Une nouvelle phase de la campagne d’Attac

par Gustave Massiah

Après le retournement des sondages en faveur du non, notre campagne entre dans une nouvelle phase plus rapidement que nous ne l’avions pensé.

Nous ne sommes plus les challengers, ceux qui peuvent se permettre des insuffisances et qui bénéficient des erreurs des autres parce qu’ils s’opposent à un rouleau compresseur.
C’est à nous de démontrer notre capacité à transformer un succès du « non » en projet politique viable.
La tendance peut facilement se retourner et personne ne nous fera de cadeau ; nos erreurs éventuelles peuvent avoir de graves conséquences.

Il s’agit maintenant de préciser nos objectifs de campagne.
D’abord il s’agit d’assurer et de consolider la victoire du non. Ensuite, il faut que le non soit d’abord européen et progressiste. Enfin, il faut préparer la renégociation dans le cas de la victoire du non.

D’abord il s’agit d’assurer et de consolider la victoire du non

La campagne menée par ATTAC a démontré son dynamisme et son efficacité. Il faut d’abord saluer et féliciter tous ceux qui y contribuent, à tous les niveaux d’ATTAC, et particulièrement dans les comités locaux qui ont montré leur capacité de mobilisation et leur ancrage dans la société. Comme dans toute campagne passionnée, il a pu y avoir des débordements et des difficultés, mais dans l’ensemble, la tenue de la mobilisation est excellente.

Pour l’instant, rien n’est joué. La victoire du non dépend maintenant de la capacité de gagner les hésitants. La bataille pied à pied avec les partisans convaincus du oui reste nécessaire. Surtout parce que les médias mettront de plus en plus en scène cet affrontement en essayant de pousser la campagne dans le déchaînement des passions et de nous entraîner dans la hargne et l’hystérie qui a déjà gagné certains des commentateurs.

Pour gagner les hésitants, il faut jouer sur leur intelligence. Montrer qu’il existe des risques quelles que soient les issues, d’autant que l’Europe est déjà en crise profonde. Il existe peut-être un risque de paralyser l’Europe encore plus. Il existe surtout un risque de renforcer les tendances au néolibéralisme et à l’atlantisme déjà à l’oeuvre et de ne pouvoir y revenir avant très longtemps. La victoire du oui confirme une situation et le risque de remettre en cause l’intérêt de l’Europe. La victoire du non ouvre une perspective, peut-être risquée, mais réelle de renégocier et de conserver un espoir dans l’avenir de l’Europe.

Ensuite, il faut que le non soit d’abord européen et progressiste

Nous mettons en avant l’évolution vers une Europe sociale, une Europe de paix, une Europe de démocratie. Si cette position ne l’emporte pas parmi ceux qui vont voter non, il en va de l’avenir du projet politique que nous portons.

Il en va aussi de la capacité du non de l’emporter. Aujourd’hui malgré certaines présentations médiatiques, c’est le non de gauche qui fait monter le non. La progression du non a été forte à la suite des manifestations sociales et lycéennes, de la remise en cause des politiques agressives antisociales.

Toutefois, il ne faut pas sous-estimer les dangers de la suite de la campagne. La campagne officielle a été organisée pour ne donner la parole qu’aux partis ayant obtenu plus de 5 % des suffrages aux élections européennes de juin 2004 ou ayant au moins 5 députés ou 5 sénateurs. Nous verrons donc se succéder pour le non, Marie George Buffet, certes, mais aussi de Villiers, Pasqua et Le Pen. Et on peut déjà imaginer le déferlement médiatique qui s’appuiera sur ces images pour caractériser le « camp du non ». C’est dès maintenant que nous devons mener, et gagner, cette bataille pour la caractérisation du non, européenne, sociale et progressiste.

Enfin, il faut préparer la renégociation dans le cas de la victoire du non

Mettre en avant la renégociation, c’est renforcer la victoire du non en rendant plus visibles et plus crédibles les perspectives qui peuvent être ouvertes.

ATTAC a déjà avancé 21 propositions dès le début du processus de discussion du traité constitutionnel européen. Nous devons mettre cette approche au centre de notre campagne en reprenant la présentation du document pour l’adapter à la nouvelle situation.

La renégociation implique que nous réfléchissions dès maintenant à la construction des alliances en France et en Europe pour rendre cette négociation crédible.

En Europe d’abord, pour répondre à tous ceux qui nous avancent l’argument de l’isolement de la France en Europe et du renforcement de cet isolement en cas de victoire du non.
Nous ne croyons pas à cet isolement. Nous connaissons dans tous les pays européens des partisans d’une Europe sociale, de paix et démocratique. Nous sommes sûrs que ces mouvements sociaux et citoyens se saisiront d’une opportunité ouverte par une demande de renégociation issue d’une victoire du non en France. De 1994 à 1996, les mouvements sociaux contre la remise en cause de la protection sociale qui se sont succédés en Italie, en France et en Allemagne, avaient retardé le cours néolibéral et s’étaient renforcés les uns les autres. Les différents pays européens se prononcent sous des formes différentes et en fonction de contextes différents. Une victoire d’un non européen et progressiste en France, ouvrant la possibilité d’une renégociation du traité, sera un facteur déterminant dans l’ouverture d’un débat démocratique sur l’avenir de l’Europe et contribuera à son unification. C’est ce que nous rendrons visible à la manifestation d’ATTAC le 30 avril.

En France, la renégociation ouvrira un nouvel espace politique. Elle devra peser sur le gouvernement quel qu’il soit pour déterminer les conditions de la renégociation. L’alliance pour la renégociation concernera tous ceux qui veulent se battre pour une Europe sociale et progressiste, quel que soit le vote qu’ils auront émis.

ATTAC présentera ses 21 propositions. Nous pouvons aussi, dès maintenant proposer une plate-forme minimum de renégociation à discuter le plus largement. Par exemple : exclusion du titre 3 de tout texte constitutionnel ; modification du titre 4 sur la révision ; limitation du titre 1 à l’organisation des pouvoirs en excluant les références aux politiques ; octroi du droit d’initiative législative au Parlement européen ; reconnaissance de l’harmonisation « par le haut » des droits ; facilitation des coopérations renforcées. En parallèle, dans le cadre des négociations budgétaires 2007-2013, nous devons exiger une augmentation substantielle du budget et des fonds de transferts sociaux.

Nous pouvons, dès aujourd’hui, nous adresser à tous ceux qui veulent une Europe sociale et progressiste, quel que soit le vote qu’ils prévoient d’émettre, pour leur proposer de nous engager ensemble, dès maintenant, dans la bataille pour des renégociations. Nous pouvons ainsi montrer que ces renégociations sont possibles. Ainsi, pour la remise en cause de la « directive Bolkestein » et la rediscussion du Pacte de stabilité, il a suffit que la montée des luttes fasse progresser le non pour que les autorités françaises demandent une renégociation et l’obtiennent. Nous ne sommes pas satisfaits des résultats de ces renégociations, mais nous avons pu ainsi vérifier qu’elles sont possibles.

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Au nom de l’Europe, je vote "non" : http://www.france.attac.org/r613