Rassemblement international du 30 avril 2005

Rassemblement international du 30 avril 2005 organisé par Attac-France
Palais des expositions, Porte de Versailles
Discours de clôture de Jacques Nikonoff, président d’Attac-France
http://www.france.attac.org/a4816

Cher(e)s ami(e)s et camarades,

Le moment est venu de conclure ce magnifique rassemblement.
Je voudrais remercier les dizaines de militants d’Attac qui se sont dépensés
sans compter pour assurer le succès de notre initiative.
Je voudrais aussi remercier la fanfare qui nous a donné un surcroît de tonus
pour aborder la dernière ligne droite de la campagne.
Et je voudrais enfin remercier tous nos amis étrangers qui nous ont fait la
gentillesse d’accepter notre invitation.
Ils ont montré, à travers leurs interventions, combien les politiques
néolibérales menées par l’Union européenne avaient des conséquences
négatives dans leurs pays respectifs.
Et ils ont confirmé que la France ne serait pas isolée des peuples
européens, et des autres peuples du monde, si nous disions « non » le 29
mai.
Nous pouvons les applaudir, merci à vous tous !

Cher(e)s ami(e)s et camarades,

Nous dirons « non » le 29 mai parce que nous sommes européens.
Nous dirons « non » le 29 mai parce que nous sommes altermondialistes.
L’enjeu de ce référendum a une portée historique.
C’est la première fois, depuis 50 ans, que des peuples de l’Union
européenne, 10 sur 25, pourront, par un référendum, exprimer leur choix sur
la construction européenne.
Les autres sont privés de parole.
Face au tournant libéral des politiques européennes de ces dernières années,
la véritable question posée lors de ce référendum ne sera pas seulement « 
oui » ou « non » à la Constitution européenne.
Elle sera aussi et surtout « oui » ou « non » au libéralisme à l’européenne.
Car ce qui se fait depuis ces dernières années, ce n’est pas la construction
de l’Europe.
C’est la construction du libéralisme à l’européenne.
Nous ne dirons pas « non » à l’Europe, nous dirons « non » au libéralisme.
Ce « non » a trois raisons :
Premièrement :
Non à l’horreur démocratique qui a présidé à l’élaboration de cette
Constitution, sortie du chapeau de magicien de Monsieur Giscard d’Estaing
qui présidait la Convention qui l’a écrite.
Sans aucun mandat.
Sans aucun débat.
Sans assemblée constituante.
Sans les peuples européens.
Deuxièmement :
Non aux politiques européennes suivies ces dernières années, appliquées avec
zèle dans chaque pays, et particulièrement, en France, par Messieurs Chirac
et Raffarin.
Elles ont fait de l’Europe la zone la plus régressive du monde en matière
économique et sociale.
Si tout n’est pas mauvais dans la construction européenne, l’essentiel, lui,
en revanche, est très mauvais.
Troisièmement :
Non à la Constitution européenne qui nous propose une immense bureaucratie.
Une usine à gaz.
La vitrification des politiques libérales qui deviendront ainsi la seule
politique possible.
L’absence totale d’harmonisation sociale par le haut et la promesse d’une
harmonisation par le bas.
L’absence de toute garantie pour les droits sociaux, alors que les droits
des propriétaires du capital, eux, seront entièrement garantis.
Un mépris du peuple et de la démocratie.
La concurrence sauvage érigée en principe constitutionnel, entre les
personnes, entre les Etats membres de l’Union, entre l’Union et le reste du
monde.
La soumission aux Etats-Unis.
Cette Constitution, nous n’en voulons pas !
Et j’ajoute une quatrième raison de dire « non ».
C’est la partialité des grands médias.
Ils sont tous, sans aucune exception, dans le camp du « oui ».
Ils nous matraquent.
Ils nous intoxiquent.
Ils mentent.
Ils déforment.
Certains journalistes vedettes sont agressifs lorsqu’ils interrogent les
partisans du « non ».
Ils leur coupent la parole.
Ils les empêchent de s’exprimer et de développer leurs arguments.
Sur Europe 1, à 8h20, 19 invités pour le « oui » et 5 pour le « non » entre
le 13 mars et le 15 avril.
Sur France-Inter à la même heure : 19 avocats du « oui » et 4 pour le « non
 » entre le 1er mars et le 15 avril.
Sur RTL à 7h50 : 25 partisans du « oui » et 10 pour le « non » entre le 1er
février et le 15 avril.
Toutes émissions de télévision confondues (journaux télévisés, émissions de
divertissement, débats politiques) : 29 % d’intervenants favorables au « non
 » et 71 % favorables au « oui ».
Où est la justice ?
Où est la liberté ?
Où est la démocratie ?
Heureusement, il y a des journalistes qui résistent.
Nous ne leur demandons pas d’être pour le « non ».
Nous leur demandons de faire leur travail selon les normes professionnelles
habituelles de la déontologie.
Ils agissent en ce moment avec beaucoup de difficulté, dans un environnement
hostile, avec des menaces sur leur carrière.
Ce sont des journalistes libres.
Je vous demande de les applaudir.
Pour la journée de l’Europe, à l’appel de l’Observatoire français des
médias, tous, place de l’Europe, le 9 mai, à 18h00, pour protester contre el
comportement des médias.

