Participation à L’enquête Publique SAGE ADOUR AVAL 06/09/21- 06/10/21

Document soutenu par le Collectif des Associations de Défense de l’Environnement du Pays Basque (CADE), sa Commission Eau et les associations la composant : Action Citoyenne Environnementale (ACE) et Coordination Santé Environnement

Attac Pays Basque a mené une première analyse du projet de Sage Adour aval dans le cadre de l’enquête publique en cours. Voici ci-dessous notre analyse du Plan d’aménagement et de développement durable (PAGD) produit par l’Institution Adour dans le cadre des travaux préparatoires du SAGE. Voici le courrier envoyé au commissaire enquêteur.

Cadre général

Nous nous étonnons de l’absence de documents non-techniques réellement synthétiques dans le cadre d’une consultation du public sur le SAGE Adour aval. La somme de documents à lire et à comprendre est tout simplement décourageante pour un.e citoyen.ne qui souhaiterait y participer. Dans ces conditions, nous recommandons une prolongation significative de cette consultation avec la mise à disposition de documents de synthèse pertinents, comme l’a déjà fait remonté l’autorité environnementale.

Par ailleurs, nous constatons que la validation des partenaires sur les documents préparatoires n’a permis de faire ressortir que 12 avis favorables sur 76, avec également 4 avis défavorables et surtout 59 abstentions. Dire comme la CLE que le SAGE actuel présente 93 % d’avis favorables est une supercherie : il n’y a à ce jour que 16 % d’avis favorables et 77 % d’indécis ou de services qui n’ont pas en interne les compétences pour juger d’un tel document. Là encore, nous demandons que les partenaires se prononcent et s’engagent sur ce SAGE qui, en l’état, manque singulièrement de légitimité.

Analyse du PAGD :

§« perspectives d’évolution du territoire et de mise en valeur des ressources »

« Concernant la population saisonnière, l’augmentation de la fréquentation touristique ne conduira pas nécessairement à une urbanisation accrue mais permettra une utilisation optimisée des infrastructures existantes. »

Nous contestons totalement cet avis. Actuellement, le Pays Basque comprend près de 20% de logements secondaires avec plus de 12.000 logements vacants et de plus en plus de difficultés à se loger pour ses habitants qui sont parfois obligé d’habiter à plus d’une heure de transport de leur lieu de travail. Pour des villes comme Guétary, Saint-Jean de Luz ou Biarritz, le taux de logement secondaire atteint 40 à 50% (source : «  Reporterre » du 29 mai 2021). Certaines communes se vident de leurs occupants permanents, allant jusqu’à la fermeture de poste d’enseignants comme à Urrugne. Le taux d’urbanisation des terres ne cesse de croître, comme au niveau national, toujours au détriment des terres agricoles et des zones naturelles (projet de centre oncologique à Bayonne, zones commerciales et d’habitation à Sutar, etc…).

Dans ces conditions et alors que le SAGE pourrait être un des moyens de lutte contre ces dérives catastrophiques pour les populations comme pour le milieu naturel, comment peut-on parler d’optimisation des infrastructures existantes ?

« Concernant les besoins en eau potable et assainissement, c’est la population présente simultanément à un moment donné qui déterminera les besoins de pointe. Ces besoins devraient augmenter progressivement si la fréquentation touristique en période estivale (période d’affluence maximale) continue d’augmenter. Ceci nécessitera un renforcement des capacités des usines de potabilisation et d’épuration pour un supplément de consommation relativement faible. A l’inverse, le renforcement de la fréquentation en début et fin de saison contribuera à faire augmenter les consommations (donc les revenus) sans nécessiter d’aménagements supplémentaires. »

Une partie des stations d’épuration dysfonctionnent dès aujourd’hui. Nous avons toujours un réseau non séparatif dans de très nombreuses communes qui entraîne des saturations du réseaux d’assainissement lors des épisodes pluvieux. Certaines de nos plages (Ouhabia nord) sont toujours interdites à la baignade pour cause de pollution des eaux. Toutes les études prospectives sur le changement climatique montrent qu’il y aura une baisse de la ressource en eau partout et notamment au Pays Basque. Inversement, tout est fait pour augmenter le taux de fréquentation touristique, sans se préoccuper des capacités du territoire à supporter cette pression. Dans ces conditions, nous remettons en cause ce diagnostic partial et nous nous interrogeons sur l’intérêt de mentionner une potentielle hausse des revenus pour compenser ces hausses de consommations sans nécessité d’équipements supplémentaires. Bien au contraire, le Pays Basque demande un investissement massif au moins sur l’épuration et un retour à une économie locale plus pérenne et socialement positive, à l’inverse d’une économie délétère basée sur le tourisme de masse.

