le mitage du territoire se poursuit, malgré la
soi-disant promotion de la « limitation
de la dispersion de l’habitat et le renouvellement urbain »,
dont les résultats sont actuellement nuls.
Enfin, « les
relations entre les acteurs de l’eau et de l’urbanisme » ne
doivent pas être renforcées, elles doivent respecter les avis des
services de l’eau et tenir compte des capacités des milieux tant
pour les problématiques eau potable qu’assainissement ou
consommation des espaces naturels et agricoles.
§
« Agriculture »
Pour rappel, les zones tampons à proximité des cours d’eau (bandes enherbées, ripisylve) sont obligatoires depuis de nombreuses années. Le SAGE, lui, « incite fortement les acteurs locaux à mettre en place des bandes tampons entre les surfaces agricoles cultivées et les berges ». De fait, c’est une régression. On n’en est pas à l’incitation, mais à l’application réglementaire !
Conclusions
Nous
nous permettrons d’utiliser le même procédé que les rédacteurs du
PAGD pour le reste du document qui nous a autant intéressé qu’ils
ont été intéressé par les problèmes
climatiques
: « etc. »
En
effet, le
reste du PAGD est un pensum avec déclaration d’intention,
communication et sensibilisation à tous les étages. Les budgets
sont pour bonne partie inexistants à l’aune des enjeux, notamment
sur les réseaux séparatifs pour l’assainissement. Beaucoup de
bilan et d’outils de suivis mis en œuvre, souvent en doublons de
ce qui existe déjà, mais très peu d’action réelle.
Même
pour des problèmes clés comme la contamination aux biocides des
captage d’Orist, les échéances sont de 5 à 8 ans et on ne parle
que d’incitation à réduire l’utilisation de biocides… dans le
cadre d’une problématique de santé publique qui dure déjà depuis
de nombreuses années et qui a déjà amené EHLG à invalidé le
PAGD.
Ce SAGE ressemble donc à une usine à gaz dont la préparation aura duré des années, coûté des fortunes, sans ambition marquée, avec des bonnes intentions, et un diagnostic à peu près correct, mais surtout insuffisant en terme d’analyse pour de nombreux secteurs, et néfaste pour d’autres.
Non
seulement ce SAGE manque singulièrement d’ambition, non seulement il
propose des diagnostics plutôt douteux, mais surtout, après
lecture, il ne sert visiblement qu’à conforter les politiques
publiques déjà en place : aucune avancées sur l’artificialisation,
l’aménagement du territoire, la gestion des milieux naturels,
l’assainissement, la politique touristique, etc. Sur chacun des
éléments clés, les politiques actuelles
sont reprises pour les valider, en rajoutant des observatoires, des
outils de communication, des réunions de concertation… un
sentiment de grand vide, alors même que c’est un document opposable
et qui pourrait tout à fait aller plus loin que les grands documents
d’orientation pour permettre une vraie prise en compte des besoins
du territoire.
Pire, il valide sur certains points un statu quo non réglementaire :
–
les agriculteurs ne respectent pas la mise en œuvre de zone tampons
en bordure de cours d’eau de certains bassins? Le Sage se limite à
des incitations, alors qu’ils y sont tenus réglementairement.
–
Il y a des déversements de biocides sur les périmètres de captage
? On va inciter les agriculteurs, dans un délai de 5 à 8 ans à ne
plus le faire, mais s’ils décident de passer outre, libre à eux.
–
Les SPANC n’ont pas les moyens de mettre à niveau les équipements
d’assainissement non-collectifs ? C’est la fatalité, on ne peut pas
résoudre les problèmes techniques qu’ils n’arrivent pas à gérer.
Ce manque total d’ambition que nous relevons a d’ailleurs été confirmé par la mission régionale de l’autorité environnementale. Pire, le PAGD favorise le statu quo sur des critères réglementaires que l’État n’arrive pas à faire appliquer.
C’est bien dommage, car comme document opposable, le Sage est un outil extrêmement puissant qui aurait pu par exemple, sur certains territoires, imposer le zéro artificialisation net. Il aurait pu également accélérer les échéances pour un réseau 100% séparatif plutôt que de valider la rénovation actuelle qui ne serait achevée que vers 2050 alors même que l’analyse des taux de renouvellement de réseau ne permet pas de respecter cette dead-line. Il aurait pu décréter par territoire la part acceptable de SAU utilisant des engrais et des biocides. Il aurait pu imposer le rapport entre les services des eaux et les aménageurs pour une réelle prise en compte des capacités de production d’eau potable et d’assainissement.
Il ne le fait pas, c’est plus que dommage, c’est une perte de temps. Et compte tenu de l’urgence climatique et écologique dans laquelle nous sommes, cette perte de temps devient de plus en plus catastrophique.