Dominique PLIHON : Europe sociale et Europe libérale L’Europe et nous

Les Ÿ des lois et règlements qui régissent la vie dans notre pays comme dans les autres pays membres de la C.E. ont été mis en place par les instances européennes : La commission les a proposées et elles ont acquis force de loi seulement lorsque le conseil des ministres les a votées. Ces lois qui nous gouvernent sont donc élaborées en catimini et s’imposent à nous sans que les citoyens européens aient pu en débattre ni directement ni par leurs représentants élus. Lorsque ces lois sont mal acceptées par les citoyens d’un ou plusieurs pays membres , leurs gouvernements ne peuvent sans hypocrisie en renier la paternité : ce sont leurs ministres qui les ont votées .

Origines et étapes de l’Europe communautaire

1957 : traité de Rome établissant entre les 6 membres des accords douaniers appelés à baisser puis à disparaître à l’intérieur de la communauté européenne . Etait retenue la pratique de politiques publiques volontaristes et coordonnées en vue du développement dans le secteurs clefs : équipement énergie par exemple. Décisions et choix d’investissement étaient définies dans un cadre politique , l’inverse du « laissez faire ,laissez passer » des libéraux.

Les années 80

Première dérive libérale avec Jacques Delors : l’objectif avancé était la relance de l’Europe économique avec la création du marché unique destiné a réactiver les échanges intracommunautaires. La logique du marché va prendre le pas sur les logiques politiques antérieures . L’Europe se pliera à la mondialisation libérale, ouvrant complètement ses frontières aux économies des pays tiers

La monnaie unique

Souhaitable dans son principe ,la monnaie unique a malheureusement été dévoyée par le traité de Maastricht qui en a fait un outil adapté à l’idée mondialiste : l’objectif premier de la gestion de la monnaie unique par la Banque Centrale Européenne est la stabilité de l’euro, c’est à dire la bataille contre l’inflation. Cette politique a inspiré le « pacte de stabilité » qui étouffe les initiatives politiques des états membres pris dans le carcan du déficit du budget de l’état limité à 3% maximum du PIB annuel ,soit de la valeur de la richesse créée en une année.

Aujourd’hui

Deux événements majeurs sont à prendre en compte :

D’abord l’intégration de 10 nouveaux pays membres , elle aussi souhaitable dans son principe en ce qu’elle pourrait accroître le poids politique et économique de la communauté européenne. Malheureusement , la méthode choisie pour intégrer les10 pays candidats a eu des effets sociaux désastreux : l’agrandissement tel qu’il est mené se fait au préjudice de l’approfondissement, de l’adhésion à l’idée européenne des peuples concernés. Les pays candidats, aux économies moins développées que celles des 15 ,se sont vus imposer des règles d’ouverture et de concurrence ultralibérales qui ont aggravé le chômage, la pauvreté , et creusé les inégalités. Ainsi, pour les populations de ces pays , l’intégration à la communauté européenne a des effets lourdement négatifs. Pour les éviter,il eût fallu aider plus et plus longtemps ces pays à la mise à niveau de leurs économies ; on a préféré le remède de cheval dévastateur du tout libéral tout de suite : la course aux profits n’attend pas......

Le projet de constitution

Le principe de constitution européenne est également bon dans son principe ; c’est son contenu tel qu’il apparaît dans le projet actuel qui est dangereux car il accentue par son orientation la domination de la pensée économique néolibérale. On veut faire de l’Europe un espace de libre échange : Europe- espace grand ouvert aux firmes et à la finance internationales. A cette conception néolibérale ATTAC oppose une Europe solidaire, e,t au marché, la solidarité appuyée et voulue par l’initiative politique des gouvernements que ce marché entend marginaliser.

Les tares de l’Europe voulue par Giscard et les membres de la convention européenne

L’Europe économique et monétaire s’est faite, mais pas l’Europe politique ; de là un déficit de démocratie dans le projet de constitution . Les directives européennes qui règlent le plus clair de la vie dans les pays membres on été proposées par les technocrates de la commission et votées par le conseil des ministres des pays membres. Ceux-ci ,lorsque l’application des directives créent du mécontentement ,se défaussent hypocritement sur les institutions européennes, alors que,sauf celles qui concernent la concurrence qui sont du domaine de la seule commission, pas une directive ne se prend sans le vote majoritaire en Conseil des ministres .

A côté d’un President élu par le Parlement européen , se trouve le président du conseil des ministres, ce qui donne naissance à une Europe à deux têtes : les conventionnels ont refusé de choisir entre une Europe intergouvernementale et une Europe supranationale .