§ « Divers climat »

Les auteurs n’ont probablement pas eu le temps de modifier leur diagnostic suite au dernier rapport du GIEC, ce qui explique sans doute le virage à 90° entre ce SAGE et les préconisations des experts internationaux pour lutter contre le réchauffement climatique.

Le « etc. » en fin de chapitre est hors de propos et totalement inconséquent face aux enjeux qui sont majeurs, tant au niveau local que global. Il est donc nécessaire d’en connaître très précisément tous les risques et si possible de les quantifier, notamment sur la hausse du niveau marin et sur le recul du trait de côte. Si les données sont manquantes sur le territoire, cela demande à être identifié et corrigé. Et c’est potentiellement une des missions du SAGE, que nous n’avons pas retrouvé dans le document.

« Dans le contexte du changement climatique et en envisageant l’utilisation des mêmes techniques d’irrigation, les prélèvements pour l’irrigation seraient susceptibles d’augmenter. »

Là encore, quels sont les chiffres qui permettent de fonder cet avis, alors qu’il est dit dans le § précédent que les modifications climatiques vont générer des baisses de la ressource en eau ? Le SAGE va même jusqu’à valider la continuité et le renforcement de cultures consommatrices d’eau et de biocides comme le maïs au lieu de se positionner comme accompagnateur d’une transition agricole adaptée aux territoires et au changement climatique. C’est non seulement sans ambition, mais également complètement décalé face aux attentes locales dont nous rappelons ici l’importance : consommation locale, diversité des cultures, achat/vente aux producteurs, circuits courts. De nombreux organismes portent avec succès ces problématiques comme EHLG ou BLE. Les arguments avancés dans le PAGD ne reflètent pour nous qu’un seul discours, celui de la FNSEA et des tenants de l’agro-industrie productiviste qui détruit l’environnement, nos ressources en eau, notre santé et le tissu social local tourné vers une agriculture beaucoup plus diversifiée et saine que celle qui est mentionnée par le SAGE.

§ « Assainissement collectif »

Pas de mention faite de l’absence de réseau séparatif sur de nombreux secteurs. Pas de mention faite des stations qui dysfonctionnent actuellement. Pas de mention faite des fermetures préventives de plages lorsque les stations débordent les jours de pluie. Pas de mention faite des régulières alertes des services médicaux de baigneurs, nageurs, surfeurs atteints de maladies typiques de contact avec des eaux polluées. Est-ce un oubli ou une volonté de ne pas s’attaquer au problème ? Au vu de la déception globale sur ce document, Attac Pays Basque penche pour la deuxième réponse.

§ « Assainissement non collectif »

Le conditionnel employé dans le diagnostic sur l’assainissement non collectif est totalement hors de propos. Il est urgent de renforcer les SPANCs et de connaître très précisément quels sont les territoires à risque, les méthodes pour supprimer ce risque et de définir un agenda pour lutter contre la pollution organique diffuse.

Surtout le fatalisme de dire que « les difficultés déjà connues par les SPANC pour la mise aux normes des systèmes non-conformes par les particuliers existeront toujours » démontre le peu d’ambition du SAGE sur ce secteur. Au contraire, le SAGE pourrait être le moyen de permettre d’effacer ces difficultés. S’il ne le fait pas, c’est son choix, mais on peut alors se poser la question de sa légitimité et de son intérêt.

§ « Tourisme et loisirs »

Le tourisme de masse comme le subit le Pays Basque et une bonne partie des Landes est une des économies les plus destructrices pour les territoires, tant au niveau social qu’environnemental : saturation des infrastructures, dégradation des monuments et des sites, risque de mono-activité touristique au détriment du reste de l’économie, nuisances environnementales, pression à la hausse des prix à la consommation, « confiscation » de certains lieux, raréfaction des logements proposés à la location des habitants et la hausse des loyers…. Il est inconséquent pour un SAGE de ne pas tenir compte de ces points négatifs et de valider sans critique cette politique touristique locale.

Il ne faut pas maintenir et encore moins développer l’attractivité touristique du Pays Basque qui montre déjà des signes de saturation, saturation que le SAGE valide d’ailleurs dans son état des lieux. Il faut au contraire la réguler, notamment en arrêtant de communiquer sur une soi-disant excellente qualité de nos plages, maintenue artificiellement grâce à près de 300j de fermeture préventive par an.

§ « Aménagement du territoire »

Aucune mention du Zéro artificialisation nette ? Est-ce bien correct pour un document de l’importance du SAGE ? Encore un grand manque d’ambition alors que l’artificialisation augmente sans cesse, et que le mitage du territoire se poursuit, malgré la soi-disant promotion de la « limitation de la dispersion de l’habitat et le renouvellement urbain », dont les résultats sont actuellement nuls.

