En Espagne,un « OUI » qui représente seulement 32 % des électeurs inscrits

Jacques Chirac et François Hollande atteints par le boomerang du référendum
espagnol

Communiqué d’Attac

Avec une participation électorale de seulement 42 % (contre 45,1 %,
pourcentage pourtant déjà très faible, lors des élections européennes de
juin dernier), un « non » dépassant 17 %, et donc un « oui » représentant
moins d’un tiers (32 %) des électeurs inscrits, les résultats du
référendum espagnol sur la « Constitution » européenne constituent un
sérieux revers pour les partis de gouvernement espagnols. Mais pas seulement
pour eux : Jacques Chirac et François Hollande, qui avaient rivalisé pour
faire tribune commune et « figurer sur la photo » avec José Luis Zapatero,
l’un à Barcelone et l’autre à Madrid, doivent assumer cet échec avec lui.

Tout avait cependant été calculé et mis en oeuvre pour qu’un « oui »
triomphal en Espagne ait valeur d’exemple à suivre par les citoyens des
autres pays d’Europe où se tiendra un référendum, et tout particulièrement
en France.

Croyant la partie gagnée d’avance, le gouvernement espagnol avait fixé le
scrutin très tôt dans l’année ; le Parti socialiste (PSOE) au pouvoir et le
Parti populaire (PP) dans l’opposition étaient tous deux favorables au « oui
 » (situation symétrique de celle de la France) ; une propagande grossière,
assimilant le refus du traité à un refus de l’Europe, avait tenu lieu de
débat ; comme dans un pays sous-développé, le gouvernement avait mobilisé
les stars du football pour « vendre » le traité et avait même fait
distribuer gratuitement des boissons gazeuses pour attirer les électeurs
vers les urnes ; un document largement diffusé par la Fondation Pablo
Iglesias du PSOE, et intitulé « Ta Constitution européenne », avait réussi
le tour de force de réduire le texte du traité à ses première et deuxième
parties (respectivement consacrées aux fondements de l’Union et à la Charte
des droits fondamentaux), en ne soufflant mot de l’existence de la troisième
(les politiques et le fonctionnement de l’Union, c’est-à-dire le concentré
des politiques libérales) et même de la quatrième (dispositions générales et
finales) !

Un chiffre résume bien la situation : à la veille du scrutin, et selon un
sondage de l’institut CIS, 90,9 % des électeurs espagnols considéraient que
leur degré de connaissance du traité constitutionnel était bas, très bas ou
nul.

Ces électeurs, dont l’attachement à l’idée européenne est pourtant notoire,
ont déjoué la manœuvre en accordant seulement au « oui » un pourcentage très
minoritaire des inscrits. Attac France félicite chaleureusement les
militants d’Attac Espagne, les forces politiques et les divers collectifs,
dont la Plateforme unitaire pour le non et le Forum social de Séville, qui,
malgré un barrage politique et médiatique jamais vu, ont sauvé l’honneur du
débat démocratique en Espagne en contribuant à faire connaître le contenu
réel de la « Constitution ».

Les citoyens espagnols ont démenti les pronostics hasardeux de Jacques
Chirac, qui avait déclaré que l’Espagne allait « montrer la voie en
prononçant un oui, un oui massif », tout comme ceux de François Hollande qui
avait, lui aussi, dit être certain que les Espagnols allaient « montrer aux
Français le chemin du oui ».

Une telle déconvenue va sans doute inciter le président de la République,
avec l’appui de ses alliés du « oui », à tenter de brûler les étapes en
convoquant au plus vite le référendum, afin d’éviter au maximum le
développement du débat en France. L’expérience, qui ne leur a pas échappé,
prouve en effet que plus on lit la « Constitution » et plus s’accumulent les
raisons de la rejeter.

Attac dénonce par avance toute précipitation dans ce domaine. Un délai de
trois mois entre l’annonce du référendum et sa tenue apparaît indispensable.
De même que doivent être réunies les conditions minimales d’un débat
contradictoire. Or, à ce jour, c’est le « oui » qui accapare la quasi
totalité de l’espace médiatique, au mépris du droit à l’information des
citoyens.

Texte du traité en main, Attac et ses comités locaux vont intensifier leur
travail d’éducation populaire sur le contenu du traité constitutionnel. En
panne d’arguments factuels, les partisans du « oui » s’en tiennent en
général à des affirmations creuses et à la proclamation de grands
principes. Les voilà aussi qui « découvrent » en catastrophe, avec presque
un an de retard, la directive Bolkestein, quintessence des politiques
libérales que la « Constitution » entend rendre irréversibles. Pour sa part,
article après article de ce texte, Attac va continuer à expliquer aux
citoyens toutes les raisons de son vote « non », un vote « non » au nom de
l’Europe.

Attac, Paris, le 20 février 2005, 22 heures.