Fiche de lecture « Impôts : idées fausses et vraies injustices »

Lecture en arpentage du livre

IMPÔTS : IDÉES FAUSSES ET VRAIES INJUSTICES
(ATTAC – Les Liens qui Libèrent - mai 2021)

(Outil proposé aux comités locaux pour faire une animation ou un atelier participatif - débat mouvant)

Intro

Des idées fausses sur la fiscalité depuis les années 1980, avec le néolibéralisme et le "TINA" ("There is no alternative") de Margaret Thatcher
Si les impôts étaient antiéconomiques comme l’affirment les néolibéraux, la France et les pays scandinaves devraient être parmi les plus pauvres, ce qui n’est pas le cas

Les deux principaux enjeux de la fiscalité :
- quel niveau d’action publique voulons nous ?
- qui participe au financement de cette action et selon quelles modalités ?

Impôt : pilier du vivre ensemble et de toute démocratie
Pour répondre aux idées fausses (17) + faire des propositions pour une justice fiscale :

Chapitre 1 : Le modèle fiscal français

Idée fausse #1 : il y a un "raz le bol fiscal" parce que nous payons trop d’impôts
L’injustice à la racine du "raz le bol fiscal"

Sondages : "raz le bol fiscal" lié à l’injustice du système fiscal
Exacerbé par la baisse d’impôts en faveur des plus riches par Emmanuel Macron (ISF => flat tax) et la révélation de l’évasion fiscale par différents scandales (affaire Cahuzac, Panama Papers, OpenLux)
A titre d’exemple la révolte des Gilets jaunes a éclaté suite à la hausse des taxes sur le carburants qui touche davantage les plus pauvres que les plus riches

Le "raz le bol fiscal"n’est pas une remise en cause de notre contrat social
Sondages : Plus de 6 français sur 10 considèrent qu’il est normal que la France consacre environ le tiers du revenu national au financement de la protection social ; 7 français sur 10 estiment que le système de Sécurité Sociale national fournit un niveau de protection suffisant. 8 français sur 10 estiment qu’il pourrait servir de modèle à d’autres pays.

Idée fausse #2 : Nous croulons sous les charges
Termes qui s’est développé dans les années 1970 vs. terme utilisé dans la Constitution de 1789 : "contributions citoyennes" => Donne l’impression que c’est seulement un coût

Taux d’imposition actuel nettement inférieur à ceux en cours dans le passé
Pendant la 2nde guerre mondiale : nouveaux impôts pour répondre aux besoins de la guerre vs. 1970-80 impôt défini par un niveau de prélèvement et non plus comme une réponse à un besoin, inversement la réponse aux besoins est limitée et les moyens de solidarité restreints => changement de vision de l’impôt

Idée fausse #3 : La France est la grande championne des prélèvements obligatoires
Taux de prélèvement obligatoire : 45,4% du PIB en 2019
Pour comparer : remettre dans contexte, comparer les modèles sociaux et les services publiques, etc.
En France : 54,6% dévolus à la Sécurité sociale. Dépenses sociales de 31% du PIB en 2019 contre 20,6% aux Royaumes Unis, 18,7% aux États unis et 16,1% aux Pays Bas.
Différentes méthodes de calculs (prise en compte ou non des cotisations sociales à la charge des employeurs et des crédits d’impôts)
Différentes manières de redistribuer les richesses : crédits d’impôts plutôt que des transferts monétaires par exemple

Idée fausse #4 : Notre système de santé nous coûte trop cher
Sur la voie du Royaume Uni : sous financement du système de santé anglais depuis Margaret Thatcher qui n’a pas osé s’y attaquer frontalement, les Britanniques étant très attachés à la gratuité des soins => le système public apparait défaillant et soit disant moins efficace que le privé
En France : 11 milliards d’économies en 10 ans (2010 - 2020) ; en 15 ans diminution de 15% des lits (69 000) ; réduction des stock stratégiques au nom de la rationalité budgétaire (cf. masques)
Attention, les pays qui ont privatisé leur système de santé ne sont pas ceux qui dépensent le moins pour la santé (ni ceux où la santé est la meilleure). De plus, les organismes privés ont souvent des coûts de gestion supérieurs à ceux du public (En France 4% de ses coûts pour la Sécurité sociale contre 19% pour les complémentaires)