Enfin, « les relations entre les acteurs de l’eau et de l’urbanisme » ne doivent pas être renforcées, elles doivent respecter les avis des services de l’eau et tenir compte des capacités des milieux tant pour les problématiques eau potable qu’assainissement ou consommation des espaces naturels et agricoles.

§ « Agriculture »

Pour rappel, les zones tampons à proximité des cours d’eau (bandes enherbées, ripisylve) sont obligatoires depuis de nombreuses années. Le SAGE, lui, « incite fortement les acteurs locaux à mettre en place des bandes tampons entre les surfaces agricoles cultivées et les berges ». De fait, c’est une régression. On n’en est pas à l’incitation, mais à l’application réglementaire !

Conclusions

Nous nous permettrons d’utiliser le même procédé que les rédacteurs du PAGD pour le reste du document qui nous a autant intéressé qu’ils ont été intéressé par les problèmes climatiques : « etc. »

En effet, le reste du PAGD est un pensum avec déclaration d’intention, communication et sensibilisation à tous les étages. Les budgets sont pour bonne partie inexistants à l’aune des enjeux, notamment sur les réseaux séparatifs pour l’assainissement. Beaucoup de bilan et d’outils de suivis mis en œuvre, souvent en doublons de ce qui existe déjà, mais très peu d’action réelle.

Même pour des problèmes clés comme la contamination aux biocides des captage d’Orist, les échéances sont de 5 à 8 ans et on ne parle que d’incitation à réduire l’utilisation de biocides… dans le cadre d’une problématique de santé publique qui dure déjà depuis de nombreuses années et qui a déjà amené EHLG à invalidé le PAGD.

Ce SAGE ressemble donc à une usine à gaz dont la préparation aura duré des années, coûté des fortunes, sans ambition marquée, avec des bonnes intentions, et un diagnostic à peu près correct, mais surtout insuffisant en terme d’analyse pour de nombreux secteurs, et néfaste pour d’autres.

Non seulement ce SAGE manque singulièrement d’ambition, non seulement il propose des diagnostics plutôt douteux, mais surtout, après lecture, il ne sert visiblement qu’à conforter les politiques publiques déjà en place : aucune avancées sur l’artificialisation, l’aménagement du territoire, la gestion des milieux naturels, l’assainissement, la politique touristique, etc. Sur chacun des éléments clés, les politiques actuelles sont reprises pour les valider, en rajoutant des observatoires, des outils de communication, des réunions de concertation… un sentiment de grand vide, alors même que c’est un document opposable et qui pourrait tout à fait aller plus loin que les grands documents d’orientation pour permettre une vraie prise en compte des besoins du territoire. Pire, il valide sur certains points un statu quo non réglementaire :

– les agriculteurs ne respectent pas la mise en œuvre de zone tampons en bordure de cours d’eau de certains bassins? Le Sage se limite à des incitations, alors qu’ils y sont tenus réglementairement.

– Il y a des déversements de biocides sur les périmètres de captage ? On va inciter les agriculteurs, dans un délai de 5 à 8 ans à ne plus le faire, mais s’ils décident de passer outre, libre à eux.

– Les SPANC n’ont pas les moyens de mettre à niveau les équipements d’assainissement non-collectifs ? C’est la fatalité, on ne peut pas résoudre les problèmes techniques qu’ils n’arrivent pas à gérer.

Ce manque total d’ambition que nous relevons a d’ailleurs été confirmé par la mission régionale de l’autorité environnementale. Pire, le PAGD favorise le statu quo sur des critères réglementaires que l’État n’arrive pas à faire appliquer.

C’est bien dommage, car comme document opposable, le Sage est un outil extrêmement puissant qui aurait pu par exemple, sur certains territoires, imposer le zéro artificialisation net. Il aurait pu également accélérer les échéances pour un réseau 100% séparatif plutôt que de valider la rénovation actuelle qui ne serait achevée que vers 2050 alors même que l’analyse des taux de renouvellement de réseau ne permet pas de respecter cette dead-line. Il aurait pu décréter par territoire la part acceptable de SAU utilisant des engrais et des biocides. Il aurait pu imposer le rapport entre les services des eaux et les aménageurs pour une réelle prise en compte des capacités de production d’eau potable et d’assainissement.

Il ne le fait pas, c’est plus que dommage, c’est une perte de temps. Et compte tenu de l’urgence climatique et écologique dans laquelle nous sommes, cette perte de temps devient de plus en plus catastrophique.