Dans le triangle institutionnel actuel ( commission,conseil des ministres , parlement,) ce dernier voit ses prérogatives accrues seulement en apparence et le contrôle des élus par les citoyens n’est pas renforcé.

Les valeurs économiques et marchandes chères à l’idéologie libérale sont matraquées a longueur d’articles du projet constitutionnel et prédominent sur les valeurs de solidarité ,de paix ,de laïcité , à tel point que la constitution des Etats Unis elle même paraît sous certains aspects moins libérale que celle du projet européen.

Ce projet a été élaboré dans une enceinte ouverte largement aux lobbies économiques mais à peine entr’ouverte aux forces représentatives des travailleurs comme les syndicats. Les concepteurs du projet européen sont tous des libéraux

Points positifs du projet

Est maintenu le principe du vote à l’unanimité pour les décisions concernant les questions d’ordre social : charbonnier reste donc maître chez lui dans ce domaine .Mais le maintien du principe d’unanimité en matière de décisions propres au domaine fiscal doit être combattu : il permet aux gouvernements de pratiquer la concurrence fiscale par l’impôt le plus bas qui attire capitaux et investisseurs et pose aux autres gouvernements l’alternative : moins d’impôts ou plus de chômage.

Que faire selon ATTAC ?

ATTAC souhaite une communauté européenne puissante et qui soit émancipatrice et solidaire ; c’est à dire approfondie, dans laquelle les financiers ne commandent pas aux politiques.

L’Europe actuelle impose les règles du libéralisme aux pays africains ,les menant à la catastrophe. Les accords de développement d’antan sont loin.

Il faut rejeter le pacte de stabilité qui paralyse l’action des politiques publiques dans les secteurs vitaux . Les partisans du pacte de stabilité semblent ne pas comprendre qu’un pays dont la croissance est faible fait nécessairement du déficit.

Arrêter la privatisation des services publics : elle a déjà « fait ses preuves » : pannes électriques aux Etats Unis, chemins de fer britanniques où la montée des prix accompagne celle du nombre des accidents, postes en Suède (+60% d’augmentation sur les affranchissements du courrier en un an).

Il faut fortifier les coopérations renforcées prévues dans le projet de constitution..

Définir des biens publics européens dont le marché sera exclu.

Il faut créer des taxes européennes pour financer ,au niveau communautaire ,des secteurs vitaux tels que l’éducation et la recherche.

Il faut agir dans toutes ces directions et fortement car nous sommes dans l’urgence : avec les syndicats, les associations seuls capables de contrebalancer l’action des lobbies qui orientent la politique es institutions européennes vers toujours plus d’ultralibéralisme. La politique industrielle du gouvernement d’un quelconque pays membre peut être cassée par l’influence des lobbies sur les décideurs.

Interventions de la salle

Les « performances » d‘un service public privatisé : en juillet délestage au préjudice des quartiers défavorisés dans la fourniture d’électricité (en Italie)

La privatisation du transport de l’électricité démantèlera le bloc public production-transport-distribution et provoquera une privatisation rampante

Proposition relative à l’élaboration de la future constitution européenne : que le parlement européen qui va être élu soit érigé en assemblée constituante, legitimée par le suffrage universel.

Mettre en place une politique monétaire qui ne soit plus au service des capitaux afin de casser la relation actuelle entre la montée du cours de l’euro et celle du chômage. ; ceci implique une politique monétaire qui freine la montée du cours de l’euro par rappport à celui du dollar.

Exclure du projet constitutionnel actuel les relations avec les églises .

Dans ce même projet, lever l’équivoque introduite par la notion de « services d’intérêt général » à soumettre à la concurrence et « services publics » non gérables par dans le cadre de l’économie concurrentielle. Les services dits d’intérêt général , par leur nature même , doivent être fermés au marché.

La Banque Centrale Européenne, actuellement responsable devant personne, doit rendre compte de sa politique devant un parlement européen disposant d’un droit de censure.

La lutte de principe contre l’inflation acuellement fantômatique tue la croissance et produit le chômage.

Les règles et les objectifs économiques ne doivent pas figurer dans un texte constitutionnel qui est un ensemble de principes généraux destinés à s’appliquer dans la durée,alors que l’économie, par l’évolution des situations qu’elle connaît, peut faire que telles règles pertinentes aujourdh’ui peuvent demain devenir contreproductives. Dès lors, ,toute la partie III du projet constitutionnel actuel doit être abandonnée.