Présentation du groupe de travail « Murs »

par rosemari

Après la chute du mur de Berlin, la question de Robert Frost demeure entière : « les bonnes barrières font-elles les bons voisins ? ».
En effet, depuis la Grande muraille de Chine, amorcée au IIIe siècle avant J.-C. par la dynastie Qin, le mur d’Antonin érigé en Écosse par les Romains pour appuyer le mur d’Hadrien, le Limes romain, ou la barrière du Danevirk, le « mur » est une des constantes - en Orient comme en Occident - qui ont marqué les frontières infra et inter-étatiques.
Le « mur » est-il plus qu’un reliquat historique de la gestion des frontières ?
Dans les années récentes, les murs frontaliers ont proliféré autant le long de la frontière mexicano-américaine, en Israël où la ligne verte a été transformée en un mur de séparation, ou en Inde où la barrière de délimitation avec le Bangladesh vient d’être terminée.
Pour autant, la question de la capacité de ces nouveaux murs à redéfinir des relations inter-nationales (voir intra-nationales) pacifiques et ordonnées demeure entière.
Quel rôle le Mur joue-t-il dans le développement de la sécurité/insécurité ?
Les murs alimentent-ils un sentiment d’insécurité proportionnel au sentiment de sécurité qui se dessine pour ceux qui vivent « derrière la ligne » ?
Quel type de sécurité est associé aux murs frontaliers ?

Alors que, durant les années 1990, l’heure était à la mondialisation et aux dividendes de la paix, la notion même de frontière semblait devenir illusoire. Du déclin du rôle de la frontière à leur non-pertinence voire à leur disparition annoncée dans l’avènement d’un monde sans frontières, la littérature s’est appuyée sur le mouvement de contestation du monde stato-centré pour enterrer les bornes étatiques. Les frontières paraissaient appartenir un ordre mondial suranné et déclinant.
Pourtant, ce sont près de 26 000 kilomètres de nouvelles frontières politiques qui ont été créées après 1991 (Foucher 2009) tandis que les États proclamaient leur volonté de s’emmurer derrière des clôtures, des barrières ou des ouvrages maçonnés. Plus encore ils marquaient ainsi leur volonté de contrôler les flux migratoires et, au besoin, de limiter l’entrée sur leur territoire de biens et de migrants. Alors que certains y voyaient « la fin de l’Histoire » ou même « la fin de la Géographie », en réalité, ce monde sans frontières ne s’est jamais véritablement matérialisé.
La chute du mur de Berlin n’a pas consacré la fin de l’architecture de sécurité, et moins encore des infrastructures de sécurité comme les frontières fortifiées, et ce même sous l’empire de la mondialisation.
En réalité, elle a été le point de départ d’une nouvelle ère de Sécurité centrée sur les frontières et les lignes de démarcation.
La question du retour du mur/barrière en relations internationales et, le cas échéant, l’analyse des facteurs qui ont conduit à cette résurgence, sinon dans les faits, du moins dans les discoursreste à faire.
Il s’agira de mener une analyse globale du rôle, des fonctions des barrières et murs frontaliers au 21e siècle et de la relation entre les nouveaux agendas de sécurité et les nouvelles formes de gestion des frontières et de pratiques frontalières.