Que se passera-t-il après le 29 mai ?
Les saisons continueront leur cycle.
La terre poursuivra sa rotation.

En revanche, si le « oui » l’emporte, la vie sera encore plus difficile pour
des millions d’européens.
Les politiques libérales mises en œuvre par l’Union européenne depuis des
années auront été acceptées par les citoyens, consignées dans la
Constitution européenne, et rendues pratiquement irréversibles.
Toute politique alternative souhaitant rompre avec le libéralisme, dans l’un
des pays de l’Union, deviendra très difficile à mettre en oeuvre, car elle
sera déclarée anticonstitutionnelle.
Une crise européenne sans précédent s’ouvrira alors.
Le chômage restera bloqué aux alentours de 10 % de manière illimitée.
Les services publics continueront à être démantelés.
L’allongement de la durée de cotisation pour les retraites se poursuivra,
tout comme la mise en place de fonds de pension.
L’assurance maladie basculera progressivement vers le privé.
La directive Bolkestein s’appliquera, les délocalisation s’accélèreront,
alimentant le racisme et la xénophobie des travailleurs des pays les plus
développés de l’Union contre ceux des pays nouveaux entrants.
L’extrême droite prospèrera sur cet immense désenchantement.
La directive sur le temps de travail s’appliquera, repoussant la durée
hebdomadaire du travail à 65 heures.
Les budgets militaires augmenteront au détriment des budgets sociaux.
Les taxes globales et le contrôle des capitaux seront rendus impossibles.
La guerre commerciale de tous contre tous se déchaînera.
L’Union européenne deviendra plus encore une filiale des Etats-Unis.

Si le « non » l’emporte, c’est l’espoir de refonder l’Union européenne.
Sur le plan juridique, c’est le traité de Nice, actuellement en vigueur, qui
s’appliquera.
Un nouveau traité sera signé entre les Vingt-Cinq pour, au minimum, régler
les questions de fonctionnement de l’Union.
Une condamnation claire et nette des politiques libérales de l’Union sera
prononcée.
Un coup d’arrêt aux politiques libérales sera donné.
Les gouvernements des pays de l’Union, notamment en France, devront entendre
le message du référendum et respecter la souveraineté populaire.
Ces gouvernements devront agir, au sein des institutions européennes,
conformément au résultat du référendum.
Les directives en cours seront stoppées.
De meilleures conditions seront réunies pour de nouveaux traités européens.
Le « non » français provoquera un débat dans tous les pays de l’Union
permettant de refonder la construction européenne.
Des alliances nouvelles deviendront possibles, à l’échelle de tous les pays
de l’Union, avec des syndicats, des associations...
Pour la première fois, les peuples d’Europe feront irruption dans la
construction européenne.
Les luttes sociales et syndicales seront stimulées.
Des possibilités de politiques alternatives, dans chaque pays de l’Union,
resteront ouvertes.
La France se replacera au centre du jeu européen et reprendra la main.
Il faudra définir quelques éléments principaux de « ruptures » avec les
politiques néolibérales européennes.
Une victoire du « non » donnera l’occasion de redéfinir les objectifs de la
construction européenne et les moyens d’y parvenir.
L’Europe doit enfin devenir démocratique, indépendante, solidaire,
internationaliste. Elle doit viser au développement économique et social et
au bien-être de tous les peuples du continent, dans la coopération avec les
autres pays, particulièrement ceux du Sud.
Une série de traités thématiques pourront être signés, ne rassemblant pas
nécessairement les 25 pays membres actuels de l’Union.
Chacun doit pouvoir progresser à son rythme, et certains traités pourraient
être signés à 6, à 12, à 25, à 30.
C’est déjà le cas avec la zone euro qui ne rassemble que 12 pays sur 25.
De toute manière, après le « non » il faudra renégocier le traité de Nice,
en bloc ou par morceaux.
Voilà quelques pistes sur lesquelles débattre :

