Interview d’Aurélie Trouvé : « Nous ne voulons pas laisser croire que le capitalisme est la fin de l’histoire » Par Nicolas Massol — 30 mai 2020 dans Libération

jeudi 4 juin 2020

Pour la porte-parole d’Attac, le rôle des ONG est de faire infuser dans la société l’idée qu’un autre monde est possible, sans laquelle aucun parti de gauche ne pourra accéder au pouvoir.

Loin d’elle l’idée de remplacer les leaders politiques de la gauche. Même si, avec une vingtaine de syndicats et d’ONG, elle a participé à l’élaboration d’un plan de sortie de crise qui ressemble étrangement à une ébauche de programme commun, Aurélie Trouvé défend l’indépendance des ONG par rapport aux partis. Chacun son rôle : aux uns la conquête électorale du pouvoir, aux autres le travail idéologique de fond et de mobilisation sociale. « Je suis très "charte d’Amiens", finalement », s’amuse la porte-parole d’Attac, en référence à l’acte décrétant la séparation entre la CGT et les officines partisanes, adopté en 1906. Selon elle, le monde d’après pourrait finalement ressembler au monde d’avant-hier.

Comment vivez-vous la période actuelle ?

Avec inquiétude et espoir, c’est assez paradoxal. C’est une période de choc, où les choses s’accélèrent et peuvent déboucher sur un néolibéralisme économique encore plus autoritaire qu’avant et un bloc bourgeois qui s’impose davantage. J’ai en tête ce qu’il s’est passé en 2008 : les plans sociaux, l’austérité drastique et en Grèce, une tentative d’y résister, avant que Tsípras ne finisse par s’agenouiller devant les institutions européennes et la troïka… Et aujourd’hui, on en voit plus que les prémices, avec la suspension partielle du code du travail, le Medef qui demande de lever les contraintes environnementales au nom de la relance économique, le gouvernement qui propose de supprimer les 35 heures pour répondre à la crise de l’hôpital public… Par ailleurs, la dette et le déficit publics pourront être utilisés dans les mois qui viennent pour approfondir la casse de la protection sociale. Ça, c’est pour les craintes. De l’autre côté, pour les espoirs, on sent une prise de conscience, une radicalité dans la société, c’est-à-dire la nécessité de remettre en cause les racines du système. Mais ce n’est pas nouveau, à vrai dire : les mouvements « climat » et « gilets jaunes » prennent déjà en compte les enjeux écologiques, sociaux et démocratiques. J’espère que des réponses alternatives vont se construire dans la période actuelle et que les choses vont s’accélérer dans les mouvements sociaux.

On a l’impression qu’il y a plus de raisons d’avoir peur que d’espérer…

C’est vrai, je suis inquiète. Les rapports sociaux vont se tendre entre un bloc néolibéral au pouvoir, qui va profiter de cette crise pour avancer encore son agenda, et une partie désormais significative de la population qui refuse d’en subir les répercussions désastreuses… Regardez dans l’histoire, la crise de 1929, en caricaturant un peu, donne aussi bien le Front populaire que le nazisme. Ce que je trouve encourageant, ce sont les formes de solidarité qui se sont construites dans les quartiers, pas forcément très visibles mais qui existent bel et bien. Beaucoup de personnes ne s’étaient sans doute jamais autant mobilisées. Je suis persuadée que dans la population, il y a cette prise de conscience qu’il faut avoir des services publics de qualité, pas seulement pour les hôpitaux mais aussi l’enseignement, le service aux personnes âgées et dépendantes, etc. Et cette prise de conscience est essentielle car je ne crois pas à des transformations politiques sans changements profonds dans la population. Il faut qu’une lame de fond dans la société change les opinions : c’est tout le travail des intellectuels, des mouvements sociaux et des événements…

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