PROPOSITIONS
Organiser une convention citoyenne sur les prélèvements obligatoires et les politiques publiques pour rétablir la confiance dans le système fiscal pour :
 donner un contenu à l’objectif de justice fiscale
 améliorer la transparence et la qualité de l’information sur les impôts et les finances publiques
 débattre du rôle des prélèvements obligatoires
 disposer d’une garantie légale de voir toutes ses recommandations intégrer un processus d’application ou de légifération (cf. Convention citoyenne pour le Climat)

Chapitre 2 : La fiscalité des plus riches

Idée fausse #5 : Les riches sont écrasés par les impôts !
Le système fiscal français est peu progressif : les riches ne paient pas beaucoup proportionnellement à leurs revenus. C’est la TVA qui rapporte le plus, impôt qui pèse plus dans le budget des plus pauvres. L’impôt sur le revenu a diminué en progressivité, il n’est payé que par la moitié des ménages les plus riches, il existe de nombreuses mesures dérogatoires ou "niches fiscales" bénéficient surtout aux riches (par exemple le crédit d’impôt pour l’emploi d’un-e salarié-e à domicile. Ce sont en plus les riches qui pratiquent l’évasion fiscale (cf enquête OpenLux), aidés d’avocats fiscalistes ou conseillers en gestion du patrimoine. Finalement, le taux global d’imposition des plus riches des riches n’est pas plus élevé que celui des plus pauvres.

Idée fausse #6 : Augmenter les impôts des riches les pousse à s’installer ailleurs
L’exil fiscal n’est pas un phénomène d’ampleur, et son impact sur les recettes budgétaires est marginal. Le nombre de (très) riches en France est bien la preuve qu’elle n’est pas tant confiscatoire ! Et les retours de riches dans le pays ou diminution de départs prédatent la suppression de l’ISF (le Brexit a notamment joué).

Idée fausse #7 : Alléger l’imposition des riches favorise le ruissellement, l’investissement et l’emploi !
Les mesures qui devaient soi-disant relancer l’investissement etc, telles que la suppression de l’ISF et l’instauration du PFU Prélèvement forfaitaire unique (ou flat tax), n’ont pas eu d’effets positifs sur l’économie de l’aveu même du comité d’évaluation nommé par le gouvernement. Elles ont entrainé une hausse du versement des dividendes sans effet sur l’investissement. C’est pareil dans les pays de l’OCDE de façon générale d’après une étude britannique, les baisses d’impôt pour les plus riches ne changent pas la performance économique. La théorie du ruissellement est une fable.

PROPOSITIONS
 Revue des niches fiscales et suppression de celles qui bénéficient aux plus riches
 Renforcer la progressivité du système fiscal (nouvelles tranches dans l’impot sur le revenu, suppression de la Flat Tax, CSG progressive, rétablissement de l’ISF)
 Renforcer les moyens des administrations pour la lutte contre la fraude fiscale

Chapitre 3 : La fiscalité des plus pauvres

Idées fausse # 8 Les pauvres ne paient pas d’impôts
Les pauvres paient des impôts et souvent proportionnellement plus que les plus riches :
 Recettes fiscales : TVA/TICPE Impôts sur la consommation qui représentent la moitié des recettes fiscales de l’Etat. Ici impôt non progressif.
TVA la même pour tous quel que soit le revenu ; c’est un impôt régressif et non progressiste. On contribue à hauteur de ce que l’on consomme et non en fonction de ses moyens/ non en raison de ces capacités (DDHC) TICPE (taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques). Cette taxe sur les carburants- a la même logique que la TVA- et concerne ceux qui ont une voiture
Également les droits sur le tabac ou sur les boissons
 Recettes sociales : CSG/CRDS sont des contributions proportionnelles
CSG (contribution sociale généralisée) la CSG rapporte bcp plus que l’impôt sur le revenu
CRDS (contribution de remboursement de la dette sociale)
Les pauvres n’échappent qu’à l’IRPP, l’IFI, les droits de donation et de succession et du coté Collectivités territoriales, la taxe d’habitation

Idées fausse #9 Le système social et fiscal corrige bien suffisamment les inégalités
Le système de prélèvements et de redistribution contribue à la réduction des inégalités mais la fiscalité joue néanmoins un rôle insuffisant : les impôts sur les revenus et patrimoine sont faiblement redistributifs ; les impôts sur la consommation sont régressifs.
Ce qui réduit les inégalités sont les prestations sociales et les services publics. Malgré ce rôle positif, le taux de pauvreté progresse. Le système de redistribution social est plus efficace que la plupart des autres systèmes européens mais il est fragilisé par les réformes néolibérales des dernières années (indemnisation chômage, aide au logement, suppression de lits hospitaliers, réformes des retraites). Le nombre officiel de pauvres a dépassé les 10 millions en 2020