1) Refonte des statuts de la Banque centrale européenne.

2) Abandon du Pacte de stabilité.

3) Relance économique.
Elle doit passer par des investissements publics massifs auxquels devra
contribuer la Banque centrale européenne (ferroutage, environnement,
infrastructures publiques...) au moyen d’emprunts obligataires européens
garantis par les Etats.

4) Harmonisation sociale par le haut.
La Charte des droits fondamentaux doit être reconstruite pour offrir de
véritables protections juridiques aux travailleurs et à tous les citoyens.
Les conceptions régressives concernant les retraites et l’assurance maladie
doivent être mises à la poubelle.

5) Reconnaissance des services publics.
Ces derniers doivent aussi pouvoir coopérer à l’échelle européenne, ce qui
est aujourd’hui interdit au motif de la distorsion de concurrence.

6) Mise en place d’une politique industrielle.

7) Défense de la laïcité.

8) Retrait de l’OTAN.

9) Développement de la coopération internationale.
L’Union doit fortement s’impliquer pour atteindre les objectifs du
millénaire. L’annulation de la dette des pays pauvres doit être planifiée.
L’aide publique au développement doit être augmentée.
Un partenariat nouveau doit être noué avec le Maghreb et le Proche-Orient.
Des relations de confiance doivent être établies avec les grandes puissances
en devenir : Russie, Inde, Chine, Japon, Brésil.

10) Lutte pour l’environnement.
Assez du saupoudrage, et mise en place d’une véritable politique ambitieuse
de l’environnement. Respect des accords de Kyoto.

Chers(e)s ami(e)s et camarades,

Nous avons un agenda chargé d’ici le 29 mai.
Le 1er mai nous participerons aux manifestations traditionnelles pour faire
le lien entre les revendications syndicales et le vote « non ».
Le 4 mai, à 11h00, devant l’ambassade d’Australie à Paris, nous nous
rassemblerons pour protester contre la réunion, en catimini, tenue par
l’Organisation mondiale du commerce.
Le 5 mai, à Strasbourg, sur le pont de l’Europe, manifestation
internationale pour une autre Europe organisée par Attac-France et
Attac-Allemagne.
Le 9 mai l’initiative féministe pour le « non » distribuera massivement des
tracts dans les gares.
Le 9 mai encore, une initiative est en préparation pour protester contre
l’attitude de certains présidents d’université qui autorisent des débats des
partisans du « oui » et interdisent ceux du « non ». C’est le cas,
notamment, à la Sorbonne.
Le 12 mai, jour de la ratification du traité constitutionnel par le
Bundestag, en Allemagne, sans débat public et sans référendum, initiative
conjointe d’Attac-France et d’Attac-Allemagne.
Les 21 et 22 mai, une semaine avant le référendum, week end de dialogue avec
la population organisé par Attac.

Chers(e)s ami(e)s et camarades,

Rien n’est joué.
La fin de la campagne sera terrible.
Tous les coups seront permis.
Il nous reste 30 jours.
Chacun va compter.
Ne prenez pas de vacances.
Ne partez pas en week end.
Agissez nuit et jour pour la nouvelle Europe que nous voulons.
Enfouissons-nous au plus profond de la société.
Menons un travail de fourmis, parmi nos familles, nos collègues de travail,
nos voisons.
Allons sur les marchés, à la porte des entreprises, devant les stations de
métro et les gares.
Poursuivons le dialogue avec chaque citoyen.
La victoire sera à ce prix.
Et à ce prix seulement.
Et elle est à portée de la main.
Bon courage à toutes et à tous !