Journée de l’environnement à Orléans : le lapin du développement durable sort du chapeau capitaliste, par Rémi Daviau (été 2004) Extrait de la Lettre d’attac 45 n°25-26, été 2004

Le 30 mai dernier, la municipalité d’Orléans organisait, à grands frais publicitaires, sa journée de l’environnement, intitulée "cap sur le développement durable".

Eh oui, ça ne mange pas de pain, le développement durable ; c’est comme "équitable", "responsable", des notions un peu fourre-tout, véritables auberges espagnoles où chacun peut déballer son petit panier... On se rappelle que le député-maire d’Orléans avait fait partie d’un groupe d’heureux élus dépêchés par Jacques Chirac au Forum social mondial de Porto Alegre, en janvier 2003 (1), dans le but probable d’aller faire son petit marché aux idées dans le vent... Et voici qu’après diverses déclarations d’intention en faveur du commerce équitable ces derniers mois, c’est donc le développement durable qui est à l’honneur. Après tout, ça fait du mal à qui ?

On pourra toujours arguer que mettre le projecteur sur le recyclage des déchets, l’énergie, l’eau, le bio, c’est toujours ça de pris... Passons vite sur l’aspect fourre-tout des organisations venues faire présence lors de cette journée (Association pour les chats libres d’Orléans...) et regrettons plutôt que la Lyonnaise des Eaux, venue parler de l’eau potable orléanaise, n’ait pas pensé à comparer pour ses usagers les vertus d’un service public avec celles d’une multinationale privée ; et EDF, venue prêter des vélos électriques (!), n’ait pas organisé un débat sur la toute-puissance du lobby pro-nucléaire (2), sur l’aspect durable des déchets nucléaires ou celui, non durable, des ressources en uranium (dont l’épuisement est prévu pour le présent siècle).

Pourquoi se gêner ? Que celui qui est capable de définir le développement durable lève le doigt ! En fait, la définition communément admise, qui date de 1988, dit que "le développement soutenable est un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs" (3). A l’époque déjà pointait la grande ambiguïté : il serait donc possible de conserver une croissance supposée générale en tenant compte de la justice sociale et de l’équilibre écologique ?

Exploitation de la planète, exploitation de l’homme

Indéniablement, la réponse est non ! Pour deux raisons : la croissance économique, au-delà d’un certain seuil, se fait en faveur des plus riches et au détriment des pauvres, qui sont toujours plus pauvres ; le capitalisme productiviste pollue et détruit tant que c’est rentable, et s’efforcera de dépolluer et colmater les trous dès qu’il y aura de l’argent à en tirer.

La seule solution, d’ordre politique et global, est donc de reconnecter justice sociale mondiale et respect de la planète et des ressources non renouvelables, ce qui implique à la fois le développement des droits fondamentaux universels (croissance raisonnée au sud, donc) et un dé-productivisme, une dé-croissance (chez les sursaturés de l’exploit technique inutile et anesthésiant que sont les pays du nord).

On perçoit donc clairement le tour de passe-passe qui consiste à décontextualiser le problème, à le faire apparaître comme autonome, alors qu’il est lié à une situation d’exploitation économique et sociale mondiale. Il suffit alors de prôner le développement durable comme étant une série de mesures à faire adopter aux particuliers - d’où la vedette du jour à Orléans le 30 mai : une "maison du développement durable", ou comment économiser l’énergie dans sa cuisine, dans son garage et dans ses toilettes... sans oublier de planter des fleurs (4). Les solutions aux problèmes écologiques seraient donc individuelles !


Rémi Daviau
Attac 45

1 - Voir la Lettre d’attac45 n°17 (février 2003) et la République du Centre du 25 janvier 2003.

2 - AREVA et son projet ruineux d’EPR, "nouvelle génération de centrale nucléaire", alors que la France, il est vrai, ne possède à l’heure actuelle que 58 réacteurs...

3 - Notre avenir à tous ; introduction de G. H. Brundtland (éds du Fleuve, Montréal, 1989).

4 - Le saviez-vous, "170 000 plantes fleurissent à Orléans chaque été", nous apprend la brochure publicitaire de la Mairie ! Ce qu’elle oublie par contre de mentionner à propos de la fameuse Maison, sorte de parcours dans des grandes et fausses pièces toutes désappointées d’être aussi vides, (quitte à faire un gros mensonge : "véritable création de la ville d’Orléans" nous dit la même brochure) c’est qu’elle a été commandée à une société de prestation de service par le Ministère de l’Ecologie, laquelle s’est assurée les conseils des plus éminents spécialistes, tels Ikea, Peugeot-Citroën, ainsi que nombre d’institutions et associations spécialisées dans l’environnement qui ont fourni un aspect "documenté" au lieu.