Idées fausse #10 Les minima sociaux favorisent le chômage et l’assistanat
Les prestations sociales bénéficient à toute la population (famille, maladie, retraite, chômage)
Les prestations redistributives ne représentent que 25% des prestations
Les prestations ciblées en faveur des plus pauvres ne permettent pas de vivre dignement. ATD « ce n’est pas le montant des minima sociaux qui découragent les gens de travailler mais le manque d’emplois décents accessibles à tous ». Taux de non-recours élevé.
Rôle économique et social important de la redistribution : elle représente un tiers du revenu global des ménages.
Autre effet positif : La PAJE (prestation d’accueil du jeune enfant) : permettre aux parents de travailler

Chapitre 4 : La fiscalité des entreprises

Idée fausse #11 : Les grandes entreprises croulent sous les impôts

"La France asphyxie ses entreprises", "les entreprises paient trop d’impôts", ... selon les grands patrons les entreprises crouleraient sous toujours plus d’impôts.
Pourtant : malgré une augmentation des chiffres d’affaires et des dividendes versés aux actionnaires, les entreprises du CAC 40 versent moins d’impôts en 2017 qu’en 2010 (-6,4%) d’après le rapport de l’Observatoire des multinationales et d’Attac.
Non seulement les grandes entreprises paient moins d’impôts grâce à des reformes avantageuses ainsi qu’à des pratiques d’évitement fiscal : "niches fiscales" (Le crédit d’impôt recherche, la "niche Copé", le régime "mère-fille", la récente baisse des impôts de production qui bénéficient aux grandes entreprises), régimes d’imposition dérogatoires (Attention, le taux réel d’imposition est bien inférieur au taux dit "facial", apparent avant tout mécanisme de déduction)
=> malgré des mesures qui leurs sont déjà très favorables, les grandes entreprises continuent de pratiquer largement l’évitement de l’impôt.
Mais elles en paient moins que les petites et moyennes entreprises (PME) (malgré un taux réduit d’impôts sur les sociétés de 15%)

Idée fausse #12 : L’évasion fiscale au fond, ça n’est pas grave, c’est surtout de l’optimisation
"Il n’y a pas de trésor caché", "matraquage fiscal" : les commentateurs libéraux ont coutume de minimiser et légitimer l’évasion fiscale des entreprises ou des ménages les plus riches.

Optimiser, s’évader ou frauder ?
 Fraude : la fraude relève de l’illégalité par le fait de sciemment déroger au droit fiscal, en ne déclarant pas les profits localisés à l’étranger, en dissimulant une part du bénéfice, ou encore en déduisant des charges à tort par exemple.
 Optimisation : l’optimisation est pour sa part, légale, elle consiste à exploiter les niches fiscales et les régimes dérogatoires, votés par le législateur, pour minimiser son impôt.
=> puisqu’elle est légale, tout le monde assure ne se livrer qu’à de l’optimisation !
 Évasion fiscale : elle se situe aux confins flous de la légalité et de l’illégalité. La frontière entre les deux est effectivement poreuse voire mouvante. Et les schémas d’optimisation fiscale des multinationales franchissent souvent la ligne entre les deux : on parle alors d’abus de droit. Celui ci est néanmoins difficile à prouver car il faut avoir l’ensemble des renseignements sur des schémas internationaux complexes faisant intervenir de nombreuses écritures comptables et ramifications (filiales n’exerçant pas toujours de réelle activité, sociétés écrans, etc.). Ces pratiques "d’optimisation" sont dites "agressives".
=> Le ministère de l’Économie et des Finances relève lui même que "de nombreuses formes d’évasion fiscale sont [...] contraires à l’esprit de la loi" ; "certaines sociétés exploitent les failles juridiques des systèmes fiscaux et les asymétries qui existent entre les règles nationales pour éluder le paiement de leur juste part d’impôts." (Extrait de la "Loi contre la fraude et l’évasion fiscale" 12/2016)

L’évasion et la fraude fiscale, un "pognon de dingue"
Les pratiques d’évasion fiscale des multinationales sont si massives et généralisées qu’elles sont presque instituées. L’affaire OpenLux a par exemple révélé que les 2/3 des milliardaires français avaient un compte au Luxembourg et que les 3/4 des entreprises du CAC 40 y ont au moins une société.
=> Ces pratiques pèsent sur l’économie : elles permettent à leurs bénéficiaires d’accroitre artificiellement leur part de marché, leurs bénéfices et finalement leur domination.
Les PME et les ménages en subissent les conséquences : concurrence déloyale, rigueur budgétaire, hausses de certaines impôts, etc.
=> Et elles sont couteuses : elles représentent 80 à 100 milliards d’euros par an soit bien plus que la fraude aux prestations sociales des particuliers (1 à 3 milliards d’euros) souvent pointés du doigts.

En France, les profits non déclarés auraient atteint 36 milliards d’euros en 2015 d’après le Cours des comptes
Pour l’économiste Gabriel Zucman : "à l’échelle mondiale, plus de 40% des profits réalisés par les multinationales sont délocalisés artificiellement dans les paradis fiscaux, et 8% de la richesse financières des particuliers y est dissimulée", "l’équivalent de 10% du PIB mondial est ainsi détenu offshore par des particuliers"
=> Les pays pauvres sont davantage frappés que les pays riches : 30% en plus par rapport à leur PIB

Comment cela est ce possible ?
Le système fiscal est obsolète : il a plus d’un siècle ; les multinationales n’existaient presque pas et l’explosion du numérique et de la propriété intellectuelle n’avait pas eu lieu
Les systèmes fiscaux sont nationaux alors que l’évasion fiscale s’organise au plan international
Les niches fiscales et les règles dérogatoires se multiplient
Le nombre de contrôles fiscaux ne cesse de baisser puisque les effectifs de l’administration fiscale chutent continuellement
Certains états passent entre eux des conventions fiscales permissives permettant au final d’être imposé nulle part
Il y a une course au moins disant fiscal entre les pays
Faible coopération internationale dans la lutte contre l’évasion fiscale
=> si les fraudes sont difficiles à prouver sur le terrain du droits, elles n’en restent pas moins identifiables

Une question de volonté politique !

Idée fausse #13 : Les paradis fiscaux, c’est du passé !

Après 13 ans de scandales, où en est-on ?
Les paradis fiscaux sont au cœur des scandales financiers de détournement, de blanchiment ainsi que d’évasion et de fraude fiscale. Ils ont en commun : une coopération internationale faible voire inexistante, et des taux d’imposition faibles voire nuls. Certains ont la possibilité de créer aisément des sociétés-écrans, d’autres sont adepte des "rescrits", des réponses de l’administration face aux interrogations, d’autres encore facilitent le transit de bénéfices vers d’autres territoires, etc.
Jusqu’au sommet du G20 à Londre en 2009, la lutte contre les paradis fiscaux à été totalement absente.
De la fin des années 1990 à 2009, l’OCDE s’est contenté de publier des "listes noires" de "territoires non coopératifs" : pour en sortir, il suffisait de s’engager à mieux coopérer, au point qu’à la veille du sommet, la "liste noire" était vide !
Depuis la crise de 2007-2008 et avec la multiplication des révélations de fraudes fiscales internationales, les réactions des populations a incité les gouvernements à prendre des mesures :
 système d’échange automatique d’informations bancaires au plan international,
 registre publics des sociétés dans l’UE.
Mais : il y a un écart entre l’affichage et la réalité et, des "trous dans la raquette" favorisent des retards préoccupants sur les paradis fiscaux.
D’après la cours des comptes européenne, en matière d’échange automatique d’informations, "la situation est perfectible du point de vue de la surveillance, de la garantie de la qualité des données, et de l’utilisation des informations reçues" (2021)
Et, les discussions patinent au niveau de l’OCDE pour limiter l’érosion de la base imposable ou l’adapter la fiscalité au numérique : les solutions discutées sont décevantes et pourraient même complexifier le système fiscal sans le renforcer. Enfin, elles devraient avantager très nettement les pays les plus riches au détriment des pays en développement.
Aussi, la liste européenne des paradis fiscaux ne comporte aucun État membre (alors qu’il en existe parmi les plus nocifs) et exempte la quasi totalité des territoires liés aux grandes puissances.

Des sommes faramineuses échappent aux États

36 milliards d’euros de profits de multinationales non déclarées en France en 2015 soit 1,6% du PIB, 30 fois plus qu’en 2000
Les abus fiscaux internationaux coûtent chaque année aux États plus de 427 milliards de dollars américains en recette fiscale dont 245 correspondant à des bénéfices transférés dans des paradis fiscaux par des multinationales
55% de l’évasion fiscale des multinationales dans le monde est due aux paradis fiscaux associés à la Couronne britannique, aux Pays Bas, à la Suisse et au Luxembourg, loin de l’image des paradis fiscaux qui seraient des petites îles aux cocotiers.
67 à 80 milliards de dollars de profits sont déplacés dans des paradis fiscaux par certaines multinationales par l’intermédiaire de plateformes de vente numériques soit 24 à 29% de leurs profits réalisés à l’étranger.

Face aux progrès de la lutte contre l’évasion et la fraude fiscale, les paradis fiscaux développent de nouvelles stratégies comme :
les "passeports dorés" qui permettent à des personnes de se déclarer résidentes d’un Etat sans pour autant y habiter.
Et, avec la course au moins disant fiscal entre les pays le taux moyen d’imposition sur les sociétés baisse d’année en année : le taux effectif d’imposition des multinationale aurait par exemple baissé en moyenne de 9% en 10 ans après crise financière de 2008. En particulier, les multinationales des secteurs technologiques et industriels ont vu leur taux d’imposition baisser de 13%.

Des réformes structurelles sont nécessaires.

Idée fausse #14 : Il faut baisser l’imposition des entreprises pour améliorer leur productivité et l’attractivité des territoires

Baisser les impôts résoudrait les problèmes des entreprises ?
Baisser les prélèvements obligatoires entraine mécaniquement une amélioration de la rentabilité ou permet en théorie de baisser les prix de vente à rentabilité constante. Cette dernière option aurait un effet positif sur la compétitivité. (A supposer qu’il y ait des problèmes de compétitivité !)
En réalité, les composantes de la compétitivité sont multiples, et le prix n’est pas toujours le problème principal.

En France, le Conseil national de la productivité rappelle en 2019 que : "la compétitivité-prix de la France s’est dégradée vis à vis des pays de l’OCDE entre 2000 et 2010, mais c’est principalement la compétitivité "hors-prix" qui expliquerait le différentiel de performance de la France avec les partenaires de la zone euro." : qualification inadéquate de la main d’œuvre, retard dans l’adoption des technologies de l’information et de la communication, capacité d’innovation moins importante, "caractéristiques du système productif" sont évoqués. Et, les cadeaux fiscaux faits aux entreprises "dopent" artificiellement la compétitivité des entreprises, lorsqu’elle ne vient pas doper leur rentabilité financière.

De la même manière, à l’échelle territoriale, en France, les impôts dits "de production" jugés élevés n’avaient pas empêchés la création d’entreprises, l’implantation d’usines, l’incubation de startups etc. Et ce principalement en raison de la contrepartie de ces impôts sous la forme d’aides aux entreprises plus élevées qu’ailleurs. Le gouvernement a cependant choisi de baisser les impôts mais n’a pas annoncé d’intention de baisser les aides aux entreprises pour autant, au risque de mettre en péril les finances des collectivités locales.
L’attractivité d’un territoire pour un investisseur passe par : une main d’œuvre adéquate présente, qualifiée et disponible ; la présence et la qualité des infrastructures et services publics nécessaires ; la présence des fournisseurs, sous traitants, cabinets d’experts ; une demande suffisante ; la sécurité juridique. C’est pourquoi la presse économique surveille des indicateurs tels que le "climat des affaires" ou le "moral des décideurs" qui englobent tout cela.
=> Les impôts participent au dynamisme économique dont les entreprises ont besoin
=> Avec la course au moins-disant fiscal, les réductions d’impôts se succèdent avec régularité quitte à dramatiquement affaiblir le financement des services publics qui font l’attractivité des territoires : si la baisse du taux nominal d’impôts sur la société qui a commencé en 1980 se poursuit au même rythme, le taux d’imposition moyen sera nul en 2052 au niveau mondial !

PROPOSITIONS
 Au plan national : stopper la baisse du taux nominal de l’impôt sur les sociétés, revoir les niches fiscales et les régimes dérogatoires, pour en diminuer le nombre et le coût afin d’élargir l’assiette de l’impôt sur les sociétés, tout en renforçant les mécanismes "anti-abus" en matière d’évasion fiscale internationale.
 Au sein de l’union européenne, instaurer une assiette commune pour l’impôt des sociétés, couplée à un taux plancher sur le modèle de la taxation unitaire pour neutraliser la concurrence fiscale.
 Au plan international, rénover l’impôt sur les sociétés : instaurer une taxation unitaire au plan international afin d’imposer les richesses là où elles sont créées et d’adapter l’impôt sur les sociétés à la numérisation de l’économie et d’en finir avec le principe de pleine concurrence qui considère les entités d’un même groupe comme indépendantes.
 Garantir la transparence : obliger les multinationales à publier des informations relatives aux impôts qu’elles paient et à leurs activités dans tous les pays où elles opèrent, créer des registres publics des propriétaires réels des sociétés et des trusts pour mettre un terme aux sociétés-écran, et instaurer un cadastre financier mondial.
 Créer un organisme intergouvernemental à l’ONU sur les questions fiscales pour que tous les pays puissent négocier sur un pied d’égalité et pour renforcer la transparence et la coopération entre États au plan international d’un côté et services de l’État engagés dans la lutte contre la fraude fiscale et financière de l’autre.

Chapitre 5 : La fiscalité écologique

Idée fausse #15 : Pas besoin de mettre en place une fiscalité écologique, elle existe déjà !

Le poids de la fiscalité environnementale est critiqué, mais il reste faible en termes relatif (2,4% du PIB).
Il existe de plus de nombreuses exonérations pour les entreprises (kérozene pour l’aviation, engrais azotés...).
Les taxes concernent surtout des produits de la consommation quotidienne (comme le pétrole), elles sont ainsi à la fois injustes (regressives) et inefficaces, puisque sans impact sur le comportement (nécessité).
Par ailleurs, demeurent des mesures budgétaires qui vont à l’encontre de la fiscalité verte.

Idée fausse #16 : L’essentiel des niches fiscales contribue efficacement à la transition écologique

Deux outils fiscaux pour protéger l’environnement : la taxation pour pénaliser certains comportements, les niches fiscales pour en favoriser d’autres. Ces dernières ont été présentées comme écologiques et même évaluées comme telles, mais la majorité sont défavorables à l’environnement d’après le CPO. Et ce sont celles qui pèsent sur le budgets publics (7 à 10 milliards d’euros pourraient être dégagés avec une "revue des niches fiscales"). Ces dépenses fiscales sont en plus injustes socialement : le CITE par exemple, crédit d’impôt pour la transition écologique, a principalement bénéficié aux ménages les plus aisés en 2018 (les revenus élevés permettent d’engager les travaux de rénovation notamment).

Idée fausse #17 : Les français ne veulent pas d’impôts écolos !

Gilets jaunes caricaturés contre les "taxes vertes", alors que la TICPE n’est que peu écologique (parce que que marginalement dissuasive) et qu’elle n’est pas orientée vers le financement de la transition. Prétendre des motifs écologiques pour des hausses d’impôt est dangereux (décridibilisation, et arguments libéraux d’une "écologie punitive"). Alors que la fiscalité écologique peut être souhaitée quand elle est débattue et juste (la Convention citoyenne pour le Climat a proposé plusieurs taxes : sur les transactions financières, une complémentaire sur le carbone pour les sites industriels concernés par le marché du carbone européen etc)

PROPOSITIONS
 établir une fiscalité juste forte et redistributive, abandon du marché des quotas carbone et véritable taxe carbone
 Convention ciotyenne sur la fiscalité pour en discuter
 Conditionner les aides aux entreprises à la réduction des émissions de gaz à effet de serre
 Redistribution (par exemple via un "chèque climat")
 Limiter les dépenses fiscales au profit des aides directes
 Réfléchir à une carte carbone, et à d’autres outils fiscaux tel qu’une taxe aux frontières de l’UE ou une taxe liée aux kilomètres parcourus (pour inciter à la relocalisation)

CONCLUSION.

Impôt : 
• un lien fondamental entre citoyens
• une dimension sociale et solidaire
• juste, il peut répondre au besoin de communs et rétablir les injustices fiscales
• un enjeu de société majeur

Pour Attac la fiscalité doit être progressive et redistributive.  
Attac défend une fiscalité qui :
• met davantage à contribution les agents économiques les plus aisés, les grandes entreprises et ménages fortunés ;
• qui repose sur plus d’impôts direct, mieux répartis ;
• qui repose sur moins d’impôts indirects (TVA, TIPP ...), fondamentalement injustes.
=> justice fiscale, redistribution, transparence, lutte contre la fraude et l’évasion fiscale, coopération internationale et suppression des paradis fiscaux
=> un "contrat social et écologique" : fiscalité sociale et environnementale ; un projet de transition ambitieux et compatible avec la justice sociale 
=> réappropriation collective de l’impôt et de son consentement par une convention citoyenne.