Audit de la dette grecque : à l’instar du théâtre classique, il y a unité de lieu, unité de temps et unité d’action

21 mai par Eric Toussaint

Quelques caractéristiques importantes de la dette publique réclamée à la Grèce :

Dans le cas grec, à l’instar du théâtre classique, il y a unité de lieu (la Grèce dans l’UE ), unité de temps (2010-2015), unité d’action (les politiques dictées dans le cadre des mémorandums de 2010 et de 2012 qui ont entraîné une chute de 25% du PIB et une dégradation sans précédent en temps de paix des conditions de vie la population grecque), enfin, des acteurs bien identifiés (les membres de la Troïka, les gouvernants grecs, quelques créanciers privés). Souvent, une restructuration de dette sert à blanchir des dettes illégales et/ou odieuses afin de leur donner une apparence de légalité et de légitimité. Dans ce cas, lorsqu’on commence l’audit, il est généralement nécessaire de retourner 10, 15 ou 30 ans en arrière.

En Grèce, nous sommes confrontés à une situation différente.
La dette récente, celle qui est réclamée aujourd’hui à ce pays, est marquée par des éléments d’irrégularité, d’illégitimité, d’illégalité, d’insoutenabilité, voire de caractère odieux. Certes, les dettes grecques qui ont été accumulées avant 2010 sont elles-même largement illégitimes et / ou illégales (contrats d’armement avec fraude et corruption à la clé, grands travaux liés aux jeux olympiques de 2004 liés à des surfacturations et à de la corruption, cadeaux fiscaux à une minorité privilégiée, sauvetages bancaires, taux exagérés) mais ce qui est particulièrement frappant c’est à quel point les dettes contractées depuis 2010 sont viciées.

Les mémorandums, la restructuration et le processus d’accumulation de la dette publique grecque sont marqués manifestement d’irrégularité, d’illégitimité, d’illégalité et ont selon toute vraisemblance un caractère odieux.

Ici, ce sont les nouveaux créanciers avec la complicité des autorités locales (les gouvernements grecs) qui ont poussé la Grèce dans une situation d’impossibilité de remboursement. Ces créanciers (la troïka) ont imposé des politiques dont les fameuses « conditionnalités » avaient en réalité deux vocations essentielles :

 sauver les banques privées étrangères et grecques alors qu’elles étaient largement responsables de la crise ;
 imposer des politiques macroéconomiques néolibérales récessives et régressives (privatisations, licenciements, réduction radicale des revenus, etc.) impliquant des violations des DESC (droits économiques sociaux et culturels) et des droits civils et politiques, précarisant et appauvrissant la population. Il s’agissait d’imposer à la population grecque une dévaluation interne brutale |1